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UXGLWHVWXQFRQVRUWLXPLQWHUXQLYHUVLWDLUHVDQVEXWOXFUDWLIFRPSRV«GHO 8QLYHUVLW«GH0RQWU«DOO 8QLYHUVLW«/DYDOHWO 8QLYHUVLW«GX4X«EHF¢ 0RQWU«DO,ODSRXUPLVVLRQODSURPRWLRQHWODYDORULVDWLRQGHODUHFKHUFKHUXGLWRIIUHGHVVHUYLFHVG «GLWLRQQXP«ULTXHGHGRFXPHQWV VFLHQWLILTXHVGHSXLV 3RXUFRPPXQLTXHUDYHFOHVUHVSRQVDEOHVG UXGLW HUXGLW#XPRQWUHDOFD $UWLFOH &«OLQH%U\RQ3RUWHW $QWKURSRORJLHHW6RFL«W«VYROQrS 3RXUFLWHUFHWDUWLFOHXWLOLVHUO LQIRUPDWLRQVXLYDQWH 85, KWWS LGHUXGLWRUJLGHUXGLWDU '2, DU 1RWH OHVUªJOHVG «FULWXUHGHVU«I«UHQFHVELEOLRJUDSKLTXHVSHXYHQWYDULHUVHORQOHVGLII«UHQWVGRPDLQHVGXVDYRLU &HGRFXPHQWHVWSURW«J«SDUODORLVXUOHGURLWG DXWHXU/ XWLOLVDWLRQGHVVHUYLFHVG UXGLW \FRPSULVODUHSURGXFWLRQ HVWDVVXMHWWLH¢VDSROLWLTXH G XWLOLVDWLRQTXHYRXVSRXYH]FRQVXOWHU¢O 85,KWWS ZZZHUXGLWRUJDSURSRVXWLOLVDWLRQKWPO Document téléchargé le 28 February 2015 07:31 mb/DWHQVLRQDXFRHXUGHODUHFKHUFKHDQWKURSRORJLTXHb ODGLDOHFWLTXHLQW«ULHXUH[W«ULHXU WK«RULHSUDWLTXHXQHQ«FHVVLW«SRXUOಬ«WXGHGHVLQVWLWXWLRQVIHUP«HVb} Anthropologie et Sociétés, vol. 35, no 3, 2011 : 209-231 LA TENSION AU CŒUR DE LA RECHERCHE ANTHROPOLOGIQUE La dialectique intérieur/extérieur, théorie/pratique, une nécessité pour l’étude des institutions fermées Céline Bryon-Portet Des bienfaits de l’implication du chercheur : du dehors au-dedans D’une prétendue distanciation comme condition du processus d’objectivation Nombre de philosophes ont insisté sur la nécessité qu’il y aurait, pour le sujet en quête de connaissance, à maintenir son objet d’étude à distance respectueuse, afin que s’exerce librement son esprit critique. Cette mise à distance constituerait la garantie d’un travail de recherche rigoureux et objectif. Mieux, d’aucuns la considèrent comme le fondement même de toute démarche scientifique digne de ce nom. Ainsi Gaston Bachelard souligne-t-il, dans La Formation de l’esprit scientifique (1938), un processus disruptif destiné à établir une nette séparation entre le chercheur et son objet. Le premier, en effet, y est présenté comme un être froidement rationnel. Dépassionné, privé d’affect, il apparaît détaché, non engagé personnellement durant la phase d’observation et d’analyse. Les arguments qui fondent cette position d’éloignement reposent d’abord sur des considérations d’ordre épistémologique. Le chercheur s’efforce de se débarrasser de ses préjugés, car le fait d’introduire des idées préconçues ou d’apposer des schèmes interprétatifs prédéterminés sur son champ d’investigation constitue un facteur de dévoiement. La connaissance sensible est également bannie car elle représente, selon l’auteur précité, un « obstacle épistémologique ». Le chercheur devrait donc ressembler à un pur esprit évoluant dans un monde lissé et aseptisé par ses soins, et venant saisir les caractéristiques des éléments qui l’entourent tout en restant à l’extérieur du système, la proximité étant synonyme de subjectivité et d’erreur. Les premiers anthropologues pensaient à peu près de la sorte. James George Frazer, Edward Tylor, Edward Evans-Pritchard et Alfred Radcliffe-Brown adoptaient une posture assez semblable à celle du physicien idéal décrit par Bachelard lorsqu’ils étudiaient les sociétés exotiques. L’intérêt que les Dogons du Mali suscitent chez les ethnologues depuis plusieurs décennies, et qui ne s’est HORS THÈME 210 CÉLINE BRYON-PORTET jamais démenti1, traduit bien cet engouement pour les lointains. Claude Lévi- Strauss, lui aussi, illustre ce principe de base de l’anthropologie traditionnelle dans l’un de ses ouvrages au titre évocateur, Le regard éloigné (Lévi-Strauss 1983). Au-delà de l’intérêt que suscitaient pour eux des champs mystérieux, encore inexplorés, ces terrae incognitae possédaient l’avantage d’assurer, grâce à leur étrange singularité, cette précieuse distanciation épistémologique si ardemment recherchée. De fait, même lorsqu’il effectuait un travail de terrain, le chercheur parvenait difficilement à se comparer à des « sauvages », ce qui était censé éviter tout phénomène de projection inconsciente, et a fortiori d’identification – ce n’est que très récemment que l’anthropologie s’est tournée vers l’étude des mondes contemporains, ainsi que l’a souligné Marc Augé dans son ouvrage Pour une anthropologie des mondes contemporains (1994), ou encore Gérard Althabe, qui a contribué à fonder l’anthropologie urbaine. Cependant, les chercheurs qui procédaient de la sorte étaient tentés d’adopter une position de surplomb et de nouer une relation de type asymétrique et inégalitaire, qui n’était guère propice à la pénétration fine des coutumes qui se jouaient de l’autre côté. Il était rare, en effet, qu’ils se départissent de l’idée qu’ils étaient des hommes de science, des êtres « civilisés », imprégnés des valeurs occidentales de la modernité, par opposition à ceux qui se trouvaient face à eux. Or, cette position de surplomb incite à porter un jugement de valeur peu compatible avec l’objectivité à laquelle le chercheur prétend. Mais surtout, elle tend à rendre les objets d’étude inaccessibles, en empêchant que s’instaure une véritable communication avec l’autre, si l’on veut bien se souvenir que ce terme signifie « mettre en commun ». Lorsqu’elle s’effectue de façon trop neutre ou trop mécanique, la collecte de données peut se révéler stérile. Les pratiques et représentations culturelles des aborigènes australiens (Émile Durkheim et Lucien Lévy-Bruhl), des Ndembus du Congo (Victor Turner), des Nuer du Soudan et autres « sauvages » sont décrites avec une précision quasi chirurgicale. Pourtant, malgré une grande collecte d’informations assorties d’une impressionnante quantité de détails atypiques, ces peuples et tribus paraissent quelque peu impersonnels et leur culture irréelle. Cela laisse au lecteur un sentiment d’étrangeté, comme si leur altérité se dérobait à sa compréhension. Car « com- prendre » signifie « saisir ensemble ». La connaissance relève d’une logique similaire, puisque l’étymologie du mot signifie « naître avec ». Ce mouvement de com-préhension, permettant la con-naissance, est un mouvement synthétique, sinon synesthésique2. Une trop grande distance peut donc empêcher le chercheur de rendre compte de son objet dans toute sa complexité et sa subtilité. Pour « prendre » et « naître » avec les communautés qui l’entourent, le chercheur nous semble 1. Solange de Ganay, Marcel Griaule, Éric Jolly, Michel Leiris, Gérard Beaudoin et bien d’autres encore ont publié de nombreuses études sur ce peuple. 2. C’est d’ailleurs ce qui différencie la connaissance du savoir. La tension au cœur de la recherche anthropologique 211 devoir coïncider avec lui. Présomptueusement campé sur sa différence, dressant un mur solide entre « lui » et « eux », on voit mal comment le chercheur pourrait com-prendre ceux dont il prétend étudier les modes de vie et les pensées. Pour cela, il faut que l’anthropologue considère l’indigène comme un « autre moi », forgeant alors une dialectique du même et de l’autre. Arnold Van Gennep avouait d’ailleurs ce travers de la position surplombante : « Il est d’autant plus difficile d’obtenir des renseignements précis que les personnes qu’on étudie sont elles- mêmes frustes », déclarait-il (Van Gennep 1938 : 73). Et d’ajouter : Il faut aussi une grande prudence, parce que les « civilisés » que nous sommes éprouvent beaucoup de difficultés à penser d’une manière participationniste ou associationniste, à se mettre, comme on dit, dans la peau d’autrui, à éliminer ce qu’ils savent, à se rendre de nouveau ignorants. Van Gennep 1938 : 100 Par ailleurs, l’« autre » encourage volontiers ce travers lorsqu’il réalise que le chercheur ne veut pas se donner la peine de pénétrer dans son univers. Cet aspect de la relation biaisée entre un anthropologue peu soucieux de s’engager dans l’intimité de l’étranger, et un étranger prêt à répondre aux attentes de son interlocuteur, a été souligné par Pierre Rossi : Que n’a-t-on pas écrit sur les communautés bédouines, sur l’effacement de l’individu devant le groupe, alors que l’individualisme est ici poussé jusqu’à sa logique extrême ? S’il se prête au groupe pour un travail, pour une entreprise momentanée, l’individu ne se donne qu’à lui. Pauvres sociologues du désert et d’autres lieux ; si seulement vous aviez regardé se froncer le nez de votre nomade quand il répondait à votre questionnaire ; si vous aviez compris la raison qui le poussait à se gratter la tête ; vous pensiez alors qu’il cherchait ses mots. Pas du tout. Il s’efforçait de se mettre à votre portée pour donner de son existence d’autre monde une explication qui vous agrée. Il n’attendait qu’une chose : que vous parliez pour lui, que vous lui souffliez sa réponse ; et vous la lui souffliez, bien sûr, et lui tout heureux, la répétait ; à la bonne heure ! Vous la notiez soigneusement, vous fermiez votre calepin emportant pour le public d’Europe l’enquête tondue sur le vif du bédouin. Et le soir, au feu de camp, il est allé raconter sa rencontre avec « l’étrange étranger », et ils ont tous ri. - Comment ? Et il t’a cru ? lui dira-t-on. - Pourquoi ne m’aurait-il pas cru puisque je disais comme lui ! Rossi 1965 : 82 En fin de compte surgit une image déformée, correspondant aux clichés que l’anthropologue possédait avant de réaliser son étude, une caricature sans grande valeur heuristique. Cet exemple est particulièrement intéressant, car il montre qu’une excessive volonté d’objectivité aboutit parfois à son contraire et révèle, plus largement, une tendance à l’ethnocentrisme. En outre, le texte de Pierre Rossi révèle un autre aspect majeur de l’anthropologie, à savoir que 212 CÉLINE BRYON-PORTET celle-ci implique la rencontre, et même mieux, la médiation entre l’observateur et l’observé. Car ce dernier, également habité par des constructions mentales déterminantes, plus ou moins favorables à la présence du chercheur, doit accepter de partager son intimité pour que l’anthropologue puisse mener à bien son enquête. De l’observation participante à la notion d’« anthropologie symétrique », un déplacement du moi vers l’autre et une réhabilitation de l’affect La réintroduction du subjectif nous semble être, paradoxalement, le moyen le plus sûr de garantir l’objectivité même de l’étude. Le retour du « je » que l’on peut observer depuis quelques décennies dans les sciences humaines et sociales rejoint l’intuition de Paul Watzlawick (1988) et, plus largement, le courant constructiviste qui s’est développé dans uploads/Philosophie/ la-tension-de-la-recherche-en-anthropologie 1 .pdf
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- Publié le Nov 10, 2022
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