LE TRIOMPHE DE LA RELIGION précédé de DISCOURS AUX C AT H O L I QU E S PARADOXE

LE TRIOMPHE DE LA RELIGION précédé de DISCOURS AUX C AT H O L I QU E S PARADOXES DE LACAN Ce que vous apprend une analyse ne s’acquiert par nulle autre voie, ni par l’enseignement, ni par aucun autre exercice spirituel. Sinon, à quoi bon? Est-ce à dire que ce savoir, il faut le taire ? Si particulier qu’il soit à chacun, n’y aurait-il pas moyen de l’enseigner, d’en faire au moins passer les principes, et quelques conséquences? Lacan s’est posé la question, il y a répondu de plus d’un style. Dans son Séminaire, il argumente à son aise. Dans ses Ecrits, il veut démon­ trer, et tourmente la lettre à plaisir. Mais il y a aussi ses conférences, ses entretiens, ses impromptus. Là, tout va plus vite. Il s’agit de surprendre les opinions pour mieux les séduire. C’est ce que nous appelons ses Paradoxes. Qui parle ? Un maître de sagesse, mais d’une sagesse sans résignation, une anti-sagesse, sarcastique, sar- donique. Chacun est libre de s’en faire une conduite à son idée. Cette série, d’abord consacrée à des inédits, publiera ensuite des morceaux choisis de l’œuvre. J A C Q U E S L AC AN LE TRIOMPHE DE LA RELIGION précédé de DI SCOURS AUX C A T H O L I Q U E S É d i t i o n s d u S e U i l I C h a m p F r e u d i e n C o l l e c t io n d ir ig é e p a r J a c q u e s - A l a in e t J u d it h M il l e r is b n 2-02-066341-4 © Éditions du Seuil, janvier 2005 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.seuil.com Les deux pièces ici réunies, dont j'ai choisi le titre et établi le texte, ressortissent à l'œuvre oral de Lacan. Le «Discours aux catholiques» comprend les deux conférences prononcées les 9 et 1 0 mars 1 960 à Bruxelles, à l'invitation de la Faculté universitaire Saint-Louis, et annoncées comme des «leçons publiques». Lacan s'y réfère aux chapitres XIII et XIV du Séminaire L'Éthique de la psychanalyse. «Le triomphe de la religion»provient d'une «confé- rence de presse» tenue à Rome le 29 octobre 1974, au Centre culturel f rançais, à l'occasion d'un congrès. Lacan était interrogé par des journalistes italiens. On trouvera en fin de volume quelques indications bibliographiques. Jacques-Alain Miller Discours aux catholiques Annonce La perspective ouverte par Freud sur la déter­ mination par l’inconscient de l’homme en sa conduite a touché presque tout le champ de notre culture. Se rétrécira-t-elle dans la pratique analytique aux idéaux d’une normalisation, curieux à suivre dans leur diffusion vulgaire ? On sait que le Dr Jacques Lacan propose à la communauté des psychanalystes l’épreuve d’un enseignement fort exigeant sur les principes de leur action. Au séminaire où il a formé une élite de praticiens et qu’il conduit depuis sept ans dans le service du Pr Jean Delay, il en est venu cette année aux incidences morales du freudisme, croyant devoir passer outre l’abri d’un faux objectivisme pour présenter objecti­ vement l’action à quoi il a voué sa vie. Il tient en effet qu’une telle présentation est d’intérêt public, et d’autant plus que cette 11 J A C Q U E S L A C A N action se juge au privé. Ainsi se risque-t-il aujourd’hui à introduire un auditoire non formé à une visée qui va à son cœur même. Si le Dr Jacques Lacan ne pense pas qu’on puisse abandonner aux seuls religieux l’appareil de dogmes où se motive le précepte chrétien de notre morale, comportant primauté de l’amour et sens du prochain, on verra peut-être non sans surprise que Freud ici articule la question à sa véritable hauteur, et bien au-delà des pré­ jugés que lui impute une phénoménologie parfois présomptueuse en ses critiques. D’où les sous-titres que nous a livrés le Dr Jacques Lacan, pour ses deux conférences, sous réserve de sa liberté d’adaptation immédiate : I. — Freud, concernant la morale, fait le poids correctement. II. — La psychanalyse est-elle constituante pour une éthique qui serait celle que notre temps nécessite ? Le philosophe y trouvera peut-être à recti­ fier la position traditionnelle de l’hédonisme, l’homme du sentiment à limiter son étude du bonheur, l’homme du devoir à faire retour sur les illusions de l’altruisme, le libertin même à reconnaître la voix du Père dans les comman- 12 D I S C O U R S AUX C A T H O L I Q U E S dements que sa Mort laisse intacts, le spirituel à resituer la Chose autour de quoi tourne la nostalgie du désir. I Freud, concernant la morale, fait le poids correctement Mesdames, Messieurs, Quand Monsieur le chanoine Van Camp est venu me demander, avec les formes de cour­ toisie raffinée qui sont les siennes, de parler à l’Université Saint-Louis de quelque chose qui serait en rapport avec mon enseignement, je ne trouvai, mon Dieu, rien de plus simple que de dire que je parlerai du sujet même que j’avais choisi pour l’année qui commençait — nous étions alors en octobre —, à savoir l’éthique de la psychanalyse. Je répète ici ces circonstances, ces conditions de choix, pour éviter, en somme, quelques mal­ entendus. Quand on vient entendre un psy­ chanalyste, on s’attend en effet à entendre une 15 J A C Q U E S L A C A N fois de plus un plaidoyer pour cette chose discutée qu’est la psychanalyse, ou encore quelques aperçus sur ses vertus, qui sont évi­ demment, en principe, comme chacun sait, de l’ordre thérapeutique. C’est précisément ce que je ne ferai pas ce soir. Je me trouve donc dans la position difficile de devoir vous mettre à peu près au médium de ce que j’ai choisi cette année de traiter pour un auditoire forcément plus formé à cette recherche que vous ne pouvez l’être — quel que soit l’attrait, l’attention que je vois mar­ qués sur tous ces visages qui m’écoutent — puisque ceux qui me suivent, me suivent depuis, disons, sept ou huit ans. Mon enseignement de cette année est donc précisément focalisé sur le thème, plutôt évité en général, des incidences éthiques de la psychanalyse, de la morale que celle-ci peut suggérer, présupposer, contenir, et, peut-être, d’un pas en avant, grande audace, qu’elle nous permettrait de faire concernant le domaine moral. 16 D I S C O U R S AUX C A T H O L I Q U E S 1 À vrai dire, celui qui vous parle est entré dans la psychanalyse assez tard pour avoir aupa­ ravant tenté — ma foi, comme tout un chacun de formé, d’éduqué — de s’orienter dans le domaine de la question éthique, j’entends théoriquement, si ce n’est peut-être aussi, mon Dieu, par quelques-unes de ces expériences qu’on appelle de jeunesse. Mais enfin, il est déjà dans la psychanalyse depuis assez longtemps pour pouvoir dire qu’il aura passé bientôt la moitié de sa vie à écouter des vies, qui se racontent, qui s’avouent. Il écoute. J’écoute. De ces vies que, depuis près de quatre septénaires, j’écoute donc s’avouer devant moi, je ne suis rien pour peser le mérite. Et l’une des fins du silence qui consti­ tue la règle de mon écoute est justement de taire l’amour. Je ne trahirai donc pas leurs secrets triviaux et sans pareils. Mais il est quelque chose dont je voudrais témoigner. À cette place que j’occupe et où je souhaite qu’achève de se consumer ma vie, c’est ceci qui restera palpitant après moi, je crois, comme J A C Q U E S L A C A N un déchet à la place que j’aurai occupée. Ce dont il s’agit est une interrogation, innocente si je puis dire, ou même un scandale, qui se formule à peu près ainsi. Ces hommes, ces voisins, bons et commodes, qui sont jetés dans cette affaire à laquelle la tra­ dition a donné des noms divers, dont celui d’existence est le dernier venu dans la philo­ sophie, dans cette affaire d’existence dont nous dirons que ce qu’elle a de boiteux est bien ce qui reste le plus avéré, ces hommes, supports tous et chacun d’un certain savoir ou supportés par lui — comment se fait-il que ces hommes, les uns comme les autres, s’abandonnent jus­ qu’à être en proie à la capture de ces mirages par quoi leur vie, gaspillant l’occasion, laisse fuir leur essence, par quoi leur passion est jouée, par quoi leur être, au meilleur cas, n’atteint qu’à ce peu de uploads/Philosophie/ lacan-le-triomphe-de-la-religion.pdf

  • 27
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager