ÂRYADEVA ET CANDRAKÎRTI SUR LA PERMANENCE Jacques M a y (Université de Lausanne
ÂRYADEVA ET CANDRAKÎRTI SUR LA PERMANENCE Jacques M a y (Université de Lausanne) Alors que les huit premiers chapitres du Catuhsataka d’Àryadeva traitent avant tout d’éthique, les huit derniers sont consacrés au débat philosophique. Le chapitre IX, qui ouvre la série, peut donc être considéré comme indiquant la direction principale que va prendre la critique d’Âryadeva. Dans les Müla-madhyamaka-kàrikâ, Nâgàrjuna réserve ses premiers coups à la notion de causalité ; Àryadeva, lui, fait porter son effort initial contre la notion de permanence. Pour montrer l’importance du débat, il le place sous le signe de la compréhension exacte de la réalité par le Tathâgata (kârikâ 201cd). Les six premières kârikâ du chapitre, ainsi que la première moitié de la septième, sont conservées en sanscrit, avec la vrtti ou tïkâ de Candrakïrti. On trouvera ci-après un essai de traduction de ce début du chapitre IX. On a choisi délibérément le texte sanscrit pour base de la traduction, tout en faisant un large usage de la version tibétaine. La traduction japonaise de Y a m a g u c h i Susumu m’a été d’un grand secours. R é f é r e n c e s , a b r é v ia t io n s Pour certaines publications, on a indiqué à la fin de la référence, entre crochets, la portion correspondant à la présente traduction. a. Éditions, traductions, sommaires : 1. Édition des fragments sanscrits: Catuhsatikâ by Arya Deva, ed. by Hara- prasad Sh a s t r I. Memoirs of the Asiatic Society of Bengai, Vol. III, No. 8, Calcutta, 1914, p. 449-514, [480.18-484.21.] — Abréviation: HPS. 2. Version tibétaine : The Tibetan Tripitaka, Peking Edition kept in the Library of the Otani University, Kyoto. Ed. by Daisetz T. Su z u k i. Tokyo and Kyoto, Tibetan Tripitaka Research Institute, 1957, Vol. 98, No. 5266. [235.2.7-237.4.4.] — Abr. : Tib. Trip. 3. Traduction japonaise: Ya m a g u c h i Susumu [ lin # , Gesshô-zô Shihya- kuron-chùshakuHajô-honnokaidoku M • «Trans lation and Annotation on the Chapter ‘Négation ofeternal things’ in Candrakïrti’s Catuhsataka-tïkâ». Suzuki Gakujutsu Zaidan Kenkyü Nempô Annual of Oriental and Religious Studies, No. 1, Tokyo, 1964, p. 13-35. 216 J. MAY Réimprimé (sous son titre japonais seulement) dans : Yamaguchi Susvmu Bukkyôgaku Bunshû (il □ Recueil d’articles d’études bouddhiques par Yamaguchi Susumu»], Tokyo, Shunjüsha iPfXfd:, 1972-1973, 2 vol.: p. 349-403 du vol. II (699-753 de la pagination continue). [P. 353-370.] — Abr. : Yamaguchi. 4. Va id y a , P. L. Études sur Âryadeva et son Catuhsataka, chapitres VIII- XVI. Paris, P. Geuthner, 1923. (Thèse de l’Université de Paris.)— V. May, p. 26. 5. Bh a t t a c h a r y a , Vidhushekhara. The Catuhsataka o f Âryadeva. Sanskrit and Tibetan Texts with copious extracts from the Commentary of Candrakïrtti, reconstructed and edited. Part II [seule parue], Calcutta, Visva-Bharati Book- shop, 1931. (Visva-Bharati Sériés, No. 2.) — V. May, p. 26. 6. Ya m a g u c h i Susumu. Shihyakuron Hajô-hon no yôkô : u, sonzai no genkai E3W fm®#pn©i?lfi : PSJf-«A Summary of Âryadeva’s Catuhsataka, Chapter IX [ : limits of being and existence]». (Article en japonais, avec résumé en anglais: en fait, étude des «points essentiels», yôkô HJÎf, du chapitre.) Ôtani Daigaku Kenkyü Nempô'X^TC^W^S Annual Report of Ôtani University, 14, 1962, p. 1-43. Réimprimé (sans le résumé anglais) dans Yamaguchi Susumu Bukkyôgaku Bunshû (cf. ci-dessus, No. 3), vol. II, p. 260-298 (pagination continue, p, 610-648). b. Sur Âryadeva, voir notamment : T. R. V. Murti, The Central Philosophy of Buddhism, London, Allen & Unwin, 1955, p. 92-95. É. Lamotte, Traité, III, p. 1370, n. 2. Encyclopaedia of Buddhism, ed. by G. P. Malalasekera : articles Âryadeva (1) et Âryadeva (2) = Vol. II, Fasc. 1, Colombo, Government of Ceylon, 1966, p. 109-116. J. May, article Chügan ^ l l , Hôbôgirin,V, Paris, Tokyo, 1979, p. 479-480. c. Abréviations : E. Lamotte, Traité = Le Traité de la grande vertu dë sagesse de Nâgârjuna (Mahâprajnâpâramitâsâstra), par Etienne Lamotte. Tomes I et II, Louvain, 1944 et 1949, réimpr. 1966 (Bibliothèque du Muséon, vol. 18). Tomes III et IV, Louvain, 1970 et 1976 (Publications de l’Institut Orientaliste de Louvain, vol. 2 et 12). HPS = Haraprasld Shâstrï, ci-dessus réf. No. 1. I. Cl. = Renou, Louis, et Jean Filliozat. L ’ Inde Classique. Manuel des études indiennes. 3 vol. T. I : Paris, Payot, 1947. T. II : Paris, Hanoï, 1953 (Bibliothèque de l’École française d’Extrême-Orient, 3). T. III : à paraître. K. Lav. = L ’ Abhidharmakosa de Vasubandhu, traduit et annoté par Louis de La Vallée Poussin. Paris, Louvain, 1923-1931, 6 vol. Réimpr., Bruxelles, 1971 (Mélanges chinois et bouddhiques, 16). — Références aux chapitres et pages. Lokesh Chandra = Tibetan-Sanskrit Dictionary [...] by Lokesh Chandra. New Delhi, 1959-1961, 12 vol. (Satapitaka, 3). Deux réimpressions, Kyoto, 1971 et 1976, 2 vol. May = Candrakirti, Prasannapadâ Madhyamakavrtti : douze chapitres traduits du sanscrit et du tibétain, accompagnés [...] d’une édition critique de la version tibétaine. Paris, A. Maisonneuve, 1959. (Thèse de l’Université de Lausanne. — Collection Jean Przvluski. tome T T T ÂRYADEVA ET CANDRAKIRTI 217 MMK = Mülamadhyamakakârikâs (Mâdhyamikasütras) de Nàgârjuna, avec la Prasannapadà, commentaire de Candrakirti. Publié par Louis de La Vallée Poussin. St-Pétersbourg, 1903-1913 (Bibliotheca Buddhica, 4). Réimpr., Osnabrück, 1970. — La mention MMK renvoie exclusivement aux kârikâ de Nàgârjuna. Cf. Pr. Pr. = renvoie au même ouvrage que MMK, mais plus particulièrement au commentaire de Candrakirti. (réf.) = cette mention, suivant une référence, indique qu’on en trouvera d’autres à l’endroit indiqué. s.v. = sub voce, renvoie à un mot d’un dictionnaire ou d’un index. Tib. Trip. = The Tibetan Tripitaka. Peking Edition, kept in the Library of the Ôtani University. Reprinted [in phototype] under the supervision of the Ôtani University, Kyoto. Ed. by Daisetz T. Suzuki. Tokyo, Kyoto, 1955- 1961, 168 vol. Yamaguchi = ci-dessus réf. No. 3. * * * Q u a t r e C e n t u r ie s s u r l a pr a t iq u e d e l ’a j u s t e m e n t in t é r ie u r pa r l e s Êt r e s à É v e il C h a pit r e n e u v iè m e , in t it u l é : R é f u t a t io n d e l ’o bj e t pe r m a n e n t 1 [Préambule] [480.18] Le disciple a la série de ses pensées lavée par l’eau des chapitres précédents. Il est un vase pour l’enseignement de l’ambroisie de la réalité. Désireux d’entreprendre l’exégèse de cette dernière, afin que [le disciple] comprenne la réalité des catégories telle qu’elle est constituée, le maître va dès maintenant lui expliquer, dans les chapitres suivants, que le conditionné est sans consistance (asâra), parce qu’il est sujet à l’apparition et à la disparition. [§ 1. Négation de la permanence en général] [1. Causalité et impermanence] [480.21] 201ab. Tout se produit en vue d’ un effet. Donc il n’ y a pas de permanent. 1 h p s /is<; ir. 218 J. MAY En effet, dans le monde, [tout] déploiement d’activité conduit à un effet; il ne ressortit pas à l’être en soi. C’est ainsi qu’on dit dans le monde : «Cet amour qu’on éprouve s’accomplit dans l’effet; il n’existe pas pour lui-même». Le conditionné aussi — éléments et leurs dérivés, pensée et mentaux, caractères et choses caractérisées, etc, — ne se produit pas isolément, mais uniquement sous forme de complexes [de causes et d’effets déterminés], selon les possibilités. [480.24] Un tel complexe comporte une situation mutuelle de cause à effet, d’où la formule: «Lorsque, ceci étant, cela est2; lorsque, en l’absence de ceci, cela n’est pas : ceci est cause de cela, [et] l’autre [terme est] l’effet». Sans la terre, les trois [autres] éléments n’existent pas; si elle existe, ils existent3. La production de la terre est donc ordonnée (°prayojanâ) à un effet. Ainsi donc, «tout» le conditionné sans exception «se produit en vue d’un effet» spécifique4. [480.26] Or, ce qui se produit en vue d’un effet n’est pas permanent. «Permanent» est synonyme de «être en soi», «[existence] vraie», «consistance», «réalité objective», «substance»5. Par conséquent, on considérera le conditionné6 comme dépourvu d’être en soi, de vérité, de consistance, de réalité objective, de substance, puisqu’il ne s’[y] trouve pas de [permanent]. [480.28] C’est en ce sens même que le Bienheureux dit : «Samrddhi, l’organe visuel est vide de Soi-même, et de [quoi que ce soit] qui appartiendrait à un Soi-même, [et qui serait] permanent, stable, éternel, de nature inaltérable»7. [481.1] De même: «L’organe visuel est vide d’organe visuel, parce qu’il n’est ni immuable, ni périssable. Pourquoi cela? Telle est sa nature»8. 2 Sur la formule asmin satidam bhavati : May, n. 321 (réf.). 3 Les éléments universels (mahâbhüla) sont cause simultanée (sahabhü-hetu) les uns des autres, K. uploads/Philosophie/ jacques-may-cs-commentarie-de-candrakirti-chapitre-ix-aryadeva-et-candrakirti-sur-la-permanence-i-1980-ii-1981-a-iii-1981-b-iv-1982-v-1984.pdf
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- Publié le Apv 03, 2022
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