Les origines et la specificité de la reflexion philosophique INTRODUCTION GÉNÉR

Les origines et la specificité de la reflexion philosophique INTRODUCTION GÉNÉRALE Quand on commence à étudier la philosophie, dans le contexte d'un cours ou de soi-même pour des raisons diverses, il peut sembler naturel et légitime de commencer par poser la question "qu'est-ce que la philosophie ?" Pourtant, commencer par une définition qui prétendrait dévoiler d'un coup la nature de la philosophie, et même dans le cas où cette définition serait correcte, poserait certaines difficultés spécifiques ou non à la philosophie : • du point de vue de l'apprentissage, il est possible de soutenir que l'appropriation de la définition d'une chose, ou, du moins, la connaissance la plus complète que l'on puisse en acquérir, est le résultat d'une succession de processus cognitifs : chaque étape de l'apprentissage, bien qu'insuffisant en soi-même, est indispensable à la connaissance du tout. Cela n'est pas seulement valable pour la philosophie, mais pour toutes les sciences, et pour toutes les activités humaines complexes, y compris les activités du corps (danse, musique, etc.). Tout l'intérêt de cette difficulté est de mettre en lumière l'aspect technique de l'apprentissage intellectuel, et, pour ce qui nous concerne, cela pose la question de savoir comment on peut enseigner la philosophie. • si l'on formule une définition en se dispensant de ces difficultés de l'apprentissage, on ne proposera aux élèves et au commençants quels qu'ils soient, qu'une abstraction, abstraction au sens où cela laisserait de côté l'idée que la philosophie est une activité et qu'elle demande donc l'effort de certains exercices intellectuels. Il apparaît donc préférable de montrer avant tout que la philosophie commence par un apprentissage, et qu'elle n'est pas seulement une transmission d'un savoir constitué et achevé : le professeur de philosophie n'a pas pour but d'enseigner un tel savoir positif. 1 Ainsi, avant même de penser au contenu que l'on souhaite exposer dans un enseignement de philosophie, il faut penser aux moyens par lesquels on apprend à penser : comment peut-on se rendre capable, ou rendre quelqu'un capable d'atteindre une véritable compréhension de la philosophie, et par où commencer ? Cela peut-être fait par la prise de conscience de certains problèmes spécififiques et une assimilation des concepts guidée par le professeur ; le but est ainsi de former la capacité de jugement des élèves. Sans cet exercice du jugement, on ne peut faire un philosophe, et, à plus forte raison, on rend difficile l'accès à l'instruction et à la culture philosophique. D'un autre côté, on ne peut instruire ceux qui refusent la philosophie et on ne peut faire un philosophe malgré lui. C'est pourquoi, sans doute, certains sont peu aptes à devenir philosophes. On suppose donc ici au préalable des esprits non encore instruits et inexpérimentés, mais pour qui la philosophie peut être un excitant intellectuel. Le but de cette introduction n'est pas de donner une définition de la philosophie ; il est plus modestement de donner une idée générale d'une notion qui ne se comprend qu'à travers l'étude de l'ensemble de ses concepts et de son histoire. C'est pourquoi le lecteur peut tout aussi bien commencer par lire les chapitres qui concernent les notions du programme. D'après ce que nous venons dire, une telle démarche serait d'ailleurs préférable. Se demander ce qu'est la philosophie est un problème philosophique de premier ordre, et c'est ce problème qui sera surtout examiné dans cette introduction. Il ne faut jamais oublier que de par sa démarche intellectuelle et pratique, la philosophie n'est jamais quelque chose d'évident et de définitif. Nous commencerons par l'analyse du mot, son étymologie, et nous examinerons ses emplois dans le langage ordinaire. Puis nous ferons un bref exposé de l'origine de la philosophie, car la philosophie est aussi un évènement historique, et on peut se demander pourquoi elle est née à tel endroit et à telle époque, pourquoi elle s'épanouit dans telle civilisation et pas dans telle autre. Nous chercherons ensuite ce qui fait la spécificité de la philosophie, comment nous pouvons la distinguer des autres activités ou croyances humaines. 2 Sections • 1 Analyse du concept o 1.1 Étymologie o 1.2 Analyse d'expressions courantes o 1.3 Sens spécifiques o 1.4 Conclusion • 2 Origine de la philosophie o 2.1 Conditions matérielles  2.1.1 Les influences culturelles o 2.2 Les premiers philosophes o 2.3 Socrate  2.3.1 L'invention du concept  2.3.2 Le dialogue socratique  2.3.3 La réflexion critique o 2.4 Platon o 2.5 La philosophie hellénistique o 2.6 Origines philosophiques • 3 Spécificité de la philosophie o 3.1 Philosophie, mythes et religion o 3.2 Philosophie et opinion  3.2.1 L'opinion  3.2.2 Philosophie et sophisme o 3.3 Philosophie et science  3.3.1 Liens entre la philosophie et la science  3.3.2 Points communs  3.3.3 Ce qui les distingue  3.3.4 Les problèmes spécifiques à la philosophie 3 • 4 Trois conceptions de la philosophie o 4.1 I. Réflexion, critique et autonomie de la pensée o 4.2 II. Savoir, concepts, méthodes et divisions  4.2.1 Apprend-on la philosophie ou à philosopher ? o 4.3 III. Sagesse et art de vivre  4.3.1 Vocation de philosophe • 5 Place du philosophe dans la société • 6 Vie et mort des philosophes • 7 Critiques de la philosophie o 7.1 Critiques du sens commun et inutilité pratique de la philosophie o 7.2 Dogmatisme et vanité de la philosophie • 8 Synthèse et définition o 8.1 Définition o 8.2 Utilité d'une bonne définition • 9 Pour travailler o 9.1 Sujets de dissertations o 9.2 Vocabulaire o 9.3 Textes d'étude o 9.4 Bibliographie pour commencer o 9.5 Outils de travail 4 Analyse du concept Étymologie Le mot philosophie est un mot d'origine grecque (philosophia, φιλοσοφία). Il se décompose en philo- (verbe philein : aimer, chercher) d'une part, et, d'autre part, -sophie (nom sophia : connaissance, savoir, sagesse). Le verbe philein a également le sens de donner un baiser et avoir coutume. Si l'on considère les mot composés de la racine phil-, on trouve que les sens suivants peuvent apparaître en fonction du suffixe : ami, amitié, passion, plaisir, se plaire à, bienveilance (être amical), servir, accueillir (un étranger par exemple). D'autre part, le verbe philosophein signifie chercher la culture, philosopher, être philosophe, étudier à fond, méditer. Et le mot philosophia signifie de même recherche de la culture, étude profonde. On attribue l'invention du mot philosophie à Pythagore, qui refusait de se considérer comme un sage (sophos) car la possession de la connaissance est le privilège des dieux. Il préférait être appelé « amoureux de la connaissance » (philosophos), c'est-à-dire amoureux des réalités divines. Mais, avant Pythagore, on appelait sophoi ceux qui cherchaient à connaître les réalités divines et humaines, sans que ce mot soit péjoratif. Il y a donc, à l'origine de la philosophie, d'un côté ceux que l'on appelle les sages (Thalès de Milet, etc.), et de l'autre ceux qui furent appelés philosophes. Mais le mot sophiste a pris un autre sens qui permet de cerner un peu mieux la figure du philosophe : le philosophe s'oppose au sophiste, au sens péjoratif donné par Platon : le sophiste est un marchand de connaissances frelatées, c'est un faux-monnayeur qui prétend déjà détenir la sophia. La philosophie, d'après cette étymologie, n'est donc pas seulement l'amour de la connaissance, de la sagesse, du savoir, i.e. une « recherche de la sagesse ou de la connaissance », c'est aussi, et peut-être essentiellement, une recherche de ce qui cultive les facultés de l'esprit, par opposition à l'érudition. En effet, la culture suppose une éducation de l'esprit tournée vers la mesure et la droiture du jugement. L'érudition est au contraire (selon le mot de Kant) l'intempérance de l'esprit : on apprend au hasard des rencontres, et l'on mémorise un grand 5 nombre de choses, mais l'on ne se forme pas l'esprit. L'amour de la sagesse n'est donc pas l'étude de l'histoire de la philosophie (ce que un tel a pensé à telle époque), mais l'exercice de l'esprit au contact de certaines réalités (il n'est donc pas paradoxal d'affirmer que l'esprit peut se développer au contact de l'histoire, si ce contact ne se réduit pas à une accumulation stérile de connaissances). Platon a analysé ce sens d'amour/recherche, c'est-à-dire de désir, en en faisant le mobile de l'activité même de philosopher (cf. Le Banquet). Le désir naturel excite la recherche de la beauté, mais cette recherche, quand elle se veut spirituelle, est déçue par l'inconsistance de ses objets qui lui révèlent la vacuité du devenir. Le philosophe est alors conduit à un désir de posséder les vrais biens, les véritables objets du désir, objets dont le monde sensible n'est qu'un reflêt ou une manière d'être. Ainsi Spinoza déclare-t-il, dans son Traité de la réforme de l'entendement (§1.) : « Quand l'expérience m'eut appris que tous les événements ordinaires de la vie sont vains et futiles, voyant que tout ce qui était pour moi cause ou objet de crainte ne contenait rien de bon ni de mauvais en soi, mais dans la seule mesure où l'âme en était émue, je me décidai en fin de compte à uploads/Philosophie/ les-origines-et-la-specificite-de-la-reflexion-pdf.pdf

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