Socio-anthropologie 14 | 2004 Interdisciplinaire Interdisciplinarité, monodisci

Socio-anthropologie 14 | 2004 Interdisciplinaire Interdisciplinarité, monodisciplinarité, transdisciplinarité Pierre Bouvier Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/socio-anthropologie/372 DOI : 10.4000/socio-anthropologie.372 ISSN : 1773-018X Éditeur Éditions de la Sorbonne Édition imprimée Date de publication : 15 janvier 2004 ISSN : 1276-8707 Référence électronique Pierre Bouvier, « Interdisciplinarité, monodisciplinarité, transdisciplinarité », Socio-anthropologie [En ligne], 14 | 2004, mis en ligne le 15 mai 2005, consulté le 02 mai 2019. URL : http:// journals.openedition.org/socio-anthropologie/372 ; DOI : 10.4000/socio-anthropologie.372 Ce document a été généré automatiquement le 2 mai 2019. Socio-Anthropologie est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Interdisciplinarité, monodisciplinarité, transdisciplinarité Pierre Bouvier 1 Au cours du XIXe siècle la crise morale et la remise en question de l’appréhension du monde et des comportements humains à travers le prisme de la religion et des structures de l’ancien régime contribue à une réévaluation des modalités d’explication cognitives. 2 La philosophie participe à ces recompositions. Elle est généralement comprise comme une discipline intellectuelle cherchant à établir une connaissance rationnelle de la nature et du système général des connaissances humaines tant dans les domaines des actions que du savoir. Attachée génétiquement à la pensée occidentale, elle en porte les marques discursives et les avatars : science des fondements du réel et de l’éthique, elle se développe concurremment à la théologie tout en cherchant à en desserrer l’étreinte. 3 Nous sommes en présence d’une approche que l’on peut qualifier de monodisciplinaire à vocation plurielle c’est-à-dire à une lecture visant et prétendant traiter de la pluralité des domaines de la connaissance à partir d’un prisme spécifique : le philosophique. 4 Cette attitude a été celle des générations antérieures et dont, entre autre, témoignait, au début du siècle, le fondateur de la sociologie : Auguste Comte. Cette dernière n’était qu’une partie analytique d’un système général embrassant l’ensemble des connaissances regroupant ce qu’il nomme la science des corps bruts (mathématique, astronomie, physique, chimie) à la science des corps organisés (physiologie physique sociale ou sociologie). 5 “ […] la philosophie positive, dans laquelle je comprends l’étude des phénomènes sociaux aussi bien que tous les autres, désigne une manière uniforme de raisonner applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer 1. ” 6 Le XIXe siècle va faire imploser l’ambition impériale de la philosophie de traiter tant les faits de la nature que de l’humain. L’autonomie prise par les sciences de nature conduit à un rejet ou du moins à une non prise en compte des extrapolations “ philosophiques ” Interdisciplinarité, monodisciplinarité, transdisciplinarité Socio-anthropologie, 14 | 2004 1 sinon métaphysiques et de toute dépendance marquées au sceau de conceptions apodictiques. Il n’est plus nécessaire de faire allégeance à l’immanence du religieux sinon du pouvoir politique à un moment ou l’autre du traité ou des analyses produites. René Descartes n’aurait plus eu à disserter masqué. 7 Dépouillé de ses capacités à traiter des faits de la nature le domaine des humanités reste, a priori, à sa portée. Il ne s’avère pas moins que dans ce dernier secteur les données ont également changé, quoique dans une mesure moins radicale. Étant beaucoup moins astreint à l’imprimatur des églises et à celle de la censure des autorités publiques tout comme travaillé par les mutations sociales qui renouvellent l’origine et le recrutement des hommes de science et de lettre, les humanités, pris au sens large et non seulement limité à celui d’étude des langues, littérature et philosophie, s’ouvre sur une diversification par fragmentation. 8 Ces éléments sont accompagnés de manière plus ou moins effective et apparemment pertinente pour ceux qui les insèrent dans leurs propédeutiques par les avancées liées à l’élaboration et à l’utilisation de nouvelles techniques, de nouveaux instruments d’observation et d’expérimentation. Une certaine mécanisation des procédures s’effectue au sein même du champ qui était désigné ou du moins relevait antérieurement des sciences de l’âme et de l’esprit et dont les argumentations reposaient principalement sur l’approche cognitive, la connaissance par idéation : induction, déduction et synthèse. 9 Ces modifications des procédures et des protocoles heurtent peu ou prou la doxa philosophique, du moins dans ses us et dans ses coutumes traditionnels. 10 Ces multiples et diverses échappées du sein de l’alma mater s’opèrent au cours du XIXe siècle de manière beaucoup plus abrupt que lors des périodes antérieures. Le bourgeonnement, l’apparition de surgeons ne se fait pas sans nombre de difficultés. La sève nourricière indispensable, les données contextuelles tout comme la profusion de ces germinations adossées aux racines et au tronc des orthodoxies viennent souvent, du moins dans les premiers temps, à faire défaut ou à n’être alloué que de manière parcimonieuse. Ces conditions déterminent en grande partie le sort qui leur sera réservé tout comme leurs capacités à faire non pas rejet mais corps, instance. 11 Ainsi la philosophie subit une forte réduction de ses domaines antérieurs. Ceux-ci se détachent, prennent des libertés, ne considèrent plus comme nécessaire de devoir en référer, en dernière instance, à ses axiomes ou à tels ou tels de ses paradigmes. 12 L’indiscipline s’empare de la discipline par excellence, de celle qui jouissait jusqu’alors d’un statut incontesté si ce n’est sur ses marges ou de la part de gloses ne prétendant pas à la remplacer comme vecteur de la connaissance et de l’interprétation du monde. 13 Dans ce contexte de reformalisation, de resserrement et d’antagonismes plus ou moins feutrés à l’intérieur des sciences humaines, une revue dirigée par un des représentants de cette “ monodiscipline plurielle ” reflète, dans ses mutations successives, les changements importants qui s’opèrent dans les sciences humaines au cours des dernières décennies de la seconde moitié du XIXe siècle. 14 En 1867 des philosophes se dotent d’une revue spécifique intitulée : L’année philosophique, études critiques sur le mouvement des idées générales dans les divers ordres de connaissance. Dans son avertissement François Pillon, précise l’objet de cette publication, constituée de mémoires et d’une bibliographie analytique et donne une définition de la philosophie : Interdisciplinarité, monodisciplinarité, transdisciplinarité Socio-anthropologie, 14 | 2004 2 15 “ synthèse du savoir humain. Toutes les sciences relèvent de la philosophie par leurs méthodes, par leurs rapports entre elles, par leurs principes et leurs théories […] elle embrasse tout ; rien ne lui est étranger 2. ” 16 L’auteur présente une longue liste de ces domaines qui vont de la logique aux sciences biologiques et anthropologiques. Les référentiels sont ceux du rationalisme critique. Un second numéro, et dernier sous ce titre, paraît l’année suivante à la veille de la guerre franco-prussienne. Après le conflit et la chute du régime la revue est reconstitué par les mêmes protagonistes Charles Renouvier et François Pillon mais sous une forme différente. Le premier numéro s’intitule : La critique philosophique, politique, scientifique, littéraire, organe hebdomadaire et non plus annuel du néo-criticisme. Il paraît, en 1872, aux lendemains de la guerre franco-allemande et de la Commune et s’inscrit dans les débats philosophiques de l’époque dont ceux marqués par l’influence du positivisme et de l’évolutionnisme sociologique spencérien. Plus que réservé vis-à-vis des thèses métaphysiques ou scientistes, dont celles de la lignée “ progressiste ” établie par des saint-simoniens, l’éditorialiste, dans la présentation des intentions, considère que : “ Le criticisme renouvelle la philosophie en faisant poser sur la raison pratique, c’est-à- dire sur l’ordre moral, les seules inductions rationnelles qu’il soit possible de tirer de la nature humaine 3. ” Il se réfère explicitement à “ la pure formule du juste, enfin trouvée sous le nom d’impératif catégorique ”. Ce sera donc sous l’égide d’Emmanuel Kant que cette revue philosophique souhaite traiter, dans ces temps difficiles, de la juste morale comme science rationnelle, condition pour assurer la paix et la liberté. 17 Ce faisant, la critique philosophique apparaît comme une publication analytique et d’opinion compte tenu de ses interventions dans les champs très divers inscrits dans le libellé de son titre. Elle montre à la fois la capacité ou la prétention de philosophes de traiter d’une vaste gamme de faits humains et sociaux mais également leur tentative de rendre inutile des spécialisations plus affirmées. Par là elle vise des monodisciplines et des organes visant des domaines plus précis qui tentent de se donner un statut scientifique distinct du généralisme philosophique habituel. Cette revue présente l’intérêt de donner à voir la modification des attendus et des ambitions qui traversent le domaine des sciences humaines. Une relative contraction des champs apparaît plus précisément dans les années 1870-1880 dans le cadre de la lente assurance prise par les idées républicaines, laïques, scientistes et rationnelles. 18 Cette publication n’est pas la seule qui se réclame de la philosophie et, ici, en l’occurrence sous l’angle d’un courant spécifique et reconnu : le criticisme. Prévalent également, à cette époque, des publications d’obédience positivistes dont La philosophie positive initiée par Émile Littré (“ La philosophie positive est une doctrine où […] se trouve le lien général du savoir 4 ) ou, dans une perspective rationaliste, La revue de métaphysique et de morale de Xavier Léon. Cependant la diversité des sujets traités tend, si uploads/Philosophie/ interdisciplinarite-monodisciplinarite-pluridisciplinarite.pdf

  • 34
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager