Langages La socioterminologie M. François Gaudin Abstract François Gaudin : La
Langages La socioterminologie M. François Gaudin Abstract François Gaudin : La socioterminoiogie. Several language planning experiences, such as those developed in France or in Canada, have led to a new scientifical field. The so called "socioterminology" deals with all the sociological aspects of terminologies. Mainly, the way terminologies are created, the way they circulate in human societies, or the way they are perceived by speakers are some of the matters dealt with by socioterminologists. Citer ce document / Cite this document : Gaudin François. La socioterminologie. In: Langages, 39ᵉ année, n°157, 2005. La terminologie : nature et enjeux. pp. 80-92; doi : https://doi.org/10.3406/lgge.2005.976 https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_2005_num_39_157_976 Fichier pdf généré le 03/05/2018 François Gaudin Université de Rouen-UMR CNRS 6065 La socioterminologie inl Depuis quinze ans, la discipline dénommée terminologie a connu des évolutions doctrinales importantes. L'influence de la théorie qu'en avait donné le fondateur de l'école autrichienne, Eugen Wuster, dans les années 1930, a perdu de sa superbe, et l'on peut sans doute le regretter, dans la mesure où cela témoigne que l'horizon de la terminologie ne s'inscrit plus dans le paysage des initiatives généreuses du début du XXe siècle. Car l'ingénieur autrichien croyait à la terminologie comme à l'espéranto, dans la perspective d'une amélioration de la communication née d'une volonté délibérée et concertée. La foi dans les langues internationales auxiliaires a vécu ; nos connaissances ont progressé ; la terminologie n'est plus tout à fait wustérienne 1. QUATRE FACTEURS D'ÉVOLUTION Dans le mouvement qui a conduit à réviser les théories et les pratiques, on peut distinguer quatre sources principales : la sociolinguistique théorique, la sociolinguis- tique de terrain, la linguistique générale, la linguistique de corpus. La sociolinguistique théorique a permis de reprendre à nouveaux frais les conceptions en matière de discours dans une perspective héritière de la sociolinguistique de la covariance et des travaux sur les interactions verbales. Elle a inspiré les travaux se réclamant de la socioterminologie. La sociolinguistique de terrain a conduit à des enrichissements en matière de politique linguistique. Les linguistes impliqués ont dû développer, dans le cadre des initiatives québécoises puis catalanes, une pratique terminologique qui réponde au souci d'efficacité du législateur et qui soit en harmonie avec une volonté populaire La linguistique générale, pour laquelle les terminologies ont longtemps tenu lieu de curiosités ou de marges, a permis de repenser le statut du terme comme signe et de questionner le lien entre termes et referents. 1. Le présent article se situe dans le prolongement de travaux menés depuis une quinzaine d'années, les idées qu'il contient sont développées dans un ouvrage récent (Gaudin, 2003). 80 La socioterminologie La linguistique de corpus a imposé une réforme des méthodes et des conceptions en raison du développement de la gestion informatisée des écrits et de l'apparition de nouveaux outils langagiers. 2. L'APPARITION DE LA SOCIOTERMINOLOGIE Apparue sous la double influence de la sociolinguistique théorique et de la socio- linguistique de terrain, la socioterminologie se fixe comme objet l'étude de la circulation des termes en synchronie et en diachronie, ce qui inclut l'analyse et la modélisation des significations et des conceptualisations. Elle possède une dimension sociocritique, comme toute sémantique du discours, dans la mesure où elle relie la production de sens des termes avec les conditions de leur apparition. La circulation des termes est envisagée sous l'angle de la diversité de leurs usages sociaux, ce qui englobe à la fois l'étude des conditions de circulation et d'appropriation des termes, envisagés comme des signes linguistiques, et non comme des étiquettes de concepts. Les travaux de terminologie menés dans une orientation sociolinguistique ont été développés dans deux perspectives et deux contextes différents : en France, par des chercheurs héritiers de Louis Guilbert, qui fonda le laboratoire rouennais auquel appartenaient, dans les années 1980-90, Yves Gambier, qui lança le mot, Louis Guespin, qui impulsa des travaux universitaires, et l'auteur de ces lignes ; au Québec, sous l'impulsion de linguistes comme Pierre Auger, Jean-Claude Boulanger ou Jean- Claude Corbeil qui eurent à mettre en pratique les lois linguistiques successives. L'approche adoptée dans ces travaux, soutenus par la volonté collective de tout un peuple, était de facto sociolinguistique. Puis le mot a essaimé dans les langues latines. L'apport de la sociolinguistique était apparu très nettement, dès les années 1980, avec des travaux pionniers, et aujourd'hui encore exemplaires, comme ceux de Monica Heller et alii (1982). La mise en évidence des réseaux de communication dans un milieu de travail, l'analyse des facteurs de résistance et de leur importance pour la modification des pratiques lexicales ouvraient la voie pour des travaux novateurs. Denise Daoust (1987) ou Jacques Maurais (1984) introduisirent, dès les années 1980, la dimension diachronique et insistèrent sur l'étude du changement dans les terminologies, souvent réputées intangibles. On comprend alors la convergence entre les terminologues québécois et les travaux menés sous le nom de socioterminologie. 3. UN TOURNANT SOCIOLINGUISTIQUE La diffusion du terme socioterminologie témoigne d'un besoin de renouveler l'appréhension par les chercheurs et les responsables des problèmes rencontrés. En effet, l'accès aux techniques, aux technologies et aux sciences pose des défis terminologiques nouveaux et oblige à repenser les modes d'intervention sur les pratiques langagières. Ceci vaut pour de nombreux pays, « for the emerging African, Creole - and Arabic-speaking countries and undoubtedly also for the majority of Asiatic civilisations, the 'defence and establishment' of the national languages will inevitably lead to a sociolinguistic orientation of terminology » (Rey, 1998/1999 : 123). Ces questions ont été, dès les années 1980, saisies par des sociolinguistes (Guespin et Laroussi, Langages 157 81 La terminologie : nature et enjeux 1989) et les problèmes que pose la gestion des terminologies des langues africaines2 nécessitent une approche sociolinguistique 3. Si les nations concernées veulent assurer un accès démocratique aux savoirs contemporains qui soit compatible avec le respect de leurs identités culturelles., elles prendront des initiatives concernant l'aménagement terminologique. Ces situations réclamaient un corps de doctrine alternatif, l'accent ayant été trop longtemps mis sur la seule fonction cognitive, et posée comme universelle, du fait de la dominance d'une lingua franca anglo-saxonne. Et ce virage possède une dimension éthique, car toute approche conceptuelle court le risque, en cherchant à rationaliser les contacts translinguistiques, de construire un référentiel notionnel qui ne soit que l'instrument d'une hégémonie linguistique et culturelle particulière. Ces préoccupations se retrouvent en Amérique latine, en Argentine, dans des problématiques liées à la traduction (Gentile, 2003), en Uruguay, où le professeur Mario Barite définit socioterminologia en ces termes : « a. Rama de la Terminologia que se ocupa del análisis de los términos (surgimiento, formación, consolidación e interrelaciones), considerándolos desde una perspectiva linguistica en la interaction social » (Barite, 2000). Au Brésil, Enilde L. de J. Faulstich évoque la socioterminologie comme « une discipline qui s'intéresse au mouvement du terme dans les langages de spécialités » (Faulstich, 1998/1999 : 95). Citons également les pays nordiques où, bien que l'influence de la terminologie traditionnelle reste forte, des personnalités comme Johan Myking, pour la Norvège (2000), ou Yves Gambier4, pour la Finlande, contribuent à enrichir cette perspective. Il ne s'agit pas de chercher à dresser un panorama exhaustif, mais de souligner que la diffusion géographique du terme et de ses traductions se fait dans le maintien de son sens initial, puisque la thématique des usages sociaux des termes, l'étude de leur apparition, de leur circulation et de leur implantation correspond à la part la plus importante des travaux qui ont été menés sous cette appellation depuis les années 1990. 4. QUELQUES TRAVAUX DE RECHERCHE À cette extension géographique correspond un facteur d'approfondissement, l'ancrage universitaire qui a permis de développer des réflexions indépendantes des sollicitations immédiates de la pratique, qu'elle soit traductionnelle, documentaire ou aménagiste. Parmi les publications qui ont vu le jour, quelques thèses universitaires, menées en France ou au Québec en particulier, mais aussi sur des terrains asiatiques (Vietnam, Laos, en particulier), ont permis d'attester de la mise en place d'un corps de connaissances et d'outils méthodologiques. Nous en citerons quelques-unes, sans souci d'exhaustivité. Dans une démarche originale au plan théorique, Myriam Bouveret a confronté les outils de la praxématique à l'analyse de corpus oraux et écrits, elle analysait la Production de sens du terme dans le cadre de la néologie terminologique (Bouveret, 1996). La vulgarisation scientifique a été l'objet d'une étude socioterminologique fouillée consacrée, par Valérie Delavigne, à la diffusion sociale du vocabulaire de la 2. Comme le sàngo, pour Marcel Diki-Kidiri (2000), ou le wolof, pour Chérif Mbodj (1994). 3. Telles que celles décrites par Amigou Maïga (1991) ou Issoufi Alzouma Oumarou (1994). 4. Voir la bibliographie dans Gambier, 2001. 82 La socioterminologie sûreté nucléaire ; cette étude se singularisait par le croisement de méthodes d'analyse sociolinguistiques et l'utilisation d'outils logiciels caractéristiques de la linguistique de corpus (Delavigne, 2001). Dans une perspective peu éloignée, une recherche fondée sur l'analyse de discours a été menée sur les termes du vocabulaire de l'écologie (Périchon, 2001). Maryvonne Holzem a utilement contribué à préciser les relations entre documentation, terminologie et sociolinguistique en posant les bases d'une unification des méthodes descriptives (Holzem, 1999). Pascaline Dury eut le uploads/Philosophie/ la-socioterminologie.pdf
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- Publié le Dec 13, 2022
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