1 Cours désir : le désir, ce qui nous condamne à souffrir ? Introduction Souffr

1 Cours désir : le désir, ce qui nous condamne à souffrir ? Introduction Souffrir : subir ; être malheureux Qu’évoque le désir dans l’opinion commune ? L’empire du corps, la possession (pulsion, sexualité, passion, plaisir). Ici on peut voir que le désir paraît renvoyer avant tout au plaisir mais aussi si on regarde bien, à la souffrance : en effet n’est-ce pas le corps qui nous empêche de nous contrôler ? Le désir, n’est-ce pas l’élan qui nous porte vers la possession de quelqu’un ou de quelque chose, sans que nous ayons le temps de réfléchir ? N’est-ce pas alors le règne de la dépendance (au corps, aux passions, à l’inconscient) ? – Ici, on dira que les désirs sont à nous mais sont ce qui nous arrive sans que nous en soyons l’origine : c’est l’opposé de la réflexion, de la conscience, de la raison. Mais cela est-il essentiel aux désirs ? Tout désir est-il vraiment lié au corps ? Désirer partir en vacances aux Etats- Unis est-il un événement corporel ou lié à l’esprit ? Que dire encore du désir de bonheur, du désir d’immortalité ? Ici on ne parle pas spécialement de « plaisir » mais de bonheur, d’immortalité : il s’agit d’un état de satisfaction qui va bien au-delà de l’instant ! Et qui ne renvoie pas spécifiquement à un état de jouissance physique mais à un état de satisfaction spirituelle. En tout cas, une chose est sûre : le désir correspond à une tendance spontanée et consciente vers une fin connue et imaginée, qu’on sait ou imagine être une source de plaisir, de bien-être, de bonheur. Définition générale du désir : tendance consciente à s’approprier un objet, à faire quelque chose, etc., qui nous paraît susceptible de nous procurer du plaisir, de la satisfaction. Or est-ce vraiment le cas ? Le désir procure-t-il nécessairement une satisfaction et par conséquent, au-delà du simple plaisir, le bonheur ? Regardons l’étymologie : desiderare : « sidus », « sideris » : l’astre. Considerare : contempler l’astre. Desiderare signifie regretter l’absence de l’astre. On a donc une ambiguïté : l’objet du désir est merveilleux (brillant), mais il est aussi absent (cela renvoie au manque qui nous tiraille), et illusoire peut-être (signe que nous nous trompons en croyant l’objet vers lequel nous tendons source de plaisir et/ ou de bonheur). Ainsi le désir nous condamnerait à la souffrance : n’est-il pas comme un creux, un vide, dans notre existence, qui nous condamne à rechercher sans cesse la satisfaction ? N’est_il pas quelque chose qui nous pousse à sortir de nous-mêmes, et donc de notre tranquillité, afin de partir à la recherche de quelque chose qui comblera ce vide (cf. amour, jouets, vêtements, etc.) ? Ne serait-il pas le signe, après l’inconscient, que le sujet humain n’est pas toujours autonome ? I- Le désir comme perte de soi Platon, Gorgias, 491 d sq. Calliclès : Mais que veux-tu dire avec ton "se commander soi-même"? Socrate : Oh, rien de compliqué, tu sais, la même chose que tout le monde : cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résident en soi-même. Calliclès : Ah! Tu es vraiment charmant! Ceux que tu appelles hommes raisonnables, ce sont des abrutis! Socrate : Qu'est-ce qui te prends? N'importe qui saurait que je ne parle pas des abrutis! Calliclès : Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument! Car comment un homme pourrait-il être heureux s'il est esclave de quelqu'un d'autre? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste de nature? hé bien, je vais te le dire franchement! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement - j'en ai déjà parlé- est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. (…) (les hommes qui exercent le pouvoir) sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne y fasse obstacle, et ils se mettraient eux-mêmes un maître sur le dos, en supportant les lois, les formules et les blâmes de la masse des hommes! Comment pourraient-ils éviter, grâce à ce beau dont tu dis qu'il est fait de justice et de tempérance, d'être réduits au malheur, s'ils ne peuvent pas, lors d'un partage, donner à leurs amis une plus grosse part qu'à leurs ennemis, et cela, dans leurs propres cités, où eux-mêmes exercent le pouvoir! Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font la vertu et le bonheur! Tout le reste, ce ne sont que des conventions, faites par les hommes, à l'encontre de la nature. Rien que des 2 paroles en l'air, qui ne valent rien! Socrate : (…) Alors, explique-moi : tu dis que, si l'on veut vivre tel qu'on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient- elles, mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que la vertu consiste? Calliclès : Oui, je l'affirme, c'est cela la vertu! Socrate : Il est donc inexact de dire que ceux qui n'ont besoin de rien sont heureux. Calliclès : Oui, parce que, si c'était le cas, les pierres et même les cadavres seraient tout à fait heureux! Socrate : Mais, tout de même, la vie dont tu parles, c'est une vie terrible! (…) En effet, chez les hommes qui ne réfléchissent pas, (Euripide) dit que ce lieu de l'âme, siège des passions, est comme une passoire percée, parce qu'il ne peut rien contrôler ni rien retenir - il exprime ainsi l'impossibilité que ce lieu soit jamais rempli. Tu vois, c'est tout le contraire de ce que tu dis, Calliclès. D'ailleurs, un sage fait remarquer que, de tous les êtres qui habitent l'Hadès, le monde des morts, les plus malheureux seraient ceux qui, n'ayant pu être initiés, devraient à l'aide d'une écumoire apporter de l'eau dans une passoire percée. Avec cette écumoire (…), c'est l'âme que ce sage voulait désigner. Oui, il comparait l'âme de ces hommes à une écumoire, l'âme des êtres irréfléchis est donc comme une passoire, incapable de rien retenir (…). Je veux te convaincre, autant que j'en sois capable, de changer d'avis et de choisir, au lieu d'une vie déréglée, que rien ne comble, une vie d'ordre, qui se contente de ce qu'elle a et qui s'en satisfait. Eh bien, est-ce que je te convaincs de changer d'avis et d'aller jusqu'à dire que les hommes, dont la vie ordonnée, sont plus heureux que ceux dont la vie est déréglée? Calliclès : (…) je ne changerai pas d'avis! Socrate : Bien. Allons donc, je vais te proposer une autre image, qui vient de la même école. En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d'ordre et une vie déréglée, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux possibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'y a plus à reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme se récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jouir et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines. Alors regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle dis-tu qu'elle est la plus heureuse? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou de l'homme tempérant? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée? Calliclès : Tu uploads/Philosophie/ cours-desir.pdf

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