Le temps 1 Comment vivre avec le temps qui passe ? Peut-on agir sur le temps ?

Le temps 1 Comment vivre avec le temps qui passe ? Peut-on agir sur le temps ? Le divertissement comme échappatoire au temps, à la condition humaine -Pascal Notre expérience du temps nous le montre non point comme un concept clair mais comme une réalité fuyante, réalité qui nous concerne forcément. La vie semble nous échapper, tout se dégrade ; en effet, rien n’échappe à la fuite du temps. Le divertissement conformément à son étymologie latine (divertere) signifie : « action de détourner de ». Il s’agit de ne plus penser à ce qui nous angoisse comme la mort, la vieillesse, la fin des choses, les questions métaphysiques sans réponse. C’est en somme s’esquiver de toute réalité déplaisante (échec, séparation contrainte, deuil, maladie….). C’est en fait échapper à ce qui constitue l’existence de tout un chacun sachant que nous sommes des être mortels, fragiles aspirant à la sécurité, au confort mental et physique. Or, cela signifie s’exclure de l’existence car exister c’est par définition s’exposer à toutes sortes d’événements nécessaires (la mort, la perte de sa jeunesse) ou pas nécessaires, accidentelles (la rupture conjugale, le chômage). Or, rien ne peut nous mettre à l’abri de cela sinon le divertissement, l’évasion dans le bruit, les affaires, les conversations mondaines, le jeu, la chasse… tout excepté penser à sa propre misère, à sa condition d’humaine. « Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser », dit Pascal. C’est dans l’agitation que les hommes croient retrouver leur bonheur et non dans la solitude, le silence de la méditation ou de l’étude ou encore dans l’inaction. « Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir » Il cherche absolument à fuir le sentiment d’abandon moral qu’il éprouve, de déréliction, sentiment d’un être laissé là, jeté sans recours, de solitude comme l’indiquent ces paroles de Jésus sur la croix : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il cherche à ignorer son insuffisance, l’ennui en se jetant sans relâche sur toutes sortes d’activité essentielles ou pas, superficielles ou sérieuses car ce qui compte c’est de s’occuper. Tout pour se fuir, éviter de penser au vide, au néant, à la perte. C’est là que se joue selon Pascal la comédie humaine, celle d’une humanité misérable et qui n’a pas le courage de regarder sa réalité en face. C’est ainsi qu’il devient dépendant des autres, de toute cette agitation, c’est sa bouée de sauvetage ; il recherche la gloire, la séduction et ne cesse d’évoluer dans la société du paraître car il doit sans cesse plaire. Il croit ainsi s’affranchir de la solitude et de l’abandon tant craints en n’existant qu’hors de soi et jamais en soi. Il se nourrit d’illusions en jouant sur la scène du paraître social, de « l’amour propre » (le moi qui n’aime que soi, il s’agit « de ne considérer que soi » selon Pascal). Or, toute cette agitation ne lui offre pas vraiment le bonheur auquel il aspire. Bonheur qu’il ne retrouve ni dans le repos ni dans l’agitation. Pourquoi se donner alors tout ce mal ? Paradoxe : Se perdre dans les occupations et les activités de toutes sortes et prendre conscience que nous le faisons pour éviter les tracas et la misère de l’existence c’est en fait perdre toute illusion sur la possibilité de toute échappatoire. Mais pas question d’éveiller la conscience, d’être lucide et là c’est le désir qui nous emporte dans son 2 élan, dans son jeu. Dom Juan poursuit sa quête de la beauté là où elle se trouve et nul ne saurait l’arrêter car il doit demeurer dans l’ivresse du désir, de la chasse ou de la conquête qui exercent un rôle sans doute nécessaire, utile sur le plan existentiel alors même qu’il est vain. Le divertissement, le désir protège l’homme du désespoir, il a une fonction pragmatique que nul ne saurait ignorer. Se divertir est donc un acte sérieux pour les hommes, ce qui est de l’ordre du jeu ne l’est plus à leurs yeux. Ils croient accéder au bonheur mais rien n’y fait ils restent malheureux car ils ne cessent de s’éloigner du seul être qui peut les combler c’est-à-dire Dieu « seul Dieu peut combler mon attente » souligne Pascal. Se divertir c’est croire s’éloigner de toute pensée lucide, tout effort afin d’atteindre le salut, c’est davantage ce qui nous rend misérable. L’homme n’est plus grandeur, il n’est plus que misère, il ne pense plus et perd de fait sa dignité. Le divertissement ou la « diversion » selon Montaigne est certes un remède provisoire mais paradoxalement ce que nous y gagnons est davantage notre perte. Ainsi, plus nous évitons de penser à ce qui importe, de penser à nous, à notre salut, à ce qui peut nous grandir, plus nous nous jetons à corps perdu dans les agitations diverses plus nous nous rapprochons de la mort, de notre finitude mais sans même en prendre conscience. Ce qui peut faire notre grandeur, c’est notre esprit, notre foi et spiritualité que nous noyons spectaculairement dans le divertissment. « La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher le moyen le plus sûr d’en sortir. Mais le divertissement nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort » Et bien avant Pascal, voici ce qu’écrit Sénèque dans De la tranquillité de l’âme: « […] enlevez-lui (à l’âme) les divertissements que fournissent par elles-mêmes les occupations à ceux qui courent dans tous les sens, elle ne peut supporter le chez soi, la solitude de ses quatre murs. […] L’oisiveté mécontente, en effet, entretient la bile. » La bile signifie le chagrin, le souci Les hommes sont terrifiés par le constat que tout ce qu’ils possèdent peut s’écouler, disparaître. Leur inquiétude les contraint à ne point songer à ce qu’ils vivent dans le présent. Ils laissent passer ce temps qui les angoisse plus que tout. Ils s’oublient dans l’agitation. Le temps est celui qui dépossède l’humanité de son âme de tout repos, de toute quiétude. Les hommes deviennent tels des fantômes errants dans les temps qui ne sont pas nôtres (l’avenir ou ce qui n’est plus, le passé). Évitant de vivre au présent pourtant si court, « ne tenant jamais au temps présent » parce que celui-ci dit Pascal « nous blesse » et « s’il est agréable, nous le regrettons de le voir s’échapper». Ainsi, nous laissons s’échapper le seul temps qui est à notre disposition, à l’instant pour nous projeter vers l’avenir. Toujours, en décalage, nos pensées sont tournées vers soit le passé soit l’avenir et si nous nous préoccupons du passé c’est en fonction d’un avenir. Pourquoi ? parce que le passé comme le présent ne sont que des moyens et non des fins. Seul l’avenir est notre fin alors que de ce temps nous n’avons aucune assurance et nous ne sommes pas sûrs d’y arriver. « Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ». Le temps ou l’irréversible : la nostalgie – Jankélévitch – Le voyage d’Ulysse 3 qui nous concerne forcément. le temps nous échappe aussi parce que nous ne pouvons pas définir la nature du temps. Notre expérience du temps nous le montre non point comme un Ulysse croit revenir à Ithaque, son île natale, à Pénélope, sa femme, or, affirme Jankélévitch, il se fait des illusions. Ithaque n’est plus Ithaque d’il y a 20 ans, Pénélope non plus car le temps a fait son œuvre. Le temps traduit un changement, au moins partiel, une transformation, on se demande alors ce qui peut rester de nous, du monde, des autres. Le désir de retour c’est le désir nostalgique d’un temps révolu, passé pour de bon, celui d’une plénitude vécue ou fantasmée, dans l’enfance, dans une « vie antérieure », avant le péché originel, dans les temps de l’innocence avec Baudelaire, avant la chute originelle, le temps d’une humanité primitive (« parfum exotique » Baudelaire), d’un âge d’or celui d’un état de nature avent l’état social, le développement des techniques, des civilisations. La nostalgie : (nostos: retour/ dalgie: mal, douleur) ou le mal du retour. Ulysse (Homère, L’odyssée) choisit le retour chez lui à l’immortalité offerte par Calypso parce qu’il est nostalgique. Le pire de châtiments pour les Grecs anciens est l’exil. Le retour est plus important que l’aller. La vérité c’est se remémorer, souligne Platon, sortir du fleuve de l’oubli (vérité : aléthéia, en grec), la réminiscence ou le souvenir. uploads/Philosophie/ le-temps-23.pdf

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