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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Marc Lavoie L'Actualité économique, vol. 61, n° 2, 1985, p. 171-199. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/601327ar DOI: 10.7202/601327ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 16 March 2013 01:02 « Inflation, chômage et la planification des récessions : la Théorie générale de Keynes et après » L'Actualité Économique. Revue d'analyse économique, vol. 61, no 2, juin 1985. INFLATION, CHÔMAGE ET LA PLANIFICATION DES RÉCESSIONS: LA «THÉORIE GÉNÉRALE» DE KEYNES ET APRÈS* Marc LAVOIE Département de Science économique Université d'Ottawa L'objectif de cet article est de sortir de l'ombre la théorie des prix et de l'inflation qui se trouve contenue dans la Théorie générale de Keynes. Il est montré que Keynes faisait une distinction entre les forces inflationnistes institutionnelles et l'inflation par la demande. Même si Keynes a surtout consacré ses efforts à la résorption du second type d'inflation, ce sont les forces inflationnistes institutionnelles qui le préocuppaient vraiment. Keynes était tout à fait conscient de l'instabilité à la hausse des prix, dans un cadre institutionnel où le plein emploi est une politique gouvernementale assurée. En partie parce qu'il croyait que les hausses de prix n'étaient habituellement pas la conséquence d'une forme de rareté, Keynes reje- tait les récessions planifiées comme moyen de combattre l'inflation. Il se serait donc opposé aux politiques économiques prônées par les gouvernements actuels. Mais il n'a pas vraiment proposé de solution alternative. Inflation, unemployment andplanned recessions : Keynes' 'General Theory' and after. — The purpose of this paper is to présent J.M. Keynes' forgotten theory of prices and inflation which is contained in the General Theory. It is shown that Keynes distinguished between institutional inflationary forces and demand-led inflation. Although Keynes spent more time on trying to tackle the latter problem, it is with the former that he really was concerned. Keynes was fully aware of the upwards instability of prices, in an institutional context where full employment is a guaran- teed government policy. Partly because Keynes considered that rising prices were usually not the conséquence of some scarcity, he rejected planned recessions as the means to fight inflation. He would thus hâve objected to the économie policies pursued by present-day governments. But he did not elaborate on any alternative solution. * Je veux remercier tout particulièrement le professeur Frédéric Poulon pour ses très nombreuses remarques et critiques formulées dans le cadre de son séminaire Decta III de l'Université de Bordeaux-1. J'ai aussi bénéficié des commentaires des professeurs Jean Denizet (Université de Paris-2), Jan Kregel (Université de Gôppingen), Jean-Guy Loranger (Université de Montréal), John McCallum (Université du Québec à Montréal) et Mario Seccareccia (Université d'Ottawa), ainsi que des remarques des lecteurs anonymes de la revue. 172 L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE 1. INTRODUCTION Malgré l'expérience contemporaine de la « stagflation », l'association des deux termes, inflation et chômage, a longtemps rendu mal à l'aise beaucoup d'économistes. Prétendre présenter une analyse de l'inflation de sous-emploi qui soit fondée sur la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes apparaît encore plus contradic- toire. Les économistes keynésiens ont en effet longuement évacué cette éventualité de leur système d'analyse. Pendant vingt ans les keynésiens cambridgiens ont négligé l'analyse de l'inflation, tandis que les keynésiens néo-classiques ne concevaient qu'une économie avec chômage mais sans inflation, ou une économie de plein emploi sujette à l'inflation. Vers la fin des années cinquante, il s'est déclenché un vaste programme de réflexion sur les liens entre emploi et inflation, mouvement auquel ont participé à la fois les keynésiens cambridgiens et néo-classiques. Par la suite, les écono- mistes monétaristes ont relancé la discussion. Malgré cela, l'analyse des prix contenue dans la Théorie générale est restée passablement ignorée de la majorité des économistes. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, le chapitre 21, « la théorie des prix», où Keynes traite du problème des prix et de l'inflation, est un chapitre court, qui termine en quelque sorte la Théorie générale. Sa place, après le récapitulatif des idées majeures de la Théorie générale, et juste avant diverses notes succinctes plus ou moins philosophiques, en a fait un chapitre de peu d'importance et donc souvent omis par ses lecteurs. Deuxièmement, il est clair que toute analyse économique dont l'ambition est d'offrir des recommandations de politique économique est nécesssai- rement influencée par le contexte et l'environnement économiques de l'époque à laquelle elle a été formulée. Keynes, s'il a connu les grandes périodes d'hyperinflation en Allemagne et en Autriche, n'a pas vécu une importante période de stagflation. Son message se rapporte à une époque où certains des mécanismes de régulation différaient de ceux d'aujour- d'hui, ou à tout le moins à une époque où les mécanismes actuels de régulation avaient une importance moindre1. Troisièmement, bien que l'inflation préoccupe Keynes, celui-ci n'apporte qu'une certaine gamme de solutions pour l'empêcher d'apparaître, et il ne présente guère de moyens pour contenir la hausse des prix une fois le processus inflation- niste déclenché. En fait, les politiques prônées par Keynes dans ce do- maine se rapportent principalement à une économie de guerre opérant au niveau du plein emploi2. Elles ne peuvent donc avoir qu'un intérêt indirect pour la situation économique contemporaine. 1. Dans les premiers plans de la Théorie générale, datant de 1932, Keynes projette de consacrer quatre chapitres aux prix [JMK xxix, p. 49]. Ceci nous amène à notre troisième explication de l'oubli de la Théorie générale par les spécialistes de l'inflation : peut-être Keynes s'est-il lui-même rendu compte qu'il n'avait pas beaucoup à en dire. 2. Ces recommandations de politique sont discutées en particulier dans les volumes ix, xxi, xxiv, xxvi et xxvii des oeuvres complètes de Keynes (que nous identifierons désormais par JMK ix, JMK xxi, JMK xxiv, etc.). INFLATION, CHÔMAGE... 173 Enfin, bien que la Théorie générale traite de l'emploi et de quantités réelles, elle est avant tout une analyse monétaire. Keynes décrit une économie monétaire de production [Kregel 1980, p. 33]. L'effort qu'il fait au début des années trente pour identifier les caractéristiques propres à une telle économie, par opposition aux propriétés des modèles économi- ques où la monnaie est neutralisée, est fort éloquent pour tout lecteur des premières ébauches de la Théorie générale [JMK xxix, pp. 76-101]. La synthèse néo-classique, avec son modèle IS-LM, ayant eu pour objet de revenir à une étude des quantités réelles, l'économie dominante a dû omettre la plupart des éléments qui, dans le Keynes de la Théorie générale, faisaient la jonction entre la théorie de la production et la théorie moné- taire. Le chapitre 21, est l'un de ces éléments. C'est là, principalement, que Keynes établit un lien entre le niveau de production et le niveau des prix. Bien que Keynes ne propose pas vraiment de réponse au problème de l'inflation, il n'en demeure pas moins que la Théorie générale contient une intéressante analyse de la formation des prix. Cette analyse a été large- ment ignorée par les économistes, si ce n'est d'un article récent de Jan Kregel [1979]. Notre ambition n'est pas de concurrencer la précision et l'érudition de cette étude. Plutôt, nous essaierons, en tirant avantage des lettres et des articles postérieurs à la Théorie générale, de voir comment a évolué la pensée de Keynes. Tout d'abord nous étudierons la typologie des hausses de prix présentée par Keynes; nous verrons ensuite les politiques économiques que Keynes associait à cette typologie; enfin, nous verrons dans quelle mesure cette analyse correspond aux théories et aux phénomènes contemporains d'inflation de sous-emploi. En particu- lier, nous découvrirons que les politiques actuelles de récessions plani- fiées, similaires aux politiques anti-inflationnistes prônées à l'époque pré-keynésienne, sont l'inéluctable conséquence des lacunes des explica- tions traditionnelles de l'inflation. Pour notre étude, outre la Théorie générale, nous nous sommes surtout servis des volumes des oeuvres complètes de Keynes qui concernent ses diverses activités entre 1931 et 1946. En effet, avant la parution de la Théorie générale, les rares lecteurs des ébauches (Joan Robinson en particu- lier) n'ont rien trouver à redire aux propos de Keynes sur les prix [JMK xiii]. Après la parution de la Théorie générale, les débats académiques ont porté sur des sujets plus brûlants d'actualité. 2 . LES TROIS TYPES D'INFLATION DANS LA «THÉORIE GÉNÉRALE» Avant d'aller plus avant, peut-être est-il préférable de présenter briè- vement le cadre théorique dans lequel la Théorie générale a été rédigée. Keynes fait face à la traditionnelle distinction entre théorie de l'entreprise et théorie de la monnaie. Plus précisément, d'un côté il y a la uploads/Philosophie/ inflation-chomage-et-la-planification-des-recessions-la-theorie-generale-de-keynes-et-apres-601327ar.pdf

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