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HAL Id: hal-01367789 https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367789 Submitted on 16 Sep 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’épistémologie juridique Boris Barraud To cite this version: Boris Barraud. L’épistémologie juridique. La recherche juridique, L’Harmattan, 2016. <hal- 01367789> Boris Barraud, « L’épistémologie juridique », in La recherche juridique (les branches de la recherche juridique), L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p. 181 s. manuscrit de l’auteur (droits cédés aux éditions L’Harmattan) 2 Boris Barraud, « L’épistémologie juridique » (manuscrit de l’auteur) Les incertitudes entourant la possibilité d’une épistémologie juridique Si l’épistémologie n’est une discipline particulière que depuis peu de temps, les préoccupations qui sont les siennes étaient déjà très présentes autrefois chez certains philosophes1. L’utilisation du terme « épistémologie » n’est pas attestée avant le début du XXe s.2 et, aujourd’hui, son sens est sujet à controverse3. La matière est de plus en plus dépourvue d’unité à mesure que de nouveaux essais sont proposés autour d’objets, d’objectifs et de méthodes variables4 et à mesure que des approches fort amphigouriques sont esquissées, loin de tout essai de clarification5. Il y aurait quasiment autant d’épistémologies que d’épistémologues. Or les incertitudes qui entourent l’épistémologie générale touchent inévitablement l’épistémologie juridique. L’épistémologie est apparue et s’est développée avec les sciences « dures » et certains auteurs jugent qu’il ne pourrait y avoir d’épistémologie que dans le cadre de la philosophie des sciences modernes de la nature (physique, chimie, biologie, etc.)6, ce qui interdirait la possibilité de toute épistémologie juridique7. Il est remarquable que le Dictionnaire de la culture juridique8 — ouvrage proche d’être exhaustif — semble confirmer cela dès lors qu’il ne comporte guère d’entrée « épistémologie juridique »9, tandis que les plus éminents professeurs peuvent se montrer réservés à l’égard de la pertinence d’une telle épistémologie en droit10. Cette dernière dépendrait de l’existence d’une véritable science du droit. Aussi conviendrait-il en premier lieu de savoir ce qu’est une science, si tout ensemble ordonné de connaissances est scientifique ou si des critères plus précis de la scientificité doivent être retenus. La plupart des juristes n’hésitent en tout cas pas à parler de « science juridique ». 1 Cf. Ch. ATIAS, Épistémologie juridique, Dalloz, coll. Précis, 2002, p. 1. 2 S. AUROUX, Y. WEIL, Dictionnaire des auteurs et des thèmes de la philosophie, Hachette, 1991, p. 121. 3 H. BARREAU, L’épistémologie, Puf, coll. Que sais-je ?, 2013, p. 3. 4 Ch. ATIAS, Épistémologie juridique, Dalloz, coll. Précis, 2002, p. 14. 5 Ainsi, par exemple, on conçoit que l’épistémologie serait « la discipline qui a pour but de mettre en lumière la signification de l’œuvre scientifique, c’est-à-dire d’expliciter des relations non immédiatement apparentes entre concepts, de discerner le rapport des connaissances parcellaires à des totalités potentielles, peut-être même seulement virtuelles et irréalisables en fait, mais qui fournissent un moteur et donnent sens à la connaissance scientifique » (G. G. GRANGER, « À quoi sert l’épistémologie ? », Dr. et société 1992, p. 36 (souligné dans le texte original)). 6 Par exemple, R. NADEAU, Vocabulaire technique et analytique de l’épistémologie, Puf, coll. Premier cycle, 1999. 7 Cf. Ch. ATIAS, Épistémologie juridique, Dalloz, coll. Précis, 2002, p. 1. 8 D. ALLAND, S. RIALS, dir., Dictionnaire de la culture juridique, Lamy-Puf, coll. Quadrige-dicos poche, 2003. 9 En revanche, J.-F. PERRIN, « Épistémologie juridique », in A.-J. ARNAUD, dir., Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2e éd., LGDJ, 1993, p. 141 s. 10 Par exemple, F. TERRÉ, Introduction générale au droit, 9e éd., Dalloz, coll. Précis, 2012, n° 386. 3 Boris Barraud, « L’épistémologie juridique » (manuscrit de l’auteur) En ces lignes, est soutenu qu’il existe des sciences du droit, qu’une épistémologie juridique est possible et, plus encore, qu’une épistémologie juridique est légitime et nécessaire. Il se trouve, en réalité, peu d’arguments susceptibles de sérieusement empêcher l’érection d’une épistémologie des sciences humaines et sociales — donc d’une épistémologie juridique — ; et d’aucuns l’ont depuis longtemps consacrée1. L’épistémologie entre science et philosophie des sciences et de la connaissance Selon les dictionnaires de la langue française, l’épistémologie est la « discipline qui prend la connaissance scientifique comme objet »2, la « partie de la philosophie qui a pour objet l’étude critique des postulats, conclusions et méthodes d’une science particulière »3. Que l’épistémologie appartienne ainsi à la philosophie interroge, même si les auteurs les plus importants dans son développement (Kuhn4, Popper5 ou Bachelard6) étaient tous des philosophes des sciences et même si on considère que l’objet de l’ « épistémologie générale » serait d’ « interroge[r] la signification du concept de science »7, de telle sorte que cette « épistémologie générale » et la philosophie des sciences tendraient à se confondre. Étymologiquement, « épistémologie » signifie « discours sur la connaissance »8, « discours sur la science ». Par suite, le suffixe « -logie » est généralement utilisé afin de désigner des disciplines scientifiques, si bien que l’épistémologie serait la « science de la connaissance » ou même la « science de la science ». On sépare l’épistémologie et la philosophie des sciences en faisant de cette première « l’étude critique axée sur la validité des sciences, considérées comme des réalités que l’on observe, décrit, analyse »9, ou bien encore « l’étude critique des principes, des hypothèses et des résultats des diverses sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur valeur et leur portée »10. Seulement le point 1 Par exemple, J. PIAGET, Épistémologie des sciences de l’homme, Gallimard, 1972. 2 V° « Épistémologie », in Le petit Larousse illustré 2011, Larousse, 2010. 3 V° « Épistémologie », in Trésor de la langue française. 4 Par exemple, Th. KUHN, La structure des révolutions scientifiques (1962), Flammarion, coll. Champs, 1983. 5 Par exemple, K. POPPER, La logique de la découverte scientifique (1959), Payot (Lausanne), 1973. 6 Par exemple, G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique (1934), Puf, 1971. 7 L. SOLER, Introduction à l’épistémologie, Ellipses, 2009, p. 16. L’auteur oppose l’ « épistémologie générale » et les « épistémologies régionales », rattachées à certaines sciences particulières. 8 On définit l’ « épistémé » comme une « époque déterminée du savoir » (H. BARREAU, L’épistémologie, Puf, coll. Que sais-je ?, 2013, p. 4). 9 M. GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11e éd., Dalloz, coll. Précis, 2001, p. 8. 10 V° « Épistémologie », in A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Puf, coll. Quadrige dicos poche, 2010. 4 Boris Barraud, « L’épistémologie juridique » (manuscrit de l’auteur) de vue critique n’est-il pas celui du philosophe plus que celui du scientifique ? Ainsi fait-on de l’épistémologie « un discours réflexif et critique […], deux attributs caractéristiques de la philosophie »1. Peut-être l’épistémologie emprunte-t-elle à la fois à la philosophie et à la science. Si elle amène à apposer un regard tantôt objectif et tantôt critique sur la connaissance, en fonction des motivations de l’observateur, alors elle consiste moitié en une science des sciences et moitié en une philosophie des sciences. En définitive, l’épistémologie se définit par son objet très particulier bien plus que par ses intentions et ses méthodes qui, elles, sont variables et dépendent de chaque épistémologue. Il ne s’agirait « ni [de] science positive de la science ni [de] médecine de la science »2 ; mais cette discipline semble pouvoir être tout à la fois ou alternativement une science positive de la science et une médecine de la science. L’épistémologie est un « discours sur la connaissance scientifique » — par opposition à la « connaissance commune » —3 ; et ce discours peut présenter un caractère scientifique, donc objectif, et/ou un caractère philosophique et critique. Elle est une « connaissance de la connaissance »4, des « connaissances valables »5 et des « systèmes de connaissances »6 qui peut emprunter différentes voies, ni nécessairement scientifiques, ni nécessairement philosophiques. En résumé, l’épistémologue procède à des études critiques, l’étude tendant à être scientifique quand la critique tend à être philosophique. Quant à la connaissance, elle peut être conçue comme « un processus itératif entre le réel et sa représentation, […] le mouvement par lequel on utilise des “outils idéels” (théoriques, conceptuels, scientifiques) pour lire, interpréter, analyser une réalité »7. Et c’est parce que toute connaissance est relative, parce que l’empirisme descriptif pur est impossible, que l’épistémologie existe et est digne d’intérêt. Ainsi, lorsque Bachelard réfléchissait à la notion d’obstacle épistémologique, il pouvait constater que « la pensée empirique est claire après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit »8. À travers ces mots, la raison d’être de l’épistémologie, en tout champ de connaissances, se trouve admirablement justifiée. Puisqu’aucun fait uploads/Philosophie/ l-x27-epistemologie-juridique.pdf

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