LA PHILOSOPHIE POUR ENFANTS : UNE ةDUCATION AU BONHEUR ET ہ LA DةMOCRATIE par H
LA PHILOSOPHIE POUR ENFANTS : UNE ةDUCATION AU BONHEUR ET ہ LA DةMOCRATIE par Hélène Schidlowsky Professeur de philosophie à la Haute Ecole Francisco Ferrer de la Ville de Bruxelles, et formatrice en philosophie avec les enfants. Que peut la philosophie pour l'enfant ? Que peut précisément la méthode de « la philosophie pour les enfants » de M. Lipman, méthode que la Ville de Bruxelles a tenu à inscrire dans son projet pédagogique, puisque tous les enseignants qui le désirent, de la maternelle au secondaire, voire même au supérieur, sont invités à se former et à pratiquer la démarche philosophique dans leurs classes. Je ne pourrai pas développer ici tous les aspects du programme de philosophie avec les enfants, mais je centrerai ma réflexion autour d'un concept, le bonheur, et de deux propositions : - le bonheur, non pas de surface, mais stable, profond, substantiel, est dans la philosophie, dans l'acte de la pensée philosophique ; - la construction d'un bonheur collectif passe par l'activité philosophique, et plus particulièrement celle conçue par M. Lipman en communauté de recherche, comme condition et lieu de possibilité d'un véritable vouloir démocratique, et d'un véritable déploiement d'un habitus démocratique. LE BONHEUR DE PENSER La perspective dans laquelle je me situe est celle d'un certain hédonisme : la philosophie comme bonheur, bonheur présent dans l'activité de la pensée, et comme condition d'un agir heureux.Faire de la philosophie avec les enfants c'est, comme dirait André Comte-Sponville, apprendre à l'enfant « à penser sa vie et à vivre sa pensée. » Et pourtant, le mot « bonheur » n'est plus vraiment à la mode. Il y a des modes pour les mots aussi, et ces modes traduisent évidemment l'état d'une pensée, d'une société, d'une civilisation. Le mot « bonheur » aujourd'hui est assimilé à l'absence absolue de souffrance, à la béatitude, alors que pour moi, il ne signifie pas un état permanent, mais peut-être plutôt, comme pour Marcel Conche, une sorte d'attitude : un rapport de soi à soi, une intelligence de soi, une fidélité à soi. Fidélité à soi, comme si soi était un autre, car peut-être « Je est un autre ». Fidélité alors, ou retrouvailles, peut- être même trouvaille. Et effectivement, il s'agit d'aider l'enfant à se trouver, à se créer, à se créer une identité, à aimer cette identité. Que je sois triste ou malheureuse ne signifie pas que je ne sois pas heureuse, dit l'Ondine 1 Roviello A.-M., Il faut raison garder ! Désespérance de l’espace public belge, éditions Quorum, Bruxelles, 1999. de Giraudoux. Le bonheur n'est pas l'absence de tristesse, mais peut-être un état malgré la tristesse, qui aura été comprise, reprise. Faut-il être absolument naïf, stupide pour parler de bonheur ? Comment en effet, parler du bonheur aujourd'hui face à un monde déboussolé, si ce n'est à partir d'un repli stupide et béat, aveugle et insensible aux détresses de tous ordres (politique, économique, social, psychologique), qui frappent l'humain à la dérive ? Comment parler de bonheur possible aujourd'hui si l'on a cette conscience, cette lucidité radicale de ce que décidément l'homme n'est pas bon, ni pour lui ni pour les autres ? Le progrès moral ne serait qu'une illusion dépassée comme toutes les grandes idéologies. Comment parler de bonheur avec cette tristesse qui nous prend, parce que le monde est souvent triste et que l'on n'y peut rien ? Mais n'y peut-on réellement rien ? Et pourtant, c'est bien de bonheur dont je parle. De bonheur lié à la pensée, lié à la conscience et aussi à la lucidité de la conscience. Il y a, je le vois chez ceux avec qui j'ai l'occasion de travailler (enfants ou adultes), un bonheur de penser, parce que le fait de penser peut donner un sens à ce qu'ils sont, et les aider à se construire, un bonheur de penser précis et subtil qui se manifeste dans le déploiement de la pensée ; il n'y a qu'à voir la jubilation des enfants lorsqu'ils découvrent, réfléchissent, font l'expérience de cette possibilité de maîtrise symbolique du monde : par la pensée je comprends le monde, je comprends ce monde qui me comprend, je me l'approprie, je contiens ce monde qui me contient. Il y a également un bonheur de construire un projet, que ce projet soit individuel ou collectif. L'activité de penser est le moment d'un bonheur parce qu'elle donne du sens : un sens à ce que je suis, à ce moment-là. Elle en donne dans la médiation qu'elle installe entre moi et le monde, moi et l'autre et par laquelle un sens, du sens, peut être créé. L'homme est dénaturé, comme dit Vercors, séparé radicalement de la nature, il ne fait plus un avec elle, mais c'est par l'intermédiaire de la pensée qu'il peut la retrouver et marquer de sa trace humaine un monde désolé. La pensée est un écart entre l'homme et le monde, qui peut lui permettre une adéquation de soi à soi retrouvée dans le sens qu'il va créer. L'ENFANT PHILOSOPHE Cette activité de penser, au sens philosophique du terme, est pour moi le propre de l'enfant. Tout enfant est un philosophe en herbe. Tout petit, l'enfant se pose toutes les questions philosophiques qui ont trait au sens : autour de la vie, de la mort, de l'amour, du temps, de la pensée… Propos de Macha, ma fille, quand elle avait quatre ans : « Maman, je voudrais être une poupée, ainsi, je ne mourrai jamais. » Ou encore : « Quand je serai grande, je pourrai penser comme je veux ?… Où va-t-on après la mort ? » Vous connaissez ce genre de propos que l'on peut entendre chez les enfants si on prend le soin de les entendre et qui ne sont rien d'autre que les grandes questions existentielles de la philosophie. « Car la philosophie n'est rien d'autre que la question sans cesse relancée du sens et de l'Etre. » (Jaspers) Les enfants questionnent le monde, très tôt, et c'est là le point de départ de la démarche philosophique. La méthode de la philosophie avec les enfants part de ce questionnement pour initier avec eux cette démarche. Il s'agit donc de ne pas passer à côté de ces questions. La philosophie est entendue ici comme question, et non comme savoir, qui accompagne l'émerveillement et l'étonnement face au monde. Un cours de philosophie avec les enfants ne sera pas le lieu de l'exposition de la théorie platonicienne, mais le lieu où on va les engager à poser leurs questions, à les développer, à les relier au monde. Dans le cursus scolaire traditionnel, les questions de sens que pose l'enfant sont généralement évacuées. Nous adultes, le plus souvent, refermons ces questions et privons par là l'enfant d'un engagement vers la voie de la philosophie et donc du sens. Soit, nous négligeons la question, soit nous l'éludons en lui disant : « Tu es trop petit, tu sauras cela plus tard », ou encore nous édulcorons la réalité par peur. Parce que nous sommes gênés par ces questions, ou nous n'osons pas dire que nous ne savons pas et que nous cherchons encore. Nous n'osons pas dire nos limites, nos faiblesses. Comme si le doute et la recherche n'étaient pas profondément éducatifs. La question de l'amour, si fondamentale pour l'enfant est souvent dérangeante, parce qu'elle nous remet face à nous-même et à notre vie. La question de la mort réactive notre angoisse. Dire par exemple que nous pensons qu'il n'y a rien après la mort, dire le vide réveille en nous l'absurde, que nous craignons de lui transmettre. Nous ne répondons pas aux questions qu'il pose et nous plaquons à travers le cursus scolaire des réponses à des questions qu'il ne se pose pas (La capitale du Guatemala, l'aire du triangle…). Ces réponses, il doit les retenir, alors qu'elles ne l'intéressent que fort peu. Mais ses questions fondamentales restent sans réponse, sans développement. Nous refermons ses questions, et peu à peu, l'enfant arrête de les poser et de les dire dans sa tête. Il arrête de penser et s'enferme dans un non-intérêt pour le monde puisque ce monde, il ne le comprend pas. On ne l'a pas aidé à tenter de donner un sens à son expérience quotidienne, et particulièrement son expérience scolaire, un sens à sa vie. LA MةTHODE LIPMAN La méthode de la philosophie avec les enfants reprend les questions de chacun pour les déployer et les relier à leur expérience. Elle aide l'enfant à tenter de dépasser le flou des perceptions, émotions, sentiments, opinions, et construire quatre types de compétences. - Logiques : raisonner correctement et donc apprendre à conceptualiser (donner la définition essentielle d'une chose ou notion, par exemple, qu'est-ce qu'un ami ?) ; problématiser (mettre en question, rendre problématique, douteuse une opinion, une certitude) argumenter (pour les petits, nous dirons donner des raisons, donner de bonnes raisons). - éthiques : émettre des jugements éthiques et poser des actes en accord avec ses idées. - esthétiques : reconnaître le Beau, apprendre à construire un univers uploads/Philosophie/ la-philosophie-pour-enfants.pdf
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- Publié le Sep 25, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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