Conception de couverture : corp8 © Armand Colin, 2015 Armand Colin est une marq

Conception de couverture : corp8 © Armand Colin, 2015 Armand Colin est une marque de Dunod Editeur, 5 rue Laromiguière, 75005 Paris http://www.armand-colin.com ISBN : 978-2-200-28441-1 Collection Le temps des idées Jan-Werner Müller, Carl Schmitt. Un esprit dangereux Philippe Raynaud, Le juge et le philosophe Pierre de Sernaclens, Le nationalisme : le passé d’une illusion Paul Claval, De la terre aux hommes : la géographie comme vision du monde Christophe Charle, Homo historicus. Réflexions sur l’histoire, les historiens et les sciences sociales Denis Collin, À dire vrai. Incursions philosophiques Michel Blay, Dieu, la Nature et l’homme. L’originalité de l’Occident Claire Marin, L’homme sans fièvre Vincent Duclert, Réinventer la République. Une constitution morale Robert Damien, Éloge de l’autorité Abdennour Bidar, Histoire de l’humanisme en Occident Table des matières Page de titre Copyright Collection « Le temps des idées » Introduction La vérité divisée La mémoire comme culture Première partie. Le mal de vérité 1. Pour une histoire politique du mensonge et de la vérité Vérité et politique : une antinomie tragique ? « Vérités de fait » et « modes existentiels » (H. Arendt) 2. La destruction du réel et sa réfutation Douter du concept de vérité ? « L’historicité sacrale de la vérité » (Derrida) Du mensonge politique au « différend » Le mal d’archive comme « mal radical » Le « mal au réel » et la « perversion historiographique » (Rancière, Ginzburg, Nichanian) Phénoménologie du survivant 3. La « réfutation » du témoin Penser le mensonge en témoin Rousset, Margolin, Kouznetsov L’écrivain et la preuve. Chalamov Celan L’existence comme réfutation. Orwell Kertész « C’est de là que je viens ». Le mal de l’héritier 4. Une vérité sans autorité Autorité et vérité en démocratie L’enquêteur, le témoin et le juge : le cas d’Ed Vulliamy La « vérité toute entière » et « l’autorité des morts » La vérité vacille Deuxième partie. Le témoignage comme utopie et la mémoire comme religion Témoignage : la complication et la “crise” La « chaîne » des témoins : l’œuvre et le mythe 1. Culture de la mémoire et devoir de mémoire : la captation du témoin De la « mémoire collective » au « memory turn » L’institution politique du témoin et le « devoir de mémoire » Le « travail de mémoire » : « héritage » et « contagion » Quel travail de mémoire dans une société fracturée ? Charlie Hebdo 2. Le « passage de témoin » Postmémoire et « témoin de témoin » De quelques « passages de témoin » La sublimation esthétique. Shoshana Felman L’entrée dans l’espace du sacré. Jacques Derrida Le serment performatif. Giorgio Agamben Témoin de l’histoire et témoin de Dieu : le « véritable témoignage » 3. Le témoignage comme utopie Le témoignage aujourd’hui : une utopie critique Le témoignage, « fonction utopique » inconnue « L’horizon » du témoin et « l’esprit » « D’autres forces que celles de l’espoir » En ces sombres jours d’Aram Andonian La folie du témoin L’humanité, utopie d’après Le rite, le jeu et le schisme Troisième partie. Le retour de la catharsis « Catharsis » et tragédie : la question et le mythe Actualité d’un mythe 1. La catharsis après la catastrophe La foi dans la narration : trauma et storytelling La vérité en « robe de juges » : « purification » ou « réparation » La justice comme tragédie grecque : Nuremberg et le procès Eichmann Le témoignage au théâtre 2. La « catharsis impossible » ou l’interdit de représentation La catharsis en procès. Adorno, Lanzmann, Daney Les philosophes français et « l’irreprésentable » : Lyotard, Nancy, Rancière S21 ou la violence et l’apaisement : Rithy Panh 3. « Une possibilité de tragédie ». Imre Kertész La « traversée de la maladie » Kertész au cinéma 4. Témoignage et tragédie Épilogue « N’oublie pas le meilleur » Notes Je remercie chaleureusement Philippe Bouchereau, Marianne Dautrey et Joël Hubrecht, pour la lecture qu’ils ont faite de certaines parties de ce livre. Et, pour les échanges que j’ai eus avec eux durant sa rédaction, qui m’ont aidée à préciser certains points ou clarifier ma pensée : Janine Altounian, Jumana Al Yasiri, Krikor Beledian, Florent Brayard, Lucie Campos, Jean- Charles Darmon, Sévane Garibian, Agnieszka Grudzinska, Jean-Louis Jeannelle, Marianne Hirsch, Aurélia Kalisky, Fleur Kuhn, Olivier Lecour, Judith Lyon-Caen, Stéphane Michonnaud, Claude Mouchard, Marc Nichanian, Pierre Pachet, Frosa Péjoska, Jean-Yves Potel, Susan Suleiman, Jean-Charles Szurek, Carine Trévisan, Dominique Trimbur, Annette Wieviorka, Remerciements à Hubert pour son soutien sans faille. Ma reconnaissance à Laetitia Paré pour sa grande patience et compréhension. Et mille grands mercis à Jean-Luc et Monique, grâce à qui ce livre a pu s’achever dans la lumière des Pyrénées enneigées et la chaleur d’une maison pleine d’enfants. « Le désir, les attentes, les espérances, requièrent leur herméneutique propre. » Ernst Bloch, Le Principe Espérance, (1954-1959) « Toute explication sur ce qui s’est passé faillira d’un côté ou d’un autre, pareille à une table bancale. […] Moi, je ne gaspille plus de pensées à comprendre mes anciens avoisinants. Je blague parfois de tout cela pour montrer bonne figure, cependant que mes lèvres savent qu’elles mentent à mon cœur. Je suis très bousculée par cette malédiction, je la contiens en moi, je l’empêche de déborder, je reste calme pour les enfants ». Claudine Kayitesi, Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, 2000 Introduction « La vérité. Je sais la vérité sur la mort de ma tante. J’ai vu de mes yeux la mort de mon grand-père et de ma grand-tante. Je connais le sort de mon oncle. De toute la lignée. Mais je ne sais rien sur la mort de mon père à Tuol Sleng ». Tels sont les tout premiers mots prononcés dans le documentaire réalisé par Guillaume Suon-Petit en 2009, About my father . Celle qui parle est Phung-Guth Sunthary, une Cambodgienne qui s’est portée partie civile avec sa mère au procès de Duch, le tortionnaire en chef de la prison de Tuol Sleng, « S 21 ». Au cours des audiences on la voit noter certains propos de l’accusé et des témoins : elle veut connaître les circonstances de la mort de son père et comprendre pourquoi on l’a assassiné alors qu’il était un communiste convaincu. Mais Duch, qui a pourtant reconnu ses crimes et demandé pardon, a choisi de ne rien dire de cette mort-là. Le disparu, Phung Ton, professeur de droit international et recteur d’académie, était une personnalité prestigieuse, un des avocats de Duch avait même été son élève. Interrogée sur les propos de Duch, Phung-Guth Sunthary avait dit ceci : « Jusqu’à quand va-t-il jouer cette comédie ? […] Il a le droit de se défendre, de minimiser sa responsabilité, de dire qu’il obéissait aux ordres, mais je ne veux pas qu’il me mente. Je veux voir ses yeux que les autres témoins n’osent pas regarder. […] Je me suis personnellement beaucoup impliquée, j’ai lu, étudié, parlé avec des témoins, des historiens et je crois qu’à présent je connais assez bien 1 l’histoire de cette époque douloureuse que j’ai vécue avec tant d’autres. Je me tiens toujours disponible pour coopérer avec les avocats des parties civiles pour que la vérité éclate. » Mais regarder Duch dans les yeux ne fait pas « éclater » la vérité. Et la vérité n’éclate pas non plus lors des entretiens qu’elle mène hors procès avec les anciens gardiens de prison, qui se dérobent avec un sourire crispé. Après avoir attendu les paroles qui ne sont pas venues, après avoir tant espéré cet aveu censé la guérir, la fille de Phung Ton tombe dans un abattement qui semble infini. À la fin, elle dépose une fleur sur l’eau d’un fleuve et la regarde s’éloigner. Nous la regardons avec elle, comprenant que ce geste d’adieu vient remplacer les rites de procession et crémation en usage. Ce geste est doux, mais cette douceur vient d’une énorme fatigue. Ce que nous voyons s’éloigner avec cette fleur, c’est aussi « la vérité » : la fleur de la mémoire remplace la vérité manquante. De quelle nature est cette vérité qui manque ? Interrogée sur les raisons qui l’avaient poussée à se porter partie civile, Phung-Guth Sunthary avait répondu : « Je veux garder vivante l’image de mon père. Il est revenu au Cambodge pour nous ! Je n’ai pas envie de tourner la page, jamais. Même après la fin du procès, il ne faut pas oublier les êtres aimés disparus. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour arriver jusqu’au bout et obtenir la vérité. Même si je sais qu’elle va me faire mal, je veux savoir. » Ce « vouloir savoir » serait-il le visage de la mémoire ? Ou ne serait-ce pas plutôt l’inverse ? Car la mémoire n’est ici que l’argument de la vérité. Devoir ne pas oublier, c’est en réalité vouloir aller « jusqu’au bout et obtenir la vérité ». La fille n’a de toute façon pas le pouvoir d’oublier son père. Elle uploads/Philosophie/ le-mal-de-verite-ou-lutopie-de-la-memoire-coquio-catherine.pdf

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