Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1996 Ce document est p
Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1996 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 4 août 2022 12:42 Philosophiques Articles Art contemporain : questions nouvelles pour l’esthétique philosophique ? Danielle Lories Volume 23, numéro 1, printemps 1996 Critères esthétiques et métamorphoses du beau URI : https://id.erudit.org/iderudit/027362ar DOI : https://doi.org/10.7202/027362ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Lories, D. (1996). Art contemporain : questions nouvelles pour l’esthétique philosophique ? Philosophiques, 23(1), 15–35. https://doi.org/10.7202/027362ar Résumé de l'article Un essai récent de Rochlitz s'inscrit dans le débat actuel sur l'art contemporain en s'efforçant légitimement de rétablir le spectateur dans son droit au jugement. Ce faisant, il propose des critères de reconnaissance et d'appréciation de l'oeuvre qui prétendent, entre autres, échapper aux limites de l'esthétique kantienne qualifiée de subjectiviste. En évoquant des tentatives, analytique (Margolis) et phénoménologique (Gadamer), de traiter de l'oeuvre contemporaine, et en les confrontant aux critères avancés par Rochlitz, on cherche à mettre en évidence les échos kantiens communs à toutes ces approches pour appeler à éviter les interprétations trop étroites de la troisième Critique, et montrer qu'elle nourrit le questionnement sur l'art d'aujourd'hui et peut encore ouvrir des pistes fructueuses à cet égard. PHILOSOPHIQUES, VOL. XXIII, N° 1, PRINTEMPS 1996, P. 15-35 ART CONTEMPORAIN : QUESTIONS NOUVELLES POUR L'ESTHÉTIQUE PHILOSOPHIQUE ? PAR DANIELLE LORIES RÉSUMÉ : Un essai récent de Rochlitz s'inscrit dans le débat actuel sur l'art contemporain en s'efforçant légiti- mement de rétablir le spectateur dans son droit au jugement. Ce faisant, il propose des critères de recon- naissance et d'appréciation de l'œuvre qui prétendent, entre autres, échapper aux limites de l'esthétique kantienne qualifiée de subjectiviste. En évoquant des tentatives, analytique (Margolis) et phénoménologique (Gadamer), de traiter de l'œuvre contemporaine, et en les confrontant aux critères avancés par Rochlitz, on cherche à mettre en évidence les échos kantiens communs à toutes ces approches pour appeler à éviter les interpré- tations trop étroites de la troisième Critique, et montrer qu'elle nourrit le questionnement sur l'art d'aujourd'hui et peut encore ouvrir des pistes fructueuses à cet égard. ABSTRACT : A recent essay by Rochlitz contributes to the current debate about contemporary art by justifiably trying to restore the spectators in their right to judge. By so doing, he proposes, for acknowledging and appraising the works of art, standards which claim more parti- cularly to avoid the limits of Kant's aesthetics, suppo- sedly subjectivistic. By refering to analytic (Margolis) and phenomenological (Gadamer) approaches to contemporary artworks, and by confronting these approaches to the criteria proposed by Rochlitz, the present paper is an attempt to bring to light the echoes of Kant throughout all those approaches, in order to avoid a too restrictive interpretation of the third Critique, and in order to demonstrate that the current interrogation about art still lives upon Kant, who keeps opening fruitful ways of research. Le public contemporain de l'art est en crise. Un point de départ possible pour une réflexion sur cette crise nous est fourni par u n essai récent : Dans un premier temps, l'art autonome avait cherché à rompre avec le public pour ne plus obéir à ses attentes et être libre de présenter ce qui lui semblait essentiel. Dans un second temps, le public cultivé a accepté cette logique de la rupture et s'est efforcé d'en suivre la progression saccadée ; tout comme les artistes eux-mêmes, il prenait goût aux 16 PHILOSOPHIQUES provocations chaque fois nouvelles. Le Surréalisme, l'art abstrait, l'Expressionnisme abstrait, le Pop Art, ont conquis leur public en peu de temps. Mais, dans un troisième temps, le public a refusé de suivre une radicalisaùon sollicitée [...]. Le public se rappelle qu'il est lui aussi autonome, qu'il a des « droits » vis-à-vis de l'œuvre d'art et qu'il peut s'en détourner si elle ne lui parle plus. 1° Le public est libre de s'intéresser ou non à une œuvre d'art. 2° Il peut exiger d'elle, dès lors qu'elle sollicite son attention, qu'elle honore un certain nombre d'exigences. Certaines tendances postmodernes, néo-expressionnistes ou cultivant le kitsch au second degré, s'enfoncent dans cette brèche ouverte par la radicalisaùon à vide. Elles présentent l'autre face, régressive, du double risque que court constamment l'art moderne : radicaliser à vide ou chercher à échapper aux exigences héritées des mouvements modernistes1. Le public demande à s'y retrouver, veut des repères, réclame qu'on lui dise ce qu'il y a à voir, à comprendre, exige qu'on lui explique pourquoi il devrait trouver ceci meilleur que cela, laisser l'un, accueillir l'autre au titre d'oeuvre — ou d'art en tout cas —, pourquoi tel entre au musée et tel autre pas, qu'on lui explique en quoi ceci est admirable et cela négligeable, voudrait qu'on lui donne les moyens de juger en connaissance de cause. Sans qu'on soit le moins du monde contraint à tenir qu'il revienne à la philosophie de trancher les polémiques actuelles du monde de l'art, moins encore de fournir les « critères » que certains réclament à cor et à cri, il est clair que la philosophie de l'art ou l'esthétique philosophique — comme l'on voudra l'appeler — trouve là matière à méditer et peut se sentir interpelée. Il ne sera pas ici question d'entrer à proprement parler dans les disputes en cours, mais seulement d'indiquer à partir des traditions analytique et phéno- ménologique l'une ou l'autre piste qui semble pouvoir apporter ses lumières propres au débat. Cette interpellation vaut incitation à dépasser des attitudes qui ont pu prévaloir un temps. Soit collectionner et dûment enregistrer dans leur succession les faits artistiques — ou se donnant pour tels — et les tenir soigneusement en compte dans l'élaboration d'un concept d'art (ou définition) les accueillant tous et s'abstenant prudemment d'indiquer des limites à l'acceptable. C'est l'attitude d'une certaine « analyse » qui s'est voulu donner une objectivité quasi scientifique2 sur base empirique. Soit se réfugier dans ce qu'on a pu appeler à tort ou à raison un « dogmatisme ontologique3 », qui fait un choix apparemment arbitraire de certaines œuvres — le plus souvent issues du « grand art », classique ou moderne, mais non des productions contemporaines — pour tenter de dire ce que l'art est de tout temps : lieu eminent de la manifestation du sens, sans souci 1. Rainer Rochlitz, Subversion et subvention. Art contemporain et argumentation esthétique, Paris, Gallimard, 1994, p. 44-45. 2. Sur cette ambition présentée comme inhérente à la philosophie analytique de l'art, cf. Richard Shusterman, L'art à l'état vif. La pensée pragmatiste et l'esthétique populaire, Paris, Minuit, 1992, chap. I, en particulier p. 29, p. 37 sqq. ; pour la quête d'une définition de l'art par la philosophie analytique, cf. aussi chap. II. 3. Rochlitz, op. cit., p. 145, évite la discussion avec la phénoménologie en un raccourci discutable. Q U E S T I O N S N O U V E L L E S P O U R L ' E S T H É T I Q U E P H I L O S O P H I Q U E ? 1 7 pour les difficultés présentes de discrimination, d'identification de ce qui mérite le nom d'oeuvre. Dans le registre analytique, cela voudrait dire dépasser les tentatives de définition telle celle bien connue et typique de George Dickie. Dès 1974, il ramassait en cette formule sa théorie « institutionnelle » de l'art : « Une oeuvre d'art au sens classificatoire [donc excluant toute évaluation] est 1) un artefact 2) dont un ensemble d'aspects a fait que lui a été conféré le statut de candidat à l'appréciation par une ou plusieurs personnes agissant au nom d'une certaine institution sociale (le monde de l'art)4 ». La question n'est pas ici de discuter la pertinence et les difficultés de la définition de Dickie ni son évolution au cours des années5. Il y a seulement lieu d'attirer l'attention sur ce qui fait à la fois l'originalité et la puissance de cette thèse et sa fragilité : la définition est manifestement conçue de la manière la plus large qui soit afin de ne rien exclure qui puisse se proposer comme art. Même le statut d'artefact est un statut qui peut être conféré à quelque chose sans qu'aucune élaboration manuelle d'un matériau soit nécessaire, il suffit pour ainsi dire que quelqu'un en fasse quelque chose : une œuvre d'art. Le pouvoir est dès lors exorbitant accordé à l'artiste ou à tout autre membre du monde de l'art : il peut jeter son dévolu sur ceci ou cela, sur n'importe quoi et l'instituer en art uploads/Philosophie/ lories-art-contemporain-questions-nouvelles-pour-l-x27-esthetique-philosophique.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 19, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.3230MB