! "" # $% & '() *# $% & $ + ,- ./.00 0- 1 Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit Titre: La construction de l'histoire chez Walter Benjamin. L'héritage de Fichte et des Romantiques d'Iéna. Auteur: Élise Derroitte N° 148 Année : 2009 © CPDR, Louvain-la-Neuve, 2009 This paper may be cited as :Elise Derroitte , «La construction de l’histoire chez Walter Benjamin. L’héritage de Fichte et des Romantiques d’Iéna. », in Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit, n°148, 2009. UCL Université catholique de Louvain Centre de Philosophie du Droit ! "" # $% & '() *# $% & $ + ,- ./.00 0- 2 La construction de l’histoire chez Walter Benjamin. L’ héritage de Fichte et des Romantiques d’Iéna La question de la critique est une question centrale dans l’œuvre de Benjamin. D’abord objet d’étude dans sa thèse sur le romantisme allemand, elle devient ensuite une véritable méthode épistémologique de sa philosophie. Cette méthode comporte deux enjeux distincts : d’une part, la lutte contre l’ontologisation de l’art et, d’autre part, la construction d’une philosophie de l’histoire basée sur un principe de création. Afin de comprendre comment la critique benjaminienne s’attribue ces prérogatives, nous allons en premier lieu tenter de reconstruire la genèse de ce concept dans l’œuvre de Benjamin en nous intéressant à ses premiers travaux. Initialement fondée sur le concept fichtéen de réflexivité, la critique, telle que Benjamin va la construire, s’appuie sur l’appropriation qu’en feront les Romantiques d’Iéna dans leur théorie esthétique. Afin de reconstruire son progrès dans les œuvres de Benjamin, nous devons montrer comment ce concept intervient dans ses premiers écrits. Pour commencer, Benjamin s’intéresse à la question de la réflexion chez Fichte qui sert d’amorce à la théorie critique des Romantiques. Pour le ! "" # $% & '() *# $% & $ + ,- ./.00 0- 3 philosophe idéaliste, la réflexivité détermine la forme du penser. Dans la première Wissenschaftslehre1, la réflexion est la forme de l’intelligence qui faisant retour sur elle-même précède la connaissance objective de la science. Elle est l’opération de la liberté par laquelle la forme fait retour sur elle-même, en tant que forme de la forme et devient ainsi le contenu de la réflexion suivante. Ainsi, chez Fichte, la connaissance qui émane de la réflexion est donc la pure autoconnaissance de la méthode par laquelle l’intelligence opère. Cette connaissance est donc purement formelle et tend à l’infini. Alors que Fichte s’attelle à empêcher cette infinité par la position, les Romantiques tenteront de maintenir l’infinité de la réflexion. Pour Schlegel et Novalis, l’infinité ne doit pas être endiguée car elle n’est pas purement formelle : elle contient un contenu immanent à son processus, la réalité du Soi, matérialisée dans la production des œuvres d’art. Le processus historique mis en place dans la réflexion part donc d’un fait établi (Tatsache), il concerne l’autopotentiation de l’objet dans le médium-de-la-réflexion. La réflexion peut donc, à travers l’œuvre d’art qui est son médium, se potentier jusqu’au retour à la réflexion absolue. Cette théorie de l’autopotentiation de l’objet participe d’une construction de l’histoire propre aux Romantiques dans laquelle le sujet de l’histoire devient la puissance agissant au sein de l’objet. L’histoire y est un pur processus de potentiation. Dans la seconde partie de cet article, cette théorie esthétique romantique ne nous semblant pas faire droit à la manière dont la réflexivité agit sur le sujet, nous avons voulu montrer comment Benjamin va s’attacher à s’appliquer à lui- même, dans son travail de critique littéraire, une méthode critique potentiante pour le sujet et comment à partir de ces textes nous pouvons tracer les lignes épistémologiques de cette méthode. A la suite de cette structure que nous pourrions qualifier de dialectique, qui part de la réflexivité appliquée au sujet chez Fichte vers la réflexivité appliquée à l’objet chez les Romantiques, nous espérons aboutir à une construction de la critique d’art chez Benjamin qui tienne compte de l’histoire en tant que processus de potentiation mutuel du sujet et de l’objet. 1. Le concept de critique construit à partir du Romantisme allemand Je souhaiterais commencer cette étude sur la place de la critique dans l’œuvre du premier Benjamin par une analyse de sa thèse de doctorat, le Concept de Critique esthétique dans le Romantisme allemand2. Cette lecture 1 FICHTE J. G., Über den Begriff der Wissenschaftslehre (1794), in Sämmtliche Werke, Band I, Hrsg von I. H. Fichte, Berlin, 1845-1846. (Désormais WL). Nous employons la version française suivante : FICHTE J. G., Œuvres choisies de philosophie première, Doctrine de la science (1794-1797), trad. de l’allemand par A. Philonenko, Paris, Vrin, 1999. (Désormais DS). 2 Trad. de l’allemand par Ph. Lacoue-Labarthe, Paris, Champs Flammarion, 1986. (Désormais CCE). ! "" # $% & '() *# $% & $ + ,- ./.00 0- 4 est centrée sur l’interprétation que Benjamin fait de l’héritage fichtéen dans le Romantisme allemand, en particulier chez Friedrich Schlegel et chez Novalis. Il ne s’agira donc pas pour nous de tenter d’exposer l’intégralité de la première Wissenschaftslehre, ni d’esquisser les nuances des positions romantiques dans leurs contradictions. L’enjeu de ce travail est plutôt de montrer comment au travers d’une lecture de Fichte et des Romantiques, Benjamin tente d’assigner à sa philosophie une méthode, celle de la critique3. Pour prendre la mesure de sa portée, nous avons besoin des ressources épistémologiques de la théorie esthétique des Romantiques et de leur conception de la réflexivité. Ce texte, un des premiers que Benjamin ait publié, est relégué au second plan dans les commentaires et textes critiques qui concernent la philosophie de cet auteur. Beaucoup voient en lui une dissertation académique produite dans l’université suisse mais peu estiment que ce travail éclaire ou facilite la lecture de ses textes ultérieurs. L’enjeu de l’étude ici présentée est donc de poser les bases d’une compréhension du geste critique benjaminien qui permette une nouvelle lecture de ses textes ultérieurs. Pour nous, ce texte est le premier où Benjamin construit la possibilité d’une philosophie de l’histoire au sein de l’art. Cette lecture historique de l’esthétique peut s’appliquer à la plupart des textes de Benjamin, du Trauerspielbuch4 au livre des Passages5. Pour montrer l’intérêt de ce texte dans le parcours de Benjamin, il nous faut d’abord poser la question de la raison du recours à Fichte dans le cadre d’une recherche sur le rôle de la critique. Dans le cadre de la lecture qui nous occupe, la critique est cette méthode de pratiquer la philosophie, celle de la réflexivité. Benjamin va donc tenter de comparer les concepts fichtéen et romantique de réflexion pour dresser les différences méthodologiques qui existent au sein de ces deux philosophies et pouvoir poser, à partir de ces constructions, une voie qui lui est propre. Dans cet article, nous allons devoir mettre en évidence le passage qui s’opère de la théorie transcendantale de l’autoréalisation du Moi chez Fichte à la théorie réflexive de l’autopotentiation de l’objet chez les Romantiques. Cette théorie réflexive est à la base de la conception de la critique chez Benjamin. 3 Elle implique une triple détermination : d’abord, la critique n’implique pas un jugement sur les œuvres (philosophiques ou esthétiques), elle a une fonction théorique, elle produit la vérité, elle possède ensuite un mode de présentation qui lui est propre. Cette modalité de présentation est la réflexivité qui émerge du processus immanent de manifestation des œuvres d’art. Enfin, la critique a une fonction destructrice et prophétique : elle fait advenir la forme suivante. 4 BENJAMIN W., Origine du drame baroque allemand, trad. de l’allemand par S. Muller, Paris Champs Flammarion, 1985. (Désormais ODBA). 5 BENJAMIN W., Paris, Capitale du XIXe siècle, Le livre des passages, trad. de l’allemand par J. Lacoste, Paris, Cerf, 2006. ! "" # $% & '() *# $% & $ + ,- ./.00 0- 5 1.1. Le passage de l’idéalisme au romantisme L’héritage de Fichte La première partie de notre exposé vise à montrer la nécessité du recours à la philosophie fichtéenne de la réflexion dans l’esthétique romantique. Cette parenté entre ces deux philosophies va nous permettre de montrer où ces deux constructions se séparent. Pour commencer, il nous faut rappeler que, chez les Romantiques, la théorie de l’art est une théorie de la connaissance à part entière. En effet, pour les Romantiques, le Moi est une instance inférieure du Soi ; l’art, la religion, la nature participent au Soi au même titre que le sujet. Chercher dans la Doctrine de la science des éléments de compréhension de l’art participe à cette conception particulière de l’art comme élément constitutif du Soi dans la pensée de Schlegel et Novalis tel que nous allons tenter de le montrer plus loin. De Fichte, les uploads/Philosophie/ la-construction-de-l-x27-histoire-chez-walter-benjamin.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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