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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 1998 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 24 mars 2021 14:52 Philosophiques Louis-André Dorion, Aristote : Les réfutations sophistiques, introduction, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1995, x+476 p. Rachel Barney Volume 25, numéro 1, printemps 1998 URI : https://id.erudit.org/iderudit/027475ar DOI : https://doi.org/10.7202/027475ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Barney, R. (1998). Louis-André Dorion, Aristote : Les réfutations sophistiques, introduction, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1995, x+476 p. Philosophiques, 25(1), 111–120. https://doi.org/10.7202/027475ar PHILOSOPHIQUES, VOL. XXV, N0 1, PRINTEMPS 1998, P. 111-120 ÉTUDE CRITIQUE L o u i s - A n d r é D o r i o n , Aristote : Les réfutations sophistiques, introduction, traduction et commentaire, Paris, Vrin, 1995, x+ 476 p. PAR RACHEL BARNEY Dans le domaine des études aristotéliciennes, les recherches sur les Sophistici Elenchi [SE) ont depuis longtemps pris un certain retard. Comme son titre l'indique, Aristote traite dans cette œuvre aride et relativement courte des stratégies sophistiques ou éristiques de la réfutation. Les commentateurs scolastiques considéraient les SE comme l'étude canonique de l'Antiquité sur le raisonnement fallacieux et en firent le fondement d'une vaste littérature médiévale sur les sophismes. Mais à une époque plus récente, l'intérêt accordé aux SE s'est presque entièrement évanoui, non seulement dans la communauté philosophique en général, mais même chez les savants de la philosophie ancienne. Ce désintérêt s'explique sans doute par la distance qui nous sépare de son propos : les éléments des raison- nements faux et malveillants sont peut-être éternels, mais l'éristique telle que la connaît Aristote est un art perdu, et les SE ne portent pas sur autre chose. Néanmoins, quiconque s'intéresse à la pensée d'Aristote ou à la philosophie en général a de bonnes raisons de s'intéresser aux SE. Cette œuvre nous apprend des choses importantes sur les opinions d'Aristote au sujet du langage, du raisonnement et de la méthode philosophique. Et même si cette information est souvent indirecte et difficile à dégager, elle peut nous en dire beaucoup sur le climat et les pratiques intellectuels du temps d'Aristote. Depuis quelques années, nous assistons à un important regain d'intérêt pour un certain nombre de sujets connexes, tels que la conception aristotélicienne de la dialectique, la pensée des anciens sophistes ou l'œuvre logique d'obscures écoles anciennes comme celle des Mégariques. En somme, il est grand temps que les SE soient l'objet de recherches nouvelles et sérieuses. Les travaux de Louis-André Dorion sont à l'avant-scènc de ces recherches. Le nouveau livre de Dorion, qui provient d'une thèse de doctorat complétée sous la direction de Jacques Brunschwig, munit le lecteur de presque tous les outils nécessaires à une étude sérieuse des SE : une tra- duction claire et fidèle, un commentaire détaillé composé de 215 pages de notes, une bibliographie très fouillée (jusqu'à 1991) et une introduction qui traite, de façon systématique, de quelques-unes des énigmes centrales de cette œuvre. L'absence d'un texte grec constitue la lacune évidente de ce travail, mais Dorion prépare en ce moment une nouvelle édition du texte qui paraîtra chez Budé, et le lecteur du présent travail peut déjà bénéficier de quelques-unes de ses remarques sur des questions textuelles. 112 PHILOSOPHIQUES En raison de la pauvreté des recherches sur les SE, un tel livre serait une contribution très utile même s'il devait s'avérer médiocre. En fait, le livre de Dorion est de premier plan. La traduction est de loin supérieure aux traductions françaises antérieures et elle est meilleure que n'importe quelle traduction anglaise disponible. Le commentaire de Dorion est le type de guide de lecture fouillé et instructif qui fait défaut aux SE depuis longtemps : il clarifie un grand nombre de questions et, en général, montre bien à quel point les SE sont une œuvre riche et systématique sur l'argumentation, tout en faisant ressortir le contexte complexe de la pratique et de la réflexion éristiques dans lequel les SE s'inscrivent. Certes, les interprétations de Dorion sont souvent contestables, et il semble parfois surestimer la force de ses propres arguments. Mais dans de nombreux cas, il donne au lecteur les informations utiles sur les interprétations concurrentes. La façon dont Dorion fait renaître les bonnes idées introduites par les savants du XIXe siècle, et avant tout celles de l'estimable G rote (dont le Iravail sur Platon et Aristote mérite à mon avis une renaissance), est admirable. L'écriture est en tout temps lucide et concise, et une érudition considérable est employée à bon escient. L'introduction constitue la partie la plus remarquable du livre de Dorion. Il y discute des questions centrales, telles que le sens du titre des SE, la relation des SE aux Topiques d'Aristote, les « cibles » visées par les SE, la structure des SE, ainsi que sa relation à YEuthyclème de Platon. Ces discus- sions contribueront sans doute, plus que tout autre aspect de ce livre, à lancer le débat autour des SE, car Dorion fait preuve d'un goût engageant pour la polémique sans concession. (Les lecteurs canadiens s'étonneront peut-être d'apprendre qu'il s'agit d'un trait de caractère national : Brunschwig fait allusion dans sa préface à « une sorte de rude franchise que l'on croirait tout droit venue des rives du Saint-Laurent », p. ix). Et sur un grand nombre de questions, ses arguments sont convaincants et enrichissants. Par exemple, Dorion a certainement raison de dire que les « réfutations » auxquelles fait référence le titre des SE sont celles employées par les sophistes, et non celles employées contre eux ; ou que les SE sont le neuvième livre des Topiques, auxquels ils furent plus tard annexés. Son argument d'après lequel les SE doivent peu à YEuthyclème de Platon me paraît tout aussi convaincant. Il faut dire cependant que plusieurs des conclusions les plus importantes auxquelles arrive Dorion sont beaucoup moins convaincantes. C'est le cas en particulier, il me semble, de la question des « cibles » des SE. C'est un problème central et difficile : Dorion lui accorde plus d'espace dans son introduction qu'à toute autre question, et elle retiendra désormais toute notre attention. J'aimerais toutefois souligner que, ce faisant, je relève seulement l'un des nombreux défis intéressants lancés par le livre de Dorion : j'espère que d'autres sauront accorder aux autres aspects de sa discussion l'attention qu'ils méritent. Qui sont les « sophistes » ou « éristiques » dont les manœuvres sont analysées dans les SE ? Ou, comme le dit Dorion, qui est la « cible » (ou sont les « cibles ») de cette œuvre ? (Le terme « cible » risque d'être trompeur : comme le montre soigneusement Dorion, on ne peut supposer qu'Aristote soit entièrement hostile aux pratiques qu'il décrit1. J'emploierai le terme « cible » dans le même sens que Dorion — tel que je le comprends —, 1. Voir Introduction, section 4.1. ÉTUDE CRITIQUE 113 c'est-à-dire pour désigner les praticiens de l'éristique auxquels pense Aristote en écrivant les SE, sans préjuger de son attitude envers eux.) Sur cette question, les deux thèses centrales de Dorion soulèvent grandement la controverse. L'une des thèses est affirmative : les sophistes ou éristiques auxquels Aristote fait référence « ne sont autres » que les penseurs de l'école rnégarique de son époque, qui revendiquaient une filiation philosophique remontant à S ocra te (p. 53). La contrepartie de cette thèse est une thèse négative étonnante : Aristote ne vise pas les célèhres sophistes du siècle précédent (ceux auxquels nous pensons d'emblée comme « les sophistes », IeIs Protagoras, Hippias et Gorgias) pour la bonne raison que ces derniers n'ont jamais pratiqué la réfutation éristique. Nous pouvons considérer ces thèses séparément. La première m'apparaît quelque peu exagérée. Il n'est certes pas contestable que les Mégariques furent une des cibles des SE. Gar nous savons qu'ils étaient férus d'argu- mentation dialectique et de paradoxes logiques, et qu'on leur accolait souvent les noms d'« éristiques », de « sophistiques » et de « dialectiques ». Mais Dorion force la note outre mesure, ou plus que les témoignages le permettent, en insistant sur l'importance des Mégariques pour les SE. Selon Dorion, les Mégariques étaient les principaux praticiens de la réfutation éristique, à un tel point que le mot « éristique » suffisait à les identifier : par exemple, il décrit Euthydème comme « un éristique, c'est-à-dire une personne liée, de près ou de loin, à l'école de Mégare » (p. 36). Dorion prétend que cette association s'est maintenue même plusieurs siècles plus tard : expliquant pourquoi Diogène Laërce associe Protagoras à l'éristique, il affirme : « c'est uploads/Philosophie/ louis-andre-dorion-aristote-les-refutations-sophistiques-introduction-traduction-et-commentaire-paris-vrin-1995-x-476-p.pdf
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- Publié le Dec 02, 2022
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