LA PRÉPARATION DE LA PHILOSOPHIE MODERNE: Leçon liminaire. CARACTÈRES GENERAUX
LA PRÉPARATION DE LA PHILOSOPHIE MODERNE: Leçon liminaire. CARACTÈRES GENERAUX DE LA PHILOSOPHIE MODERNE Author(s): V. Delbos Source: Revue de Métaphysique et de Morale, T. 36, No. 4 (Octobre-Décembre 1929), pp. 445- 501 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40896723 Accessed: 13-06-2016 07:00 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale This content downloaded from 128.42.202.150 on Mon, 13 Jun 2016 07:00:42 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms LA PRÉPARATION DE LA PHILOSOPHIE MODERNE1 Leçon liminaire. CARACTÈRES GENERAUX DE LA PHILOSOPHIE MODERNE Avant d'entrer dans l'étude des doctrines dont la formation et la suite constituent l'histoire de la philosophie moderne, il y a peut-être lieu de présenter, en manière d'idées directrices, quelques remarques sur les caractères essentiels qu'offre cette philosophie : cela, sans exagérer la portée de ces remarques, sans surtout prétendre y ramener d'avance tout le contenu des sys- tèmes. Peut-être le meilleur moyen de saisir les tendances et l'orientation propres à la philosophie moderne, c'est de la com- parer tour à tour avec la philosophie ancienne et avec la philo- sophie du Moyen Age. C'est aux Grecs que nous devons l'idée nette, consciente, de cette œuvre spirituelle qui est la philosophie. On ne conteste pas que rOrienl n'ait apporté à la civilisation humaine des vues impor- tantes sur l'ensemble des choses et sur la vie, qu'il n'ait fourni de la sorte des conceptions susceptibles d'être absorbées ou assimi- lées par la pensée philosophique ; mais la philosophie proprement 1. Professées à la Sorbonne, les leçons de Victor Delbos sur la Préparation de la Philosophie moderne avaient été rédigées en vue de l'enseignement oral, mais non revisões depuis, malgré le dessein qu'il avait de les reprendre et de les utiliser pour l'histoire générale de la Philosophie moderne qu'il souhaitait de composer. Nous laissons de côté la partie intitulée Le Mysticisme allemand^ parce qu'elle a été déjà publiée dans le Cahier X de la Nouvelle Journée (chez Bloud et Gay) portant comme titre : « Qu'est-ce que la mystique ? » '1TX. D.) This content downloaded from 128.42.202.150 on Mon, 13 Jun 2016 07:00:42 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 446 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE. dite, considérée comme explication totale de l'univers au moyen de raisons naturellement conçues et de ces seules raisons, paraît bien avoir été un produit propre du génie grec. C'est en Grèce pour la première fois qu'a surgi l'idée de demander à la considé- ration du monde par l'intelligence, et non pas seulement à une révélation surnaturelle ou à la tradition, ce qui doit être tenu pour la vérité. Cette disposition s'est manifestée par un besoin ou un souci d'enfermer les raisons ainsi découvertes dans une forme de représentation unie ou ordonnée, et s'est fortifiée de la convic- tion que le monde étant, non pas une suite d'événements ou d'épi- sodes sans lien, mais véritablement un Tout, doit être reconstitué d'ensemble comme un Tout dans l'esprit. L'une des conditions préalables de cet éveil de la pensée philo- sophique a été la conscience d'un pouvoir propre à l'esprit de s'affranchir pour un temps des contraintes physiques et des exi- gences pratiques : la philosophie a été considérée comme le plus noble usage que l'on puisse faire du loisir, quand la nature n'est pas sentie comme une puissance menaçante par son mystère et lorsqu'il est pourvu, d'autre part, aux nécessités de l'existence matérielle- De là les caractères esthétiques dont est si fortement imprégnée la philosophie grecque. La vérité qui ne serait point belle ne saurait être qu'une vérité trompeuse ou incomplète : le monde doit être harmonieux et représenté comme tel : c'est le xófffxoç; il est conçu par analogie avec l'organisation vivante ou avec l'œuvre d'art, et il ne peut être contemplé tel qu'il est que par une pensée elle-même ordonnée qui a réussi à se subordonner dans le calme et la joie, selon une juste proportion, toutes les autres facultés. Les raisons supérieures de tout gardent dans leur déter- mination une très étroite parenté avec les attributs les pltis saillants de la beauté classique : ce sont des formes, ou des idées, c'est-à-dire, selon le même mot, eíB^. C'est la forme qui est l'essence des choses ; c'est la fin qui est la cause complète et décisive des événements : les parties de l'univers ne sont intéressantes qu'en tant qu'elles expriment le Tout ou qu'elles y concourent, non pas en tant qu'elles peuvent apparaître, à la suite d'une résolution poursuivie le plus loin possible, comme des éléments de la genèse, mais plutôt en vue d'une progression qui doit s'achever et se suffire, comme des éléments de l'ordre complet. Il résulte de là que la mesure presque constamment admise de This content downloaded from 128.42.202.150 on Mon, 13 Jun 2016 07:00:42 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms V. DELBOS. - LA PRÉPARATION DÇ LA PHILOSOPHIE MODERNE. 447 la valeur des systèmes est la satisfaction qu'ils apportent à l'esprit. On a souvent fait ressortir l'objectivisme dogmatique de la pensée des anciens qui fait dépendre l'activité de l'esprit de la présence et de l'influence de l'objet, pour qui une réalité intelligible est le principe de l'intelligence comme la réalité sensible est le prin- cipe de la sensation : et cela est exact. Mais si l'on y regarde de près, cet objectivisme dogmatique a comme corrélatif un subjec- tivisme dogmatique également ; car bien que l'esprit, selon ce postulat, soit mû par l'objet, il accepte comme signe suffisamment certain de l'existence de cet objet le contentement qu'il éprouve à se le représenter; en d'autres termes il tient à juger pleinement valables les concepts qui, soit par l'accord de leurs caractères intrinsèques, soit par l'aisance de leur enchaînement, satisfont à un besoin prépondérant d'arrangement ordonné et d'harmonie. Aussi les anciens n'ont-ils pas su exactement déterminer les moyens par lesquels la pensée peut sortir d'elle-même pour vérifier ses conceptions ; s'ils ont poussé assez loin le développe- ment de la science mathématique, ils n'ont pas eu une notion exacte de la science expérimentale ; ils ont pu théoriquement admettre l'utilité ou la nécessité de l'expérience pour la connais- sance; ils n'ont pas su instituer des expériences. Et cela, non pas seulement parce que, comme on Fa dit, les instruments leur manquaient, mais parce qu'ils n'avaient point Pidée que des ins- truments pussent servir en la matière, parce qu'ils croyaient trop à l'accord immédiat de la pensée et des choses pour imaginer que l'intelligence doit en quelque façon se détourner d'elle- même, réprimer certaines de ses tendances spontanées, se vider de certains de ses états. Certes, à divers moments, la philosophie ancienne à dû beaucoup rabattre de ses prétentions et de sa con- fiance première, et cela sous l'influence de difficultés qu'elle- même mettait au jour, de critiques qu'elle développait ; mais son dogmatisme, quand il se sentait ébranlé, ne trouvait à faire place qu'au scepticisme, c'est-à-dire à une manière de penser qui con- tinuait à supposer le même postulat réaliste, objectiviste, en admettant que la relativité de nos moyens de connaître est un obstacle invincible à la connaissance. Aussi la philosophie grecque est amenée pareillement à mesurer la réalité des choses à leur perfection, telle que la conçoit une intelligence ordonnée et ordonnatrice, et à admettre que cette This content downloaded from 128.42.202.150 on Mon, 13 Jun 2016 07:00:42 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms 448 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE. perfection est soit la marque essentielle, soit la cause profonde de leur réalité. Elle tient à identifier, comme nous dirions aujourd'hui, les jugements d'existence et les jugements de valeur: une réalité qui n'aurait en quelque sorte pour elle que d'être réelle, qui n'aurait pas de prix appréciable serait quelque chose d'inintelligible : la pure soumission au fait brut pris comme régu- lateur ne saurait se concevoir ou s'admettre. Étant données ces dispositions, la philosophie grecque ne sau- rait jamais accepter qu'il y ait dans l'univers quelque vice radi- cal, ou dans l'ordre des choses quelque rupture essentielle. Si elle a conçu chez certains de ses représentants la distinction du spirituel et du corporel, ce n'a jamais été pour voir là deux essences absolument hétérogènes ou incommunicables. Chez un Platon même, le dualisme du monde sensible et du monde intelli- gible ne va ni jusqu'à la négation du monde sensible ni jusqu'à celle de rapports entre les deux mondes, bien au contraire. Pai* delà les différences saisies la concordance et l'unité se réta- blissent bientôt. Et il en est de même pour la conception de la vie morale et de la vie sociale. Appelée à uploads/Philosophie/ presses-universitaires-de-france-revue-de-metaphysique-et-de-morale.pdf
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- Publié le Apv 28, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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