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LE SACRE « Il est plus facile d’élever un temple que d’y faire descendre l’objet du culte » Samuel Beckett • L’innommable p. 95 "Questions et enjeux esthétiques : L'Art et le sacré Partant du principe que « la notion de sacré [est] une notion sociale, c'est-à-dire un produit de l'activité collective » (Marcel Mauss), l'étude des rapports entre l'art et le sacré, dans le cadre de l'enseignement de l'histoire des arts, englobe non seulement les genres artistico-religieux communément regroupés sous le qualificatif générique d'« art sacré », mais encore tout ce par quoi l'art exprime « le sacré [...] comme une catégorie de la sensibilité » (Roger Caillois), « un élément dans la structure de la conscience » (Mircea Eliade). ---- « Qu’est)ce qui socialement et psychologiquement génère du sacré » À l'aide d'exemples choisis dans une diversité aussi grande que possible d'époques, de domaines artistiques et de civilisations, d'objets et d'édifices cultuels ainsi que d'œuvres d'art, il s'agira : tout d'abord, d'étudier la relation complexe qu'entretient l'art avec le fait religieux, notamment dans une fonction véhiculaire ou illustrative des textes sacrés ; puis, de considérer son apport à des rituels relevant d'une acception soit strictement religieuse, soit plus largement anthropologique, voire laïque, de la notion de sacré ; enfin, de s'interroger sur la manière dont l'art devient lui-même objet de sacralisation à l'époque contemporaine. La question s'organisera donc autour des trois axes ainsi dégagés : - représentations artistiques du sacré ; - l'art, partie prenante du rite ; - la sacralisation de l'art." 1. A L’origine du sentiment du sacré : RELIER (nul homme n’échappe au sacré) 1.1. Origine de la reliaison par le sacré (Le numineux de Rodolph Otto) 1.2. La solitude destructrice et suicidaire de l’homme (Durkheim) 1.3. La sublimation par le groupe (Freud et René Girard) 1.4. Le sacrifice ou la violence des frères (le bouc émissaire – Delphine Horvilleur Rabbin) 2. Genèse du sacré dans l’œuvre d’art : DELIMITER (donner sa place à l’homme dans le monde) 2.1. Délimiter pour se représenter : l’exemple de l’architecture sacrée des Temples 2.2. La caractère sacré des nombres : Pythagore, la gématria et la superstition 2.3. Le sublime dans la fonction pyramidale, le nombre d’or et les spirales logarithmiques 3. TRANSGRESSER : La hiérophobie contemporaine (Le sacré ne disparaît jamais) 3.1 Du sacré dans un monde technocentré ? 3.2 Du vertical catholique à l’horizontal protestant : le verbe se fera-­‐t-­‐il chair ? 3.3 Le sacré écartelé entre traditions et modernité Conclusion : Thomas Man / Visconti : Mort à Venise symbole du double sens de l’art/sacré + Bibliograhie chronologique Qu’y a t-­‐il donc de sacré dans le sacré au point de hanter de prés ou de loin toute réflexion sur la création plus particulièrement artistique ? De manière générale le sacré c’est ce qui est intouchable par le vulgaire, en l’espèce le profane (qui n’est pas initié et se tient « profanum », devant le temple), voire inatteignable même jusqu’au sublime. Il crée une frontière, une démarcation entre deux univers qui se télescopent en même temps et qu’il relie l’un à l’autre. C’est cette distinction avec l’ordre du commun qui le rend tellement fascinant , et le fait osciller entre vénération et profanation, transgression. Le sacré en effet relève d’un autre monde, c’est une irruption une infraction dans la logique vulgaire du réel qu’il est censé protéger du chaos, jusqu’à ce que sa magie n’opère plus ayant épuisé son mystère. Il relève de l’art mais aussi du religieux, et surtout des mathématiques et de la géométrie (« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » Gravé sur le portail de l’Académie de Platon) bref de tout ce qui a valeur de symbole, de tout ce qui rassemble les hommes autour de ce qui pourrait les séparer, les affaiblir. Par le sacré la créature se rend créatrice, dispose de sa propre force et s’engendre elle-­‐même puisque « créer » c’est étymologiquement « tirer du néant ». Grâce au sacré finalement l’homme se rend lui-­‐même exceptionnel dans l’ordre naturel des choses qu’ainsi il a l’impression, symboliquement au moins, de dominer. La sacré rend l’homme créateur, artiste de sa propre vie à laquelle il va donner un sens en ordonnant le désordre du monde, mis en relation avec son propre désordre intérieur, cet ennemi qu’il faut apprendre à sublimer par tous les moyens (nous ne pourrons pas échapper à une analyse Freudienne). C’est le rôle de L’art de dévoiler (alethéia/vérité) quelque chose, de faire apparaître ce qui n’existait pas avant, ou qu’on ne savait ou n’osait pas voir et que finalement on vénérera.... La création artistique ou religieuse relève donc du mystère dont le sacré serait la manifestation et la conséquence. A propos du sacré, les philosophes diraient qu’il est l’expression d’une transcendance (le vertical surnaturel au-­‐delà du temps et de l’espace) dans l’immanence (l’horizontal naturel de l’espace et du temps) – En effet le sacré c’est ce qui permet d’accéder à un au-­‐delà, l’horizon de ce monde profane et vulgaire (commun) dont l’artiste est « le prophète » selon Kandinsky (Du spirituel dans l’Art,2 ; l’artiste est à la pointe du triangle de la société dont le peuple constitue la base retardataire ) et l’œuvre d’art le véhicule mystérieux. Retenons bien que le sacré ne se limite pas à l’art et à ses œuvres les plus ambitieuses. Loin de se limiter au champ de l’esthétique et de la sensation, il est aussi généralement à l’œuvre bien sûr dans le fait religieux (pas seulement au sens récent de religion) -­‐ Régis Debray dans Jeunesse du sacré p. 14 : « Dieu c’est – 700 ans av. JC, alors que le sacré c’est -­‐100 000 ans : la première sépulture. » (Neandertal couchait ses défunts dans une fosse en position fœtale comme pour indiquer un retour à l’origine…)-­‐ il est donc à l’origine des rituels qui permettent la séparation de l’âme et du corps (dont le sacrifice est un aspect), dans le culturel où il permet la séparation et la distinction/reconnaissance des groupes (dont le bouc émissaire est un élément fondateur), dans le psychologique où il est constitutif de l’identité individuelle et collective, mais aussi dans les mathématiques et ses manifestations artistiques comme l’architecture, musique, poésie peinture qui suggèrent une unité de la pensée et de la perfection cosmique etc.... Est ainsi concerné par le sacré tout ce qui en esthétique gravite autour du sublime, l’infiniment grand, à commencer par la magie des nombres sacrés chez Pythagore à l’origine de la TETRATKYS pythagoricienne (le triangle de l’univers par les 10 premiers chiffres), le nombre d’or appelé aussi « divine proportion » et son complément, la suite séquentielle de Fibonacci (XIIIème siècle). On ne peut pas faire l’économie de la pensée pythagoricienne pour comprendre les racines de la culture occidentale si l’on veut s’approcher du sacré c’est à dire rencontrer et même toucher le sublime. Le sacré est donc une notion transversale, profondément anthropologique. D’où son ambiguïté paradoxale constamment soulignée (par exemple Caillois L’homme et le sacré « l’ambiguïté du sacré » 2) : le sacré en indiquant un espace souverain et inaccessible au profane non initié, trace une frontière, c’est là probablement sa fonction essentielle. Séparer mais aussi relier voire englober tout en même temps (à l’image du mot BERIT en hébreux par exemple dans l’Ancien testament VIII,8) = trancher/séparer et unir/alliance. Cette dialectique du sacré n’est pas sans lien avec le yin et le yang du Yi king, le texte sacré de la culture chinoise qui enseigne le mouvement et la transition plutôt que les polarités et dualité occidentales de l’âme et du corps (Descartes). Rassembler ce qui est épars, divers voire même contradictoire, pour créer une unité que la seule existence naturelle ne saurait produire voilà la fonction initiale ( et initiatrice) du sacré. Faire apparaître, créer un ordre dans le chaos problématique du profane et de l’initié, lier, relier ce qui s’oppose comme le pur et l’impur, le haut et le bas, le diabolique et le divin, le sang et la loi (« calcul de Marat » à la tribune de l’Assemblée le 24 août 1789 « il y a en France 270 000 têtes à abattre pour conquérir la liberté » La violence du « sang impur » intime le respect du nouvel ordre républicain ... Où comment la République devient sacrée !), mort Et vivant telle la résurrection du Christ. La force du sacré est de constituer un trait d’union, une cartographie, un zonage des pratiques et des aspirations humaines. Du fait de la diversité de ses manifestations il est donc improbable de saisir le sacré comme un bloc signifiant, une formule, ni même UN rituel, d’où l’importance de s’interroger sur son origine, sa genèse. Non pas ce qu’est le sacré on n’en épuiserait jamais les représentations possibles, mais de quoi il procède, ce qui rend sacré le sacré, ce nombre d’or ou ce nom mystérieux et secret. Le secret du sacré serait ainsi non seulement de créer des catégories, des récurrences, des relations dans lesquelles uploads/Philosophie/ conferenceartsacre.pdf

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