Le corps (Didier Franck) Résumé de la séance 1 : il s’agissait de prendre comme

Le corps (Didier Franck) Résumé de la séance 1 : il s’agissait de prendre comme point de départ une conception du corps qui joue un rôle majeur dans la conception biblique : dans cette optique-là, le corps est foncièrement compris depuis la volonté, ou comme constitué de plusieurs volontés Le destin de cette volonté est lié à l’ensemble de la révélation : au fond, on ne peut pas parler du corps séparément, on ne peut parler du corps tout seul : ça n’a pas de sens philosophiquement Aujourd'hui : Schopenhauer, dans Le monde comme volonté et comme représentation (1818), attribue au corps un rôle essentiel (ca en vient à se confondre avec les thèses de saint Paul, cette assimilation de la métaphysique à la révélation n’est pas un cas unique) Le livre commence avec la thèse suivante : « Le monde est ma représentation (Vorstellung) » Cette thèse vaut pour tout être vivant et pour tout être connaissant, mais il n’en demeure pas moins que c’est chez l’homme qu’elle fait l’objet d’une conscience réfléchie Le mot « représentation » vient de Kant, mais son sens est modifié : il faut entendre par représentation la pure corrélation du sujet et de l’objet La représentation est « la forme de toute expérience possible et imaginable, la forme plus générale que toutes les autres, plus générale que le temps, plus générale que l’espace, plus générale que la causalité » La représentation a donc une extension tout à fait considérable A travers cette représentation, je me représente : il n’y a rien de plus certain, de plus absolu que la proposition qui affirme un lien essentiel entre le sujet connaissant (un et indivisible) et l’objet connu Le point important est le suivant : tenir la représentation pour plus générale que l’espace, le temps et la causalité Cette thèse résulte d’une « abstraction », et cette abstraction, d’où provient-elle ? Ce qui, aux yeux de Schopenhauer, justifie cette affirmation, c’est que nous éprouvons une certaine résistance intérieure à tenir le monde pour une pure et simple représentation Par conséquent, la première vérité (« Le monde est ma représentation ») doit être complétée par une autre vérité qui est plus originaire que la première, qui s’énonce ainsi : « Le monde est ma volonté (Wille) » Comment parvient-on à cet énoncé ? S’il n’y a, au départ, que des représentations, quelle est la représentation ou quel est l’objet qui peut nous conduire à poser cette thèse que le monde est aussi, au-delà de toute représentation, volonté : il faut bien qu’il y ait une représentation qui nous permette de conclure que le monde est autre chose qu’une représentation Attardons-nous sur la représentation Avant d’écrire le Monde, Schopenhauer a écrit une thèse (qu’il a défendue devant Hegel, qui d’ailleurs n’a pas manqué de le sabrer, d’où la haine qu’il lui voue) : Sur la quadruple racine du principe de raison suffisante Tout ce qui va suivre, toute la pensée de Schopenhauer est le déploiement, d’une certaine façon, de cette thèse : le principe de raison suffisante signifie ici la liaison nécessaire des représentations : toutes les représentations, quelles qu’elles soient, sont liées les unes aux autres par le principe de raison suffisante Cette liaison nécessaire des représentations n’a pas toujours la même forme selon la nature des représentations qu’elle lie, qu’elle enchaîne Schopenhauer va distinguer quatre classes de représentation : Les représentations intuitives, complètes et empiriques, c'est-à-dire les objets réels (empiriques), que lie la loi de causalité (interprétée comme le principe de raison du devenir) Les représentations abstraites : les représentations de représentations, les concepts qui sont liés par le principe de raison suffisante de la connaissance, selon lequel tous les jugements de connaissance doivent être fondés Les représentations formelles pures : l’espace et le temps, dont le rapport réciproque des parties (c'est-à-dire la position et la succession) est déterminé par le principe de raison suffisante de l’être La représentation immédiate du sens interne (unique en son genre) : le sujet du vouloir, en tant qu’objet immédiat pour le sujet de connaissance, dont les actes obéissent à la loi de la motivation, principe de raison suffisante de l’action (la conscience de soi…) Les représentations intuitives, complètes et empiriques constituent le monde de l’expérience offert à la connaissance : mais connaître, c’est connaître la cause depuis l’effet, ce qui signifie d’abord qu’une intuition empirique consiste dans la connaissance de la cause à partir de l’effet au moyen de l’entendement (brouillage des catégories kantiennes : ca veut dire que l’intuition empirique est intellectuelle) Point de départ aux opérations de l’entendement : quelle est l’unique représentation immédiatement donnée sur laquelle s’applique la loi de l’entendement, c'est-à-dire la causalité ? Réponse : c’est le corps (Leib) Quelle est l’unique représentation susceptible de nous conduire au-delà de la représentation ? C’est le corps (Leib) (L’intuition empirique devient intuition objective, et le monde devient objet de connaissance) le point de départ de la connaissance (au sens métaphysique du terme), c’est le corps S’il n’y avait pas le corps, il n’y aurait pas de connaissance : le corps occupe cette fonction en raison de son ambigüité : il est à la fois une représentation et en même temps il est autre chose : « Le corps est pour nous, ici, l’objet immédiat, c'est-à-dire cette représentation qui est le point de départ de la connaissance du sujet, puisqu’elle précède, avec ses modifications immédiatement connues, l’application de la loi de causalité et lui procure ainsi les premières données. Toute l’essence de la matière consiste dans la causalité, dans l’effectivité, Or il n’y a pas d’effets et de causes que pour l’entendement, qui est leur corrélat subjectif. Mais l’entendement ne pourrait jamais s’appliquer si rien d’autre n lui était donné dont il puisse partir… la conscience immédiate des modifications du corps, en vertu desquelles celui-ci est son objet immédiat. » Cette argumentation pose problème : est-il possible de faire du corps, de mon corps, un objet fût-ce immédiat avant l’intervention de l’entendement ? S’il sert de point de départ à l’activité de l’entendement, il est là avant. Si le corps est à l’origine de l’objectivité, peut-il être lui-même un objet ? Et en parlant d’objet immédiat, servant de point de départ à l’intuition intellectuelle et objective, Schopenhauer ne commet-il pas une pétition de principe ? Le concept d’objet ne doit pas être pris au sens le plus propre : dans la connaissance dont il est le point de départ, ce n’est pas le corps (Leib) qui se rpésente en tant qu’objet mais les corps (Korper) qui ont un effet sur lui : « …représentation intuitive dans l’espace... n’est connu qu’indirectement » Schopenhauer a vu la difficulté mais il ne la résout pas vraiment : si mon propre corps ‘nest objectivement connu par l’application de la loi de causalité Le corps se constitue dans le rapport à soi des organes (description fameuse de Merleau-Ponty du touchant-touché) Vorstellung : « ce qui est posé devant » (la dimension d’intériorité qui est quasi-inhérente au mot français « représentation » ne se trouve pas dans le mot allemand) :      Revues  Ouvrages  Que sais-je ? / Repères  Magazines  Mon cairn.info 1. Accueil 2. Ouvrages 3. Nietzsche et l'ombre de Dieu 4. Chapitre I. Le double statut du... Sommaire  Chapitre I. Le double statut du corps  Didier Franck  Dans Nietzsche et l'ombre de Dieu (2010) , pages 107 à 118  Chapitre  Auteur  chrome_reader_modeFeuilleter 1Que la pensée nietzschéenne se rapporte à l’économie du salut dont la prédication paulinienne pose le fondement ne signifie nullement qu’elle soit de nature théologique ou religieuse. Une pensée peut avoir une portée théologique sans se laisser inclure dans l’orbe de la théologie qu’elle vise. Nietzsche ne voulait pas seulement maintenir mais surtout élever le rang de la philosophie, et c’est une des raisons pour lesquelles il engagea une lutte sans précédent avec la révélation dont il sut ne jamais ou presque sous-estimer la puissance, c’est- à-dire la grandeur. En effet la philosophie allemande dont il est l’héritier advers et que marquent les noms de Leibniz, Kant, Hegel et Schopenhauer, cette philosophie est « une théologie sournoise ». L’Antéchrist déclare : « Il est nécessaire de dire qui nous ressentons comme notre opposé – les théologiens et tout ce qui a du sang de théologien dans le corps – notre philosophie entière... » [1] [1]L’Antéchrist, § 10 et § 8 ; cf. 1885, 42 (6), n° 3. Mais, puisque c’est avant tout par Schopenhauer que Nietzsche accéda à la métaphysique de l’idéalisme allemand, il convient de commencer par lire Le monde comme volonté et représentation qui, nonobstant ses faiblesses, « rassemble en une seule toutes les directions fondamentales de l’interprétation occidentale de l’étant en totalité » [2] [2]Heidegger, Nietzsche, Bd. II, p. 238-239 ; cf. Was heisst… , et ce pour en faire ressortir le caractère théologique. 2L’ouvrage de Schopenhauer, dont le titre récapitule l’ensemble de la philosophie moderne, s’ouvre par la proposition : « uploads/Philosophie/ le-corps-didier-francka.pdf

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