Extrait de la publication MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES Extrait de la publication D
Extrait de la publication MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES Extrait de la publication Du même auteur dans la même collection Correspondance avec Élisabeth et autres lettres. Discours de la méthode. Lettre-préface des Principes de la philosophie. Méditations métaphysiques, Objections et Réponses, suivies de Quatre lettres (édition bilingue). Les Passions de l’âme. DESCARTES MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES Présentation et notes par Marie-Frédérique PELLEGRIN GF Flammarion Extrait de la publication © Éditions Flammarion, Paris, 2009. ISBN : 978-2-0812-2000-3 PRÉSENTATION « L’auteur envisage ici un homme qui commence tout juste à philosopher. » Entretien avec Burman, AT V, 146. Le texte des Méditations a) L’originalité du projet cartésien Il y a quelque chose de définitif dans l’ouvrage de Descartes intitulé les Méditations métaphysiques (publié d’abord en latin en 1641, puis en français en 1647). Ce court texte entend en effet faire le tour d’un domaine, avec cette volonté très cartésienne de décou- vrir tout ce que l’on peut en savoir, pour pouvoir pas- ser à autre chose. Le domaine, ici, c’est celui de la métaphysique. Vaste domaine donc, ne serait-ce que parce que la définition de la métaphysique est souvent en elle- même délicate. Mais Descartes nous aide. Regardons les titres (latin et français) des Méditations 1. La 1. Le titre latin est Méditations de première philosophie de René Descartes où l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme sont Extrait de la publication MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES 8 métaphysique, c’est la philosophie première qui traite essentiellement de l’existence de Dieu et de la distinc- tion de l’âme et du corps. Le projet étant métaphy- sique, Dieu, l’âme et le corps sont envisagés d’un point de vue spéculatif, c’est-à-dire du point de vue de la raison et non d’un point de vue théologique, celui de la foi. Ce projet a, de fait, beaucoup à voir chez Descartes avec la recherche des fondements de la connaissance. Car ces trois objets, Dieu, l’âme et le corps déterminent l’étendue et les moyens de notre savoir (Que suis-je ? Qu’est-ce qui pense ? Comment ? Avec quelles garanties de vérité ?). La métaphysique accomplit un travail de fondation et donc de légitima- tion de nos manières de penser 2. Sans elle, nous n’avons aucune garantie que nous pensons bien, que nous pensons vraiment. Les mathématiques par exemple ne sont pas fondées au sens plein du terme, tant que Dieu n’est pas garant de leur vérité. Un malin démontrées ; le titre français est Méditations métaphysiques de René Descartes touchant la première philosophie dans lesquelles l’existence de Dieu et la distinction réelle entre l’âme et le corps de l’homme sont démontrées. 2. « On le pourra nommer Meditationes de Prima philosophia [Méditations de Première philosophie], car je n’y traite pas seule- ment de Dieu et de l’âme, mais en général de toutes les premières choses qu’on peut connaître en philosophant par ordre », À Mersenne, 10 novembre 1640, AT III, 239. [Sauf indication contraire (c’est-à-dire référence à l’édition F. Alquié des Œuvres philosophiques de Descartes), toutes les réfé- rences au corpus cartésien renvoient à l’édition de C. Adam et P. Tannery (nouvelle présentation par B. Rochot et P. Costabel), Paris, Vrin, 1964-1974. Elle est notée AT, suivi du numéro de tome en chiffres romains et du numéro de page en chiffres arabes.] Extrait de la publication PRÉSENTATION 9 génie pourrait prendre plaisir à me voir calculer faus- sement avec toutes les apparences de la rigueur démonstrative. Il n’y a donc pas de mathématiques véritables sans appui métaphysique. Plus générale- ment, ma pensée n’est pas fondée tant que je ne sais pas ce qu’elle peut vraiment, ce dont elle est capable par elle-même. Toute fondation suppose de dégager des principes, c’est-à-dire les racines du raisonnement et du savoir dans le domaine considéré. Quand la fondation est métaphysique, c’est l’ensemble du savoir qui se déve- loppe à partir de ces principes. C’est ce que Descartes illustre avec l’image de l’arbre de la philosophie, dans la Lettre-préface aux Principes de la philosophie, préface rigoureusement contemporaine des Méditations en français, puisqu’elle date de 1647. Il écrit : « toute la phi- losophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale 3 ». La question métaphy- sique est au fondement de tout système philosophique. Et tout est radical (c’est-à-dire relevant de la racine, de l’essence des choses) dans l’entreprise cartésienne des Méditations. Cette radicalité se traduit par deux mouve- ments successifs. Il s’agit d’abord d’éradiquer ce que je croyais bien penser au moyen d’un doute absolu. Il faut ensuite refonder le savoir, redonner des racines 3. PP, AT IX-2, 14. [Les titres des principaux ouvrages de Descartes sont abrégés : PP = Principes de la philosophie ; DM = Dis- cours de la méthode ; MM = Méditations métaphysiques.] Extrait de la publication MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES 10 métaphysiques à tout ce que je vais pouvoir connaître. Car la pensée rationnelle elle-même a besoin de fonda- tion, sinon elle serait un préjugé comme un autre. Le rationnel doit être fondé par le métaphysique. Il est d’autant plus étonnant qu’un texte aussi ramassé possède un enjeu aussi vaste. Avec les Médita- tions, Descartes semble vouloir fixer ses principes métaphysiques, comme pour ne plus jamais avoir à y revenir, comme pour se débarrasser de difficultés dans lesquelles tant de penseurs et de philosophies s’éga- rent. Et l’auteur de déclarer presque crânement dans sa correspondance qu’il ne consacre chaque année que quelques heures à la métaphysique 4 ! Il « suffit » d’avoir lu les Méditations pour savoir tout ce qui peut être su en toute certitude en matière métaphysique 5. La métaphysique, en tant qu’elle est position des principes, doit relever de l’évidence. Et ses démonstrations seront plus évidentes que celles des mathématiques 6. Prenons un exemple : les trois preuves de l’existence de Dieu posées dans le texte sont apparemment présentées, dans l’Épître dédica- toire aux docteurs de la Sorbonne, comme s’ajoutant aux preuves déjà existantes. Mais un examen plus pré- cis de ce qui est dit révèle un tout autre projet : Descartes considère ses preuves comme remplaçant 4. À Élisabeth, 28 juin 1643, AT III, 692. 5. M. Gueroult parle de « bréviaire » pour décrire les MM (1968, t. I, p. 23). [Pour les références complètes aux auteurs et commenta- teurs cités, voir la bibliographie. Si plusieurs ouvrages d’un même auteur sont cités, nous ajoutons la date de publication de l’ouvrage auquel on se réfère.] 6. À Mersenne, 15 avril 1630, AT I, 144. PRÉSENTATION 11 toutes celles qui ont été proposées au cours des siècles par philosophes et théologiens. Les démonstra- tions des autres étaient défectueuses, les siennes sont définitives. Toute discussion sur l’existence de Dieu envisagée spéculativement sera ainsi close avec elles. Cette obsession de circonscrire le domaine et le débat métaphysiques s’illustre dans les spécificités édi- toriales du texte. Il a tout d’abord été adressé avant publication à des lecteurs choisis, savants, invités à présenter leurs objections, auxquelles l’auteur répond. L’ouvrage est donc composé, à sa sortie, des Médita- tions écrites par Descartes, des Objections présentées par une série de lecteurs (Caterus, Mersenne, Hobbes, Arnauld, Gassendi, des savants du cercle de Mersenne) et des Réponses du même Descartes. Il s’agit clairement pour Descartes d’anticiper les débats que le texte pourrait susciter. Le philosophe veut maî- triser les rapports avec son lectorat, en acceptant de dis- cuter et d’éclairer son texte, mais cela en amont de sa publication. Il entend rompre avec le destin naturel de tout ouvrage qui, une fois publié, est soumis à l’examen et même aux attaques de tout un chacun, sans que l’auteur n’y puisse plus rien. Comme s’il fallait mainte- nir à tout prix l’intégrité de son texte, avec, mais aussi contre, les lecteurs. Cela démontre d’une autre manière le caractère à la fois autosuffisant et définitif de la méta- physique qu’il propose. Les Méditations peuvent appa- raître comme une œuvre collective, une partition à plusieurs voix au travers d’une discussion philoso- phique en trois temps : méditations, objections, réponses. Elle est surtout une métaphysique toute Extrait de la publication MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES 12 personnelle, qui éprouve sa capacité de résistance face à autrui, qui n’en est plus qu’un faire-valoir. Seconde particularité, le texte est précédé d’un Abrégé (composé après les Méditations elles-mêmes), retraçant l’ordre argumentatif du texte. Il est particu- lièrement intéressant à lire, car il donne finalement un résumé de la métaphysique entière de Descartes. On a dit que les Méditations constituent un texte bref, et pourtant il y a encore moyen de le réduire. La présence de ce synopsis montre que ce qui importe à Descartes, c’est que son lecteur comprenne bien le fil de la démonstration, son ordre propre. Il faut surtout que son caractère complet lui apparaisse d’un seul coup d’œil. Toute la métaphysique de Descartes est donc là, concentrée dans ces quelques dizaines de pages et l’Abrégé en est comme la table des matières uploads/Philosophie/ les-meditations-metaphysiques-de-de-rene-descartes.pdf
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- Publié le Sep 20, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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