Séminaire de philosophie et mathématiques JEAN PETITOT Mathématiques et ontolog
Séminaire de philosophie et mathématiques JEAN PETITOT Mathématiques et ontologie Séminaire de Philosophie et Mathématiques, 1986, fascicule 3 « Modélisation et schématisation en théorie des catastrophes », , p. 1-19 <http://www.numdam.org/item?id=SPHM_1986___3_A1_0> © École normale supérieure – IREM Paris Nord – École centrale des arts et manufactures, 1986, tous droits réservés. L’accès aux archives de la série « Séminaire de philosophie et mathématiques » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques http://www.numdam.org/ MATHEMATIQUES ET ONTOLOGIE Jean PETITOT - E H E S S - P a r t s I . INTRODUCTION. Ces réflexions ont toutes pour origine des travaux physico-mathématiques hautement techniques se rapportant à trois aspects importants des sciences contemporaines (i) Le premier aspect concerne la possibilité de développer des modèles mathématiques des phénomènes critiques et des phénomènes d'auto-organisation spontanée de la matière : théorie des singularités et des bifurcations des systèmes dynamiques non linéaires, applications aux transitions de phases (groupe de renormalisation), aux caustiques en optique (d'abord géométrique puis ondulatoire), aux structures dissipatives, etc., théorie des défauts des phases mésomorphes, théorie du chaos déterministe et attracteurs étranges, applications à la turbulence, etc.. Il s'agit là d'un mouvement d'idée en pleine expansion (ce que Von appelle la révolution de la physique non linéaire) qui joue actuellement un rôle analogue à celui qu'ont pu jouer avant-guerre la relativité générale ou la mécanique quantique. ( ii) Ces avancées mathématiques décisives ont d'ores et déjà permis de commencer à comprendre - à partir des formalismes mêmes de la physique fondamentale - comment des structures pouvaient émerger des substrats. Au-delà de son intérêt proprement physico-chimique et thermodynamique un tel progrès apporte un début de réponse à l'un des plus anciens problèmes de la philosophie des sciences, celui créé par la scission post-galiléenne entre, d'un côté l'objectivité physique mathématiquement déterminée et, d'un autre côté, la structuration qualitative du monde en états de choses perceptibles et linguistiquement descriptibles. Il n'est pas besoin je pense d'insister devant une telle assemblée sur l'importance de ce conflit entre physique et forme logico-linguistique du monde, entre objectivisme (Planck, Einstein, etc.) et phénoménisme (Mach, Husserl, Wittgenstein, etc.). Il domine toute l'épistémologie moderne. (iii) La possibilité de définir et de mathématispr un nouveau niveau de réalité - que l'appellerai le niveau morphologique-structurai - qui soit intermédiaire entre objectivité physique et manifestation phénoménologique a permis à René Thom d'accéder à une conception réaliste des universaux du complexe perception-langage. Ce faisant, à travers les mathématiques du morphologique, les sciences explicatives de la nature ont pu établir leur jonction avec les disciplines structurales (en particulier perceptives et sémio-]iûfliiisliques). Les conséquences en sont clairement immenses. — 2 — C'est en réfléchissant au nouveau contexte épistémologique ainsi créé que j'ai été conduit à soutenir certaines thèses relevant proprement de la philosophie des sciences. Formulées de façon très concise, les étapes en ont ete les suivantes. (i) D'abord, il était clair que les doctrines nèopositi^es et logicistes étaient tout à fait inadaptées. En effet ce sont des èpistémologies en quelque sorte résiduelles qui ne sont valables que pour des sciences comme la physique ayant depuis longtemps dépassé - en les internalisant - les problèmes critiques posés par leur possibilité et leur fondation rationnelle. (ii) D'où la nécessité d'en revenir, par une réévaluation décidée de Kant, à la doctrine critique de la constitution transcendantale des objectivités, à l'Esthétique et à l'Analytique. ( iii) Mais dans la mesure où il s'agissait de constituer une objectivité non strictement physique, une objectivité en quelque sorte alternative, l'objectivité morphologique-structurale, il fallait non seulement actualiser mais également pluraliser la Logique kantienne. D'où la nécessité d'en revenir au programme de la phénoménologie constitutive, considérée (selon raffi rT:^erî de Husserl) ccmme une Critique généralisée. (iv) Mais, contrairement à ce qui a été le cas chez Husserl, il fallait que cette généralisation ne conduise pas à une méconnaissance du devenir historique des sciences effectives. Il fallait au contraire qu'elle en soit à la fois la légitimation rationnelle et l'horizon transcendantal. D'où l'hypothèse d'une dialectique historique immanente aux formalismes constitutifs de l'objectivité. Sur ce point, la géniale philosophie mathématique d'Albert Lautman m'a été d'un secours inappréciable. 2. R E P E R E S P O S I T I V I S T E S . Pour mieux cadrer non plus le contexte mais le contenu philosophique de mon propos, permettez-moi de prendre quelques points de repère. 2 . 1 . La c r i s e de l'intuition et de la vérité. L'image traditionnelle de la science est entrée en crise, dit-on, avec la découverte du caractère conventionnel des axiomes mathématiques et des principes des théories physiques. Le discrédit jeté sur l'intuition a conduit à relativiser l'absolu de la vérité et à retraduire progressivement les problèmes de la théorie de la connaissance en termes logico-linguistiques et/ou pragmatiques. - 3 - 2.2. Le liquidation du synthétique a p r i o r i . On en a tiré la conclusion que là question kantienne du synthétique a priori était devenu irrémédiablement obsolète et qu'il fallait donc la liquider (thèse camapienne-tarskienne de la réduction de l'ontologie a des considérations techniques de sémantique formelle). On a réinterprété (i) l'Analytique (tes principes (la physique pure comme "axiomatique" fondamentale d'une nature en général) et (ii) les maximes du jugement physique( 1) qui les spécialisent (conformément au pr incipe transcendantal de la réflexion qu'est le principe de "la finalité de la nature en sa diversité" (Kant) ), on les a réinterprêtées comme des méthodes pour traduire]^ faits empiriques dans le langage de la théorie et leur conférer ainsi un sens scientifique. Autrement dit, on a réinterprété Y a priori- ce que j'appellerai la différence ontologique entre phénomène et objet - d'une façon formaliste et conventionnelles lui déniant tout contenu ontologique^, en le réduisant à (tes prescriptions pour l'organisation discursive de l'expérience. L 'objet au sens transcendantal est ainsi devenu le simple opérateur de traductibilité des faits empiriques et/ou des données numériques dans un langage formel, langage auquel on a appliqué la corrélation syntaxe/sémantique propre à la théorie logique des modèles (2) Les catégories, les principes et les lois (i.e. le synthétique a priori) se sont trouvés grammaticalisés et développés par des énoncés formels dont les symboles de variables et de constantes étaient à interpréter semantiquement dans les états de choses empiriques (réduction du concept transcendantal de vérité à une théorie purement dénotative). Il a donc fallu postuler - puisque la science n'était supposée être qu'une construction linguistique conventionnelle constitutivement rattachée à l'expérience (principe d'empirisme) - que tous les énoncés cognitivement significatifs pouvaient être systématiquement réductibles soit à des énoncés protocolaires à contenu immédiatement empiriques ( phénoménisme) soit à des énoncés à contenu strictement physique (physicalisme). Et pour satisfaire à ce critère vérificationiste il a fallu postuler - contre toute évidence - que les concepts mathématiques étaient réductibles aux concepts logiques. Ce faisant on a occulté la différence ontologique entre phénomène et objet (c'est-à-dire entre perception et aperception). On a remplacé le problème de la Déduction kantienne : "à quelles conditions une catégorie possède-t-elle une valeur objective ? " par le problème de la signification : "â quelles conditions un énoncé possède-1-il une valeur cognitive?". On a dénié le fait qu'en analysant les concepts descriptifs opératoires on aboutit à desuniversaux, à des essences rationnelles, à des nécessités éidétiques et non pas è des data ( 1 ) il s'agit de principes comme ceux d'inertie, de relativité, de moindre action, de continuité, (te symétrie, de conservation, d'invariance, etc. ( 2) Pour une introduction à la théorie logique des modèles, cf. par exemple Petitot [ 1979]. - 4 - d'observation. Du coup, le critère de démarcation science/métaphysique qui, chez Kant, était fourni par le schématisme, s'est trouvé remplacé par celui d'une réductibilité systématique de la théorie à l'expérience. Du coup, l'analyse logique de la forme linguistique du monde s'est trouvée "séparée comme è la hache" (Lautman) de la détermination mathématique objective du réel physique. Quels qu'aient été les rectificatifs physicalistes apportés par Carnap ou par Qui ne au phénoménisme initial de l'empirisme logique, ce réalisme sémantique et cette ontologie des faits (au sens du Trectetus Wittgenstein en) n'ont réussi è atteindre que des essences grammaticales. A cause d'une dramatique mési nter prelati on du statut réel de la physique mathématique ils ont abouti è une destitution de tout réalisme ontologique au profit d'un conventionalisme linguistique. 2 . 3 . Le néo-positivisme comme régression précritique. Une fois liquidé le plus grand acquis de la philosophie des sciences (i.e. la "révolution copernicienne"), on en est revenu - mais en légitiment cette régression par la sophistication des outils logiques utilisés - à un dogmatisme / C r i t i q u e . D'où d'ailleurs le rejet violent de l'empirisme logique par la plupart des grands physiciens théoriciens : PIanck,Einstein, Heisenberg, Dirac, etc; (Pascual Jordan faisant exception) Une uploads/Philosophie/ jeanpetitot-mathematiques-et-ontologie.pdf
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- Publié le Oct 31, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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