DU MÊME AUTEUR Boole, 1815-1864. L’oiseau de nuit en plein jour, Belin, 1989 Lo
DU MÊME AUTEUR Boole, 1815-1864. L’oiseau de nuit en plein jour, Belin, 1989 Logique pour philosophes, NEAS, 1991 Les Lois de la pensée de George Boole, traduction, Vrin, 1992 Reconstruire le sens. Textes et enjeux de prospectives africaines, Codesria, 2001 Islam et société ouverte. La fidélité et le mouvement dans la philosophie de Mohamed Iqbal, Maisonneuve et Larose, 2001 Léopold Sédar Senghor : l’art africain comme philosophie, Éditions Riveneuve, 2007, 2019 Comment philosopher en islam ?, Philippe Rey / Jimsaan, 2014 Bergson postcolonial. L’élan vital dans la pensée de Léopold Sédar Senghor et de Mohamed Iqbal, CNRS Éditions, 2011, 2014, 2020 L’Encre des savants. Réflexions sur la philosophie en Afrique, Présence africaine / Codesria, 2013 Philosopher en islam et en christianisme, avec Philippe Capelle-Dumont, Cerf, 2016 En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, avec Jean-Loup Amselle, Albin Michel, 2018 La Controverse. Dialogue sur l’islam, avec Rémi Brague, Stock, 2019 © 2021, Éditions Philippe Rey 7, rue Rougemont – 75009 Paris www.philippe-rey.fr ISBN : 978-2-84876-771-0 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. À mes ami.e.s de toujours « Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle rapporte le fagot qu’il lui plaît… » Birago Diop Table des matières Avant-propos Saint-Louis Ziguinchor Dakar, Sicap Paris Cambridge, Massachusetts Düsseldorf et Bayreuth Dakar, Les Mamelles Chicago, Illinois New York, New York Avant-propos « Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle rapporte le fagot qu’il lui plaît », a écrit le poète et conteur Birago Diop (1906-1989). Ma mémoire ne se serait pas mise en branle pour s’en aller constituer le fagot des souvenirs que j’ai rassemblés dans les pages qui suivent, n’eût été l’insistance d’amis qui se trouvent aussi être mes éditeurs. Il a fallu, bien entendu, que je trouve en moi-même une raison de me retourner ainsi, un moment, sur le chemin où je vais. Car depuis quelques années j’interromps le travail que je souhaite mener sur la traduction pour répondre à des invitations à écrire des livres à deux voix sur des sujets qui s’éclairent mieux, en effet, lorsqu’ils sont présentés dans une « disputation ». C’est ainsi que j’ai eu le plaisir d’échanger avec les philosophes Philippe Capelle-Dumont et Rémi Brague sur l’islam et la philosophie1, et avec l’anthropologue Jean-Loup Amselle sur le postcolonial et la question de l’universel2. L’interruption que constitue ce livre-ci est un moment de détente, ainsi que Bergson définit un répit dans la poussée qui continûment engage, dans le présent de ce que nous avons à faire, l’essentiel du passé ; un répit donc, où au contraire l’attention se tourne vers la contemplation de ce passé. Cette contemplation aura été, pour une grande part, celle de villes que j’aime et où je passe toujours du temps, sur trois continents. Elle aura été aussi une évocation des maîtres auprès de qui j’ai eu le bonheur d’apprendre. De mes parents. De ma famille. De mes amis. J’ai eu constamment à l’esprit, en écrivant ces pages, ceux et celles que j’appelle mes ami.e.s de toujours. À ceux et celles d’entre eux, d’entre elles, qui liront ce livre, à ceux et celles d’entre eux, d’entre elles, qui ne sont plus avec nous pour le lire, ce fagot que rapporte ma mémoire est dédié. 1. 2. Philippe Capelle-Dumont et Souleymane Bachir Diagne, Philosopher en islam et en christianisme, Paris, Cerf, 2016 ; Rémi Brague et Souleymane Bachir Diagne, La Controverse, Paris, Stock, 2019. Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale, Paris, Albin Michel, 2018. Saint-Louis Être saint-louisien constitue une part essentielle de mon identité, alors même que je n’ai pas grandi dans la ville qui m’a vu naître et que je n’y ai jamais séjourné longtemps après que mes parents en sont partis, quand j’étais encore un tout petit enfant. Mais être saint-louisien ou, mieux, un enfant de Saint-Louis, c’est participer d’une culture et je dirais aussi d’un certain ethos que ma famille m’a tout naturellement transmis. J’avancerai en deux mots que cette culture est faite d’une tolérance qui n’est pas condescendance, mais sens du pluralisme. J’ai dit : enfant de Saint-Louis. Ainsi appelle-t-on, en effet, les Sénégalais originaires de cette ville fondée sur l’île de Ndar en 1659 comme un fort-comptoir français, à qui le roi de France d’alors, Louis XIV, donna le nom de son aïeul. Les Saint-Louisiens ont donc seuls ce singulier privilège, si c’en est un, d’être enfants de leur ville. On ne dit pas, en langue wolof, enfant de Dakar, de Ziguinchor, de Gorée ou de Matam. On est de la ville ou du village où on est né. J’ai dit : privilège. On pardonnera aux enfants de Saint-Louis, et ici à l’un d’entre eux, de ne jamais manquer, lorsqu’ils parlent de leur ville, d’en célébrer l’exceptionnalité, surtout aujourd’hui, quand ce qui fit sa gloire de grande capitale n’est plus. Il y a toujours de la nostalgie dans la manière dont les descendants des vieilles familles saint-louisiennes se racontent leur propre mythologie. Dans mon cas, ce sentiment est d’autant plus fort que je n’ai jamais vraiment vécu dans ma ville natale. Je m’y sens chez moi, mais toujours sur le mode de la nostalgie et avec un certain sentiment de décalage. De l’ancienne capitale de ce qui fut sous la colonisation la Fédération de l’Afrique-Occidentale française, Jean-Pierre Dozon a écrit, avec grande justesse, qu’elle est « oxymore », « anachronisme » et palimpseste1 : s’appeler Saint-Louis mais être de l’Ouest africain, et pouvoir revendiquer d’être le foyer où est né le Sénégal moderne, voilà pour l’oxymore. Continuer de s’appeler Saint-Louis autant que Ndar, ces deux noms étant aussi « indigènes » l’un que l’autre, voilà pour l’anachronisme, ou plutôt le caractère éternel de la ville. Et pour le palimpseste, Saint-Louis est connu pour être pluriel dans son histoire et les cultures dont la ville a reçu les multiples empreintes, africaines et française, anglaise un moment, arabe, dans un emmêlement de toutes ces identités à la fois et des hybridations qu’elles ont engendrées. Mais l’ethos de tolérance et d’ouverture dont je parle et dont je dis qu’il me fut transmis par ma famille concerne surtout le pluralisme des religions qui ont donné son énergie spirituelle à Saint-Louis. C’est une ville chrétienne où la célébration du 15 août, la fête de l’Assomption, a une importance toute particulière. C’est surtout aussi la ville du fanal, cette procession de lanternes qui depuis le XVIIIe siècle est organisée par les riches Signares, en route pour la messe de minuit, la veille de Noël. Saint- Louis est également une métropole musulmane ouverte sur la Mauritanie et le Maroc, où nombre de savants de la région sont venus parfaire leurs études islamiques. La grande mosquée de la ville, dont les travaux furent achevés en 1847, est sans doute la seule au monde dont un des deux minarets abrite une cloche et s’orne d’un cadran d’horloge. Une des explications de la présence de cette cloche voudrait que les mulâtres chrétiens, qui formaient alors l’élite de la ville, n’eussent consenti à l’érection de cette mosquée vers le milieu du XIXe siècle qu’à la condition que l’appel à la prière se fît par une cloche plutôt que par le muezzin. Cette interprétation est peu plausible lorsqu’on sait que justement l’islam, à ses origines, s’est démarqué des manières chrétienne et juive d’indiquer l’heure des offices religieux pour confier à la voix humaine la mission d’appeler les fidèles à la prière. Je n’accorde donc pas grand crédit à cette explication servie par les guides touristiques lorsqu’ils font visiter l’île en calèche, mais je suis convaincu, en revanche, quand ils présentent cette cloche nichée dans un minaret comme un symbole de l’esprit de Saint-Louis. Une belle floraison d’écoles a fait de la ville un centre intellectuel réputé pour l’enseignement des sciences islamiques. Centre du livre, de la lecture, de la réflexion, du commentaire et de la discussion, où s’est développée une tradition saint-louisienne d’éducation à un islam lettré, rationnel et ouvert. Plusieurs de mes aïeux ont contribué à cette tradition dans laquelle il n’était pas rare de voir les femmes prendre une part active. Ma grand-mère paternelle, fille de marabout, enseignait elle-même le Coran. C’est à cette tradition que je dois d’avoir été éduqué dans l’idée d’un islam à la fois rationnel et soufi, dans l’idée que le mysticisme n’est pas l’abandon de la raison, mais fleurit au contraire à la fine pointe de celle-ci. C’est une idée dont s’éclairent aujourd’hui mon cheminement et mes écrits en philosophie de la religion. Elle m’est aussi inspirée par les auteurs modernes que je cite souvent parce qu’ils m’aident à savoir ce que je pense : Mohamed Iqbal ou Henri Bergson. Saint-Louis a joué un rôle important dans le développement des différentes voies soufies qui donnent à l’islam sénégalais, ouest-africain plus généralement, son identité. C’est à l’une d’elles, la Tidjaniya, que la plupart des membres de ma famille, depuis plusieurs générations, se sont affiliés. De cette voie on peut dire qu’elle a élu domicile à Saint-Louis tout particulièrement, même si la capitale uploads/Philosophie/ le-fagot-de-ma-me-moire-by-souleymane-bachir-diagne-diagne-souleymane-bachir.pdf
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- Publié le Nov 09, 2021
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