C. F F Vol.2/, 20/0. 25-34 /SS,\': 1/358637 L'ironie littéraire au Xx" siecle :

C. F F Vol.2/, 20/0. 25-34 /SS,\': 1/358637 L'ironie littéraire au Xx" siecle : réflexions sur le róle et les perspectives de l'écriture oblique PIIILlPPE HAMO 1 Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris 111,France répond aux questions posées par ISABELLE MOREELS' Universidad de Extrernadura, Espagne Résumé Au fil des questions posées, Ph. Harnon retraee le cherninernent qui I'a conduit a étudier I'ironie proprement littéraire dans le cadre d'une typologie générale des postures d'énoneiation, tout en soulignant les questions a développer dans ee dornaine. Ainsi, il savére indispensable de mieux cerner le discours sérieux face a lironie «classique» - ou «pédagogique» - ct I'ironie «moderne» flaubertienne et post-flaubertienne. Par ailleurs, analyser l'ironie dans une perspective générique ouvrirait encore de nouveaux champs de réflexion a une notion au double statut entre cornmunion et excommunication. C'est au XIX' siécle, coincidant avec I'époque oú saffirrne la prédorninance du genre polyphonique incarné par le tornan, que Ph. Harnon situe I'érnergcnce de formes d'énonciations ironiques singuliéres qui sillustrcront avec force aprés 1900. Méme si le mode de distanciation propre a lironie convient particulierernent a une période de rernise en cause des idéologies notamrnent et s'épanouit au rnornent des productions Dada el du surréalisme, il serait toutefois audacieux de considérer que I'ironie littéraire domine le XX' siécle et erroné d'y voir la marque d'une qualité supérieure par rapport aux ceuvres dites sérieuses. Mots-clés : genre, ironie littéraire, narf, posture dénonciation, sérieux. Abstract Through the forrnulated questions, Dr. Hamon traces the path that led him to study specitically literary irony within a general typology of enunciation attitudes, while asserting the issues to be expanded in this area. Thus, it is essential to prornote understanding of the serious dissertation prior to the "classical" or "educational" irony, Flaubert's "rnodern" irony and irony after Flaubert. Furthermore, analysing irony from a generie perspeetive would still open new venues ofthought for a dual status concept between cornmunion and excommunication. In the nineteenth century, coinciding with the time when the polyphonic genus. the novel, was predorninant, Dr. Harnon establishes the ernergence ofparticular forrns of ironic utterances that were depicted and ernphasised after 1900. Although the mode ofalienation specific to irony is tied particularly lO a period Je tiens ici a rernercier M. Ph. Hamon qui a eu l'arnabilité de répondrc par écrit ¡\ mes qucsiions. 25 PIIIIII'N 1111/0' répond aux questions posées par ISIBF:LLE MORF:US when ideologies namely were questioned, which blossoms when Dada and Surrealism appear, it would be audacious to assume that literary irony dominates the twentieth century, and erroneous to see it as a mark of superior quality compared lo "serious" works. Keywords: genus, literary irony, naive, enunciation attitude, serious. Isabelle Moreels Aprés I 'incontournable essai de Vladimir Jankélévitch, L'Ironie ou la bonne conscience - do nt lé dit io n initiale de /936 est enti érem ent refondue el considérablement augmentée en /950 -, on constate, dans la deuxiéme moitié du XX" siécle. un intérét renouvelé pour I 'étude de I 'ironie. 11se manifeste d'abord du colé anglophone par les publications de chercheurs tels que Cleanth Brooks (« lrony as a Principle of Structure », /95/), Douglas C. Muecke ([he Compass of lrony, /969) el Wayne C. Booth (A Rhetoric oflrony, /974). En France, Catherine Kerbrat- Orecchioni s 'intéresse a ce théme (« Problémes de l'ironie », /976), avant que le numéro 36 de la célebre revue Poétique ne soil consacré a I 'ironie en novembre /978. Outre I 'originale théorie des mentions-échos proposée par les Nord-Américains Dan Sperber el Deirdre Wilson, ce volume - dont vous assumez la coordination - rassemble des contributions d'éminents spécialistes en la matiére, issus d'horizons géographiques el théoriques divers, tels que, entre autres, I 'Australien Douglas Colin Muecke, la Canadienne Linda Hutcheon, les Belges du Groupe J.I el le Suisse Beda Allemann. Considérée comme énonciation paradoxale (Alain Berrendonner : « De l'ironie ou la métacommunication, l'orgumentation el les normes », /98/) el polyphonique (Oswald Ducrot : Le dire et le dit, /984), l'ironie continue a faire couler beaucoup d'encre a lafin du XX" siécle. Dans ce contexte trop briévement rappelé de diverses approches philosophiques el surtout linguistiques, qu 'est-ce qui a motivé votre intérét personnel pour I 'analyse de I'ironie proprement Iittéraire aboutissant a la publication de votre étude magistrale L'lronie littéraire. Essai sur les formes de I'écriture oblique (/996) ? 26 C. F F vot.z), 20/0. 25-34 Philippe Hamon Le projet d'écrire sur I'ironie s'est concrétisé en deux temps pour moi : tout d'abord la mise au point, a la demande de son comité de rédaction, d'un numéro spécial (n? 36) de la revue Poétique en 1978, et ensuite la rédaction d'un essai sur « I'ironie littéraire » (je tiens beaucoup a la précision : « littéraire ») publié en 1996. La question n'a donc cessé de me préoccuper pendant. .. dix-huit ans (c'est beaucoup, diront certains l). Entre ces deux dates, plusieurs articles, communications et colloques (dont un quej'ai organisé a Urbino, Italie, enjuillet (979) consacrés a I'ironie m'ont permis de roder quelques hypothéses et de vérifíer que cette question intéressait beaucoup de monde (Iittéraires, anthropologues, linguistes, historiens de I'art, traducteurs, philosophes, etc.). L 'ironie lilléraire all xx'· sii!Cle: réjlexiollS sur le róle el les perspeclil'es de l 'écrilllre oh/iqlle Au départ, comme c'est souvent le cas au départ d'un livre ou d'une réflexion, il y a eu plusieurs insatisfactions ou échecs : échec pédagogique du professeur que jétais, confronté a I'enseignement et au commentaire de textes littéraires ironiques, qui n'arrivait pas a expliquer et a décrire pour des étudiants des effets de textes complexes : soit mes étudiants prenaient des textes sérieux pour des texles ironiques, soit linverse, soitj'étais incapable de leur « prouver » que tel texte était ironique ou sérieux, soit je manquais du métalangage technique pour décrire avec précision les phénornénes en question et le «je ne sais quoi » de la formulation ironique. Insatisfaction augmentée de la constatation que le phénornéne de l' ironie et ses phénornénes apparentés (le cornique, le rire, le mot d'esprit ... ) semblaienl d'une parl avoir été de tous temps confisqués par dautres disciplines comme la philosophie (de Socrate a Freud et Bergson), ou par la sociologie, ou par la linguistique, el que de plus ces études sociologiques ou philosophiques ou linguistiques ne semblaient prendre en compte que I'ironie orale et que de I'ironie phrastique (etjamais I'ironie écrite el différée, incarnée dans des textes étendus, comme c'est son régime en littérature). Désir aussi, aprés une décennie particulierernent riche en études narralologiques el en analyses structurales internes (la période 1965-1975), de reprendre a nouveaux frais I'étude de certains phénornénes énonciatifs qui avaient été un peu négligés. Enfin, le littéraire que j'étais, a la recherche d'un métalangage descriptif, ne trouvait dan s la tradition rhétorique, si prolixe quand il s'agit d'étiqueter les mille et mille figures du discours, que bien peu de chose sur le sujet (j 'excepte la définition « épidictique » qu'en donne Marmontel dans ses Élémen/s de liuérature, la seule a ne pas poser la question de l' ironie uniquement dans des termes de vérité ou de mensonge, ou dans des termes de logique - dire le contraire de ce qu'on pense -, mais dans des termes de valeurs - la louange et le bláme sont rnélés dans I'énonciation ironique). Mon intention était done, pour toutes ces bonnes ou mauvaises raisons, de « récupérer » cet objet perdu des études littéraires, objet qui asa spécificité littéraire (I'ironie en communication écrite, différée, décontextualisée, passant par des textes, des ceuvres), d'essayer de traiter la question au sein d'une typologie générale des postures d' énonciation, et de la traiter en termes idéologiques (la valeur) et pragmatiques (qu 'est-ce qui se joue dans l' « aire de jeu » de la communication ironique ?) plus que logiques (le contraire) ou strictement linguistiques. l. Moreels Pluri- ou in/erdisciplinaire, le concept d'ironie vous parait-il opératifconune instrument d'analyse dans le champ littéraire ? Ph. Hamon Le concept (la notion) d'ironie est inévitable pour qui s'intéresse a la littérature, mais elle est aussi une posture d'énonciation qui se rencontre dan s toutes les ceuvres, tous genres confondus, et peut-étre tous systérnes sémiotiques confondus (photos e F F Vol.21. 2010. 25-34 27 PIIIIII'I'I. 111\/()\ repond aux questions posees par ISABELLE MOREELS de Doisneau, peintures de Magritte, sculptures de Calder, machines ou « objets » surréalistes, etc.). L'essence de I'ironie, si elle existe, serait pour moi dans son statut double (bivalent, pas ambigu) d'une communication qui est un acte double (ou un double acte) : d'une part, I'ironie est communion avec un complice (on se comprend a demi-mot) et d'autre part, et en rnérne temps, dan s le mérne mouvement, excommunication de celui (le « naif ») qui ne comprend pas a demi-mot, qui ne comprend que le sens explicite et littéral de la communication. Elle inclut done et associe, dans le rnérne geste langagier qu 'elle exclut et dissocie. Elle est done fondamentalement sociale, mondaine, géographique si I'on peut dire (son but n'est pas de signifier quelque chose, de communiquer un uploads/Philosophie/ l-ironie-litteraire-au-xxe-siecle-reflex.pdf

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