CHAPITRE PR EMIER SENS ET M:f:THODE DE LA PH:f:NOM:f:NOLOGIE Nous savons que la
CHAPITRE PR EMIER SENS ET M:f:THODE DE LA PH:f:NOM:f:NOLOGIE Nous savons que la préface (1) de la Phénoménologie est posté- rieure à la rédaction de l'œuvre. Elle a été écrite après coup, quand Hegel a pu lui-même prendre conscience de son « voyage de découverte »;Elle est surtout destinée ,à assurer la liaison entre la Phénoménologie qui ,paraIt seule comme « première partie de la science» et la Logique qui, se plaçant à un autre point de vue que la Phénoménologie, doit constituer le premier moment, d'une encyclopédie. On conçoit donc que dans cette préface qui e,st un'e charnière entre la Phénoménologie et la Logique, Hegel se soit imtout préoccupé de donner une, idée générale de tout son. système. De même que dans la Différence de la philosophie de Fichte et de Schelling il s'élevait déjà au-dessus de ses devanciers, et en paraissant adopter le point de, vue même de Schelling le dépassait en réalité, de même dans cette. préface, mais cette fois-ci avec une pleine conscience, il se situe parmi les philosophes de son temps et manifeste sa propre originalité philosophique. Reve- nant aussi sur bien des points obscurs de la Phénoménologie, il y donne des indications précieuses sur la signification pédagogique de cette œuvre, sur sa relation avec l'histoire du monde en géné- ral, et sur sa conception propre de la négativité. L'introduction à la Phénoménologie (2) a été au contraire conçue en même temps que l'œuvre et r.édigée en premier lieu; elle nous paraIt donc renfermer la première pensée d'où toute l'œuvre est sortie. Elle est vraiment, au sens littéral, une intro- duction aux trois premiers moments de l'œuvre - c'est-à-dire: la conscience, la conscience de soi et la raison -; quant à la dernière pa'rtie de la Phénoménologie qui renferme les développe- ments particulièrement importants' sur l"Esprit et la Religion, (1) • Vorrede '. - Nous reviendrons plus tard sur l'histoire de la rédaction de la Phénoménologie de l'Esprif (chap. III, Ire parUe: Slruelure de la Phéno- ménologie). ' , (2) « EinleUung '. 10 GÉNÉRALITÉS SUR LA PHÉNOMÉNOLOGIE elle dépasse p,ar son contenu la Phénoménologie telle qu'elle est définie stricto sensu dans cette introduction. Hegel paraît avoir fait rentrer dans le cadre du développement phénoménologique ce qui tout d'abord n'était pas destiné à y, trouver place. Nous comptons revenir sl!r ce problème en étudiant la structure de l'œuvre. Nous nous contentons, ici de cette indication indispen- sable pour comprendre la portée exacte de cette « introduction» que nous nous proposons d'aussi près que possible. Son étude, beaucoup plus que celle de la préface, nous permettra en effet de déterminer le sens de l'œuvre que Hegel a voulu écrire, et III technique qui est pour lui celle du développement phéno- ménologique. L'introduction n'est pas en effet un hors-d'œuvre comme la préface qui contient toujours des renseignements géné- raux sur le but que l'auteur s'est proposé et les relations que son œuvre ·soutient avec d'autres traités philosophiques sur le même sujet (2). L'introduction fait au contraire partie intégrante de l'œuvre, elle est la position même du problème et détermine les moyens mis en œuvre pour le résoudre. En preIilier lieu Hegel définit dans cette introduction comment se pose pour lui le pro- blème de la .connaissance. Nous voyons comment il revient à cer- tains égards au point de vue de Kant et de' Fichte. La Phénomé- nologie n'est pas une nouménologie ou une ontologie; cependant . elle reste encore une connaissance de l'Absolu, car qu'y aurait- il d'autre à connaître puisque « l'Absolu seul est vrai, ou le vrai seul est Absolu (3) »? Mais au lieu de présenter le savoir de l'Absolu en soi et pour soi, Hegel considère le savoir tel qu'il est dans la conscience, et c'est de ce savoir phénoménal se critiquant lui-même qu'il s'élève au savoir absolu. En deuxième lieu Hegel définit I.a Phénoménologie comme développement et culture de la conscience naturelle vers la science, c'est-à-dire le savoir phi- losophique, le savoir de l'Absolu; il indique à la fois la nécessité d'une évolution de la conscience et le terme de cette évolution. En dernier lieu enfin Hegel précise la technique du développe- ment phénoménologique, il montre en quel sens ce développe- ment est l'œuvre même de la conscience qui est engagée dans l'expérience, en quel sens il est susceptible d'être repensé dans sa nécessité par la philosophie. I. Le problème de la connaissance. Idée d'une Phénoménologie. - Dans ses œuvres philosophiques d'Iéna, Hegel avait critiqué toute propédeutique à.la philosophie. On ne saurait rester sans cesse comme Reinhold sur le parvis du temple. La philosophie (1) Phénoménologie de l'Esprit, édition Aubier, t. l,p. 5 .. C'est désormais à cette traduction que nous renverrons. (2) Phénoménologie, l, p. 67. SENS ET MÉTHODE DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE Il n'est ni une logique comme « organ on » qui traite de l'instru- ment du savoir avant le savoir, ni un amour de la vérité qui n'est pas la possession même de la vérité. Elle est science et, comme le veut Schelling, science de l'Absolu. Au lieu d'en rester à la réflexion, au savoir du savoir, il faut s'enfoncer directement et immédiatement dans l'objet à connaître, qu'on le nomme Nature, Univers ou Raison absolue. Telle était la conception ontologique que Schelling opposait depuis ses essais de philosophie de la Nature à la philosophie de la réflexion qui était celle de Kant et de Fichte. Tel était également le point de vue de Hegel aussi bien dans sa première œuvre d'Iéna sur la différence des systèmes de Fichte et de Schelling, que dans son article du Journal critique de philosophie, sur la foi et le savoir. Dans cet article il reprochait à l'idéalisme transcendantal de Kant d'être resté, en dépit de la déduction des catégories, un subjectivisme. Dans son principe qui est celui d'une philosophie seulement critique Kant n'a pas dépassé Locke. « La pensée kantienne est fidèle à son principe de la subjectivité et de la pensée formelle en ceci que son essence consiste à être idéalisme critique (1) ». En se proposant d'être un« examen critique de l'entendement humain» elle se condamne elle-même à ne pouvoir dépasser son point de départ. Le subjec- tivisme final n'est qu'une conséquence de la position de départ. Il faut donc dépasser le point de vue critique, et, comme l'a fait Schelling, partir d'emblée de l'identité absolue dans le SJlvoir du subjectif et de l'objectif. C'est ce savoir de l'identité qui est pre- mier et qui constitue la base de tout vrai savoir philosophique. Dans son introduction à la Phénoménologie, Hegel reprend ses critiques à l'égard philosophie qui ne serait de. la connaissance. Et pourtant la Phénoménologie, comme l'ont noté tous les èommentateurs, marque bien à certains égards un retour au point de vue de Kant et de Fichte (2). Eri quel sens nouveau faut-il donc l'entendre? La critique faite à Reinhold vaut toujours. On s'imagine à toit qu'avant de savoir vraiment. il est ,nécessaire d'examiner cet instrument ou ce «mèdium» que cons,titue le savoir. C'est une sorte d'illusion naturelle en effet quand on commence à réfléchir de comparer le savoir à un instru- ment, ou à un milieu à travers lequel la vérité nous parvient. Mais ces représentations çonduisent tout droit à un relativisme. Si le savoir est un instrument, il modifie l'objet à connaître et ne nous (1) HEGEL: BrIfe Druck8chrilten (Sdmlliche Werke, éd. Lasson, l, p. 235). (2) Cf. par exemple R. KRONER : Von Kant bis Hegel, II, p. 362 : «La Phénoménologie est à la fois une introduction au système et le • tout du système D, en un certain sens. Comment cette contradiction est-elle pos- sible? • - R. Kroner montre bien comment la Phénoménologie est ·le Toul du système du point de vue de la connaissance. . 12 GÉNÉRALITÉS' SUR LA PHÉNOMÉNOLOGIE le présente plus dans sa pureté; s'il est un milieu, il ne trans- met pas non plus la vérité sans l'altérer selon la propre nature du milieu intermédiaire. Seulement c'est peut-être cette tion naturelle elle-même qui est fallacieuse; elle constitue dans tous les cas une série de présuppositions dont ·il convient de se' méfier. Si le savoir est un instrument cela suppose que le sujet du savoir et son objet se trouvent séparés; l'Absolu serait donc dis- tinct de la connaissance,; ni l'Absolu ne pourrait être savoir de soi, ni le savoir ne pourrait être savoir de l'Absolu (1). Contre de telles l'existence même de la science philoso- phique, qui connait; effectivement, est déjà, une affirmation. Cependant cette affirmation ne saurait suffire puisqu'elle laisse en dehors d'elle l'affirmation d'un autre savoir; c'est précisément cette dualité que reconnaissait Schelling quand il opposait dans le Bruno le savoir phénoménal et le savoir absolu, mais il ne mon- trait pas les liens entre l'un et l'autre. Le savoir absolu étant posé, on ne voit pas comment chez lui le- savoir phénoménal est possible, et le savoir phénoménal reste également coupé du savoir absolu (2). Hegel en revient au contràire à cé savoir phénoménal, c'est-à .. dire uploads/Philosophie/ jean-hyppolite-gene-se-et-structure-de-la-phe-nome-nologie-de-l-x27-esprit-de-hegel-chapitre-1.pdf
Documents similaires
-
14
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 14, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 6.1557MB