Analyse linéaire « La vertu aimable » de Montaigne Introduction : Dans son livr
Analyse linéaire « La vertu aimable » de Montaigne Introduction : Dans son livre intitulé l'Être et la connaissance selon Montaigne, Michaël Baraz écrit : « […] ce qui, après la lecture des Essais, persiste dans l'âme bien plus intensément que les opinions et les images dont on a été frappé, c'est une musique intérieure extraordinairement sereine ». La sérénité dont parle l’écrivain est en rapport avec la sagesse de Montaigne et sa manière de concevoir le monde et ses valeurs. La poétique des Essais est ainsi fortement marquée par le stoïcisme, doctrine selon laquelle le bonheur et le bien résident dans la vertu et la fermeté de l’âme. Dans cette même perspective, le texte « la vertu aimable », tiré du premier chapitre « De l’institution des enfants », fera l’objet de notre étude. Montaigne expose la quintessence de la sagesse, à savoir la vertu, en critiquant la scolastique. Problématique : Quels sont les moyens utilisés par Montaigne pour plaider en faveur d’un gai savoir et d’un apprentissage accessible ? Mouvement : 1. Du début « l’âme qui loge la philosophie » jusqu’à « d’une contenance contente et débonnaire » : le rapport de l’âme et du corps 2. « La plus expresse marque de sagesse » jusqu’à « par des raisons palpables » : critique de la scolastique 3. « elle a pour son but la vertu » jusqu’à la fin « fantôme à étonner les gens » : l’accessibilité de la vertu Analyse : L’éducation de Montaigne s’intéresse certes au volet intellectuel et moral, mais, elle ne néglige surtout pas celui du physique qui vient le compléter. Il s’agit en effet pour le philosophe humaniste d’élever le corps de façon simultanée avec l’esprit, en ce que les deux forment une unité qu’est l’Homme. En ce sens, il affirme que « l’âme qui loge la philosophie doit, par sa santé, rendre sain encore le corps ». Il affirme d’ailleurs plus loin dans ses Essais que « Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps, qu’on dresse, c’est un homme. [...] Et, comme dit Platon, il ne faut pas les dresser l’un sans l’autre, mais les conduire également, comme un couple de chevaux attelés à un même timon.» La métaphore lumineuse à travers la périphrase « faire luire » présente l’âme comme une source de lumière qui jaillit du plus profond vers le corps, afin de rendre compte du « repos » et de l’ «aise». Les deux termes véhiculent l’idée d’une commodité et d’un état de quiétude que l’on ne ressent ni trouble, ni agitation. A cette phrase se juxtapose une autre décrivant en outre le reflet de la sagesse acquise sur le corps. Les expressions « au dehors » et « le port extérieur » sont relatives au corps étant la surface de l’âme. Montaigne renouvelle la problématique du corps en la détournant de la métaphysique vers la physique. Elle remonte en effet à la philosophie de l’antiquité séparant le corps de l’âme et à la philosophie du Moyen-âge qui le considère comme un péché et une source de tous les maux du monde. Le philosophe humaniste est amené ainsi à contester ces visions catégoriques et à réclamer haut et fort que l’esprit et le corps ne s’opposent pas sur le chemin de la sagesse et que l’Homme est une unité indivisible. L’âme doit fortifier et donner au corps les armes intellectuelles et morales nécessaires qui lui permettent d’affronter les difficultés. L’accumulation « d’une gracieuse fierté, d’un maintien actif et allègre, et d’une constance contente et débonnaire » réunit tout ce qui est susceptible d’accroître la fermeté morale du corps. Les adjectifs « gracieuse, actif, allègre, contente et débonnaire » s’inscrivent dans un registre appréciatif de gaieté et d’énergie. Montaigne définit la philosophie comme « une manière particulière […] d’envisager les grands problèmes du monde et de l’âme ». Dans ce texte, il propose d’expliquer que le corps est au service de l’âme et qu’il doit l’aider à se contenir. 2. A travers le présentatif ‘ce’ et le superlatif ‘la plus’ est introduit le trait distinctif et spécifique de la sagesse. Le philosophe la définit d’emblée comme étant une éjouissance, c.à.d. un état de bien-être, qui demeure inébranlable face aux épreuves. La comparaison avec le milieu lunaire vient éclaircir de plus cette atmosphère tranquille et paisible. La sagesse est assimilée ainsi à une illumination mystique. Comme Rabelais et Erasme, Montaigne se moque de la philosophie et de l’enseignement du Moyen-âge et surtout de la logique formaliste. C’est ainsi sans doute qu’il faut entendre ce passage « c’est Barroco et Baralipton qui rendent leurs suppôts ainsi crottés et enfumés ». Montaigne songe surtout à l'éducation des jeunes gentilshommes, à qui une formation scolastique eût été inutile. Les deux adjectifs coordonnés au moyen de la conjonction ‘et’, « crottés enfumés », traduisent l’indignation et le mépris que porte l’écrivain humaniste envers ce système. Il est intéressant aussi de voir que le terme « suppôt » n’est pas choisi fortuitement puisqu’il s’inscrit dans cette attitude méprisante. Le TLFi propose des sens péjoratifs tels que « celui qui se fait le complice de ses mauvais desseins ; partisan passionné d’une mauvaise cause ». Ainsi s’élève Montaigne contre cet enseignement sclérosé, incapable d’évoluer et de s’adapter aux exigences nouvelles et dont la cause n’est point bienveillante. La négation « ce n’est pas elle » éloigne la sagesse du cercle d’accusation. Contrairement à la scolastique, son dessein parait plus noble, exempt de bassesse et de la vulgarité. Le verbe « ouïr » suivi du verbe dire exprime un procès répandu par la rumeur publique. Dans une démarche argumentative, Montaigne à travers l’interrogation « comment ? » tente d’établir une explication logique et accessible sur la manière dont la sagesse sème de partout la sérénité ». « Elle fait état de sereiner les tempêtes de l’âme, d’apprendre la faim et les fièvres à rire, non par quelques épicycles imaginaires, mais par raisons naturelles et palpables » Les tempêtes de l’âme, pris dans le sens des troubles et des agitations, sont calmées et apaisées au contact de la sagesse. Le verbe « sereiner », employé au XVIème siècle, a pour synonyme apaiser et calmer. Comme un baume, elle adoucit et guérit tous les maux de l’âme. Et non seulement elle procure au corps la patience d’endurer avec constance et résignation les vicissitudes et les malheurs. La modération dans les plaisirs lui paraît nécessaire à la volupté bien entendue. La faim et la fièvre renvoient par euphémisme au désir ardent que l’âme et le corps doivent combattre à l’aide de la philosophie. La sagesse n’est point de l’ordre du mystère et de la sorcellerie comme le nie l’écrivain « non par quelques épicycles imaginaires ». Cette proposition niée émane d’une ironie mordante comme l’adjectif « imaginaire » s’oppose au domaine du réel, donc il perd une part de son authenticité. « Les épicycles imaginaires » renvoient alors aux procédés mystérieux, incompréhensibles et qui ne peuvent être expliqués. La sagesse doit être par contre accessible à tout le monde « par des raisons naturelles et palpables ». L’épithète « palpables » est expliquée par le Tlfi au sens figuré par « qui peut être appréhendé par l'esprit dans sa nature profonde, dans son authenticité, dans son exactitude, etc., notamment grâce à des moyens d'expression particulièrement évocateurs ou précis ». Coordonnée à l’adjectif « naturelles », ils donnent à la raison des propriétés faciles à discerner et qui appartiennent la réalité humaine. 3. La sagesse cherche à atteindre en effet la vertu qui semble être la force de l’âme et du corps. En la désignant comme son but, Montaigne explique que la philosophie cherche à atteindre cette conduite vertueuse qui ne semble pas du tout inaccessible mais bien au contraire. Il dément en effet ce faux discours annoncé par l’école dite la scolastique au Moyen-âge issu du latin schola, ae. Ce régime de pensée pense que la sagesse est « plantée à un mont coupé, raboteux et inaccessible ». à travers que cette métaphore, Montaigne rétorque que cet antique topos a été forgé des esprits dépravés qui se plaisent à la peine. Il ne s’agit nullement d’un parcours semé d’embûches et d’épreuves. Pour supplanter cette caricature, il dresse un portrait suave, jubilatoire et festif. La vraie vertu, selon lui, est « logée dans une belle plaine fertile et fleurissante ». Au mont s’oppose ainsi la plaine « qui donne une idée d'infinitude, qui est indescriptible dans sa totalité et dont on ne pourra jamais épuiser la signification. » Les deux adjectifs « fertile et fleurissante » inspirant la délicatesse et la douceur s’opposent aux ceux qui qualifient le mont à savoir « coupé, raboteux et inaccessible ». La métaphore des chemins faciles à prendre se poursuit dans la suite du texte abordant maintenant « des routes ombrageuses, gazonnées et doux fleurantes ». Nous avons l’impression que ces voies vers la vertu sont habitées par le printemps. La sérénité de l’âme procurée par la sagesse est d’emblée uploads/Philosophie/ la-vertue-aimable.pdf
Documents similaires
-
11
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 27, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0983MB