Insidieuses fascinations Attentat textuel par Pierre Sidon Dès qu’on parle, on
Insidieuses fascinations Attentat textuel par Pierre Sidon Dès qu’on parle, on complote par Jacques-Alain Miller Grand-route d’exil binaire, petits chemins LGBTx et passerelles transgenres par Nathalie Georges-Lambrichs Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il commande — Jacques Lacan N° 909 – Jeudi 21 janvier 2021 – 13 h 21 [GMT + 1] – lacanquotidien.fr Insidieuses fascinations Attentat textuel par Pierre Sidon Dès qu’on parle, on complote par Jacques-Alain Miller Grand-route d’exil binaire, petits chemins LGBTx et passerelles transgenres par Nathalie Georges-Lambrichs Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il commande — Jacques Lacan N° 909 – Jeudi 21 janvier 2021 – 13 h 21 [GMT + 1] – lacanquotidien.fr Attentat textuel par Pierre Sidon À propos de la politique d’identités Paroles, écrits, images ou représentations, propos privé, tweet, article ou œuvre d’art, etc., tout peut, in the eye of the beholder (2), faire attentat. Plus rien n’échappe à un appétit insatiable de polémique, d’indignation, de scandale. Offense, blasphème, outrage, appropriation, caricature, stigmatisation... À ces cris, les victimes répliquent : chasse aux sorcières, annulation, éviction, procès… On réclame des têtes, et on en coupe. Indignation virale et polémique dans les médias, haine et lynchage sur les réseaux. L’injure est vue partout, on condamne à perpétuité… ou pire. De l’indignation Héritière d’une longue tradition de liberté d’expression, la France est à son tour gagnée par cette « plus vieille passion fédératrice de l’Amérique, son plaisir le plus dangereux peut-être, le plus subversif historiquement : le vertige de l’indignation hypocrite » (3) – dite aussi « indignation vertueuse », dans les termes de Philippe Roth. Elle gagne le monde. Cette passion ancienne est déjà relevée par Tocqueville : « Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique. [...] la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose en sortir. » (4) Tocqueville avait forgé la formule de « l’individualisme démocratique ». « Qui aurait pu penser que cette libération aussi brutale que profonde, que cet individualisme, triomphant, s’accompagneraient d’un Attentat textuel par Pierre Sidon À propos de la politique d’identités Paroles, écrits, images ou représentations, propos privé, tweet, article ou œuvre d’art, etc., tout peut, in the eye of the beholder (2), faire attentat. Plus rien n’échappe à un appétit insatiable de polémique, d’indignation, de scandale. Offense, blasphème, outrage, appropriation, caricature, stigmatisation... À ces cris, les victimes répliquent : chasse aux sorcières, annulation, éviction, procès… On réclame des têtes, et on en coupe. Indignation virale et polémique dans les médias, haine et lynchage sur les réseaux. L’injure est vue partout, on condamne à perpétuité… ou pire. De l’indignation Héritière d’une longue tradition de liberté d’expression, la France est à son tour gagnée par cette « plus vieille passion fédératrice de l’Amérique, son plaisir le plus dangereux peut-être, le plus subversif historiquement : le vertige de l’indignation hypocrite » (3) – dite aussi « indignation vertueuse », dans les termes de Philippe Roth. Elle gagne le monde. Cette passion ancienne est déjà relevée par Tocqueville : « Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique. [...] la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose en sortir. » (4) Tocqueville avait forgé la formule de « l’individualisme démocratique ». « Qui aurait pu penser que cette libération aussi brutale que profonde, que cet individualisme, triomphant, s’accompagneraient d’un totalitarisme intellectuel généralisé ? », s’inquiète, dès les années 1990, un Georges Dillinger nostalgique de l’ancien « modèle social français » fondé sur le sacré. Il évoque l’« individualisme terroriste » qui « a tout envahi de ses métastases, dans le vide idéologique à peu près complet qui a caractérisé le milieu du XXe siècle » (5). Longtemps portée par la frange la plus nostalgique – les « nouveaux réactionnaires » selon l’expression impérissable de Daniel Lindenberg en 2002 –, l’inquiétude a gagné aujourd’hui toutes les sensibilités politiques de la société qui s’émeuvent de l’extension de la politically correctness et de l’affrontement qu’elle génère. Le Monde répercutait par exemple, en 2016, la position du doyen des étudiants de l’Université de Chicago en faveur de la liberté académique et contre l’invasion des trigger warnings et des safe spaces empêchant l’étudiant d’être « confronté à des conceptions ou des idées contraires aux siennes propres » (6) ; une riposte avait immédiatement suivi dans le Los Angeles Times en faveur de la protection de « ceux qui se sentent discriminés et victimes de préjugés » (7). Dans La Tache, paru en 2000, P . Roth mettait en scène la démission d’un professeur accusé de propos racistes sur un malentendu – qui s’avérera plus compliqué que cela – et diagnostiquait que « l’indignation, lorsqu’elle atteint ces proportions, est une forme de folie » (8). Dans la récente « Letter on justice and open debate » (9), 153 intellectuels et artistes s’alarment de l’impossibilité de débattre de nos différences dans le climat irrespirable d’intolérance et de conformisme idéologique régnant qui a permis l’accession au pouvoir de Donald Trump et qui menace la démocratie. Illustration de leurs inquiétudes, la réponse cinglante ne s’est pas fait attendre : sont mises en cause, en miroir, des positions qualifiées d’« intolérantes » de plusieurs des signataires, tels que J.-K. Rowling, accusée de « transphobie » pour avoir ironisé sur la circonlocution « personnes qui ont leurs règles », après l’odieux précédent d’avoir osé créer un personnage de serial killer travesti. Jeff Yang, dans « The problem with ‘the letter’ » (10), répond que les auteurs y réclament une liberté d’expression qu’ils ont déjà, ravalant leur « épître » à « une expression élégante de leur élitisme et de leur statut de privilégiés ». Il estime qu’à l’heure du coronavirus et du Black Lives Matter, elle détournerait l’attention du public vers une police du politiquement correct qu’il qualifie d’« imaginaire ». De surcroit, elle achèverait de « diminuer et menacer les communautés marginalisées », le présupposé identitaire desdites communautés, se présentant comme « unes », avec un statut de victimes diminuées, étant aggravé par tout commentaire de ceux qui ne partagent pas ce présupposé. Ceux-ci se voient rangés ipso facto dans la catégorie des agresseurs, dont l’agression légitime, en retour, le postulat victimaire initial. La boucle est bouclée. En France, le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, partisan de la cancel culture (culture de l’annulation), défrayait récemment la chronique en prônant de « reproduire un certain nombre de censures en vérité dans l’espace public pour rétablir un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes » (11). totalitarisme intellectuel généralisé ? », s’inquiète, dès les années 1990, un Georges Dillinger nostalgique de l’ancien « modèle social français » fondé sur le sacré. Il évoque l’« individualisme terroriste » qui « a tout envahi de ses métastases, dans le vide idéologique à peu près complet qui a caractérisé le milieu du XXe siècle » (5). Longtemps portée par la frange la plus nostalgique – les « nouveaux réactionnaires » selon l’expression impérissable de Daniel Lindenberg en 2002 –, l’inquiétude a gagné aujourd’hui toutes les sensibilités politiques de la société qui s’émeuvent de l’extension de la politically correctness et de l’affrontement qu’elle génère. Le Monde répercutait par exemple, en 2016, la position du doyen des étudiants de l’Université de Chicago en faveur de la liberté académique et contre l’invasion des trigger warnings et des safe spaces empêchant l’étudiant d’être « confronté à des conceptions ou des idées contraires aux siennes propres » (6) ; une riposte avait immédiatement suivi dans le Los Angeles Times en faveur de la protection de « ceux qui se sentent discriminés et victimes de préjugés » (7). Dans La Tache, paru en 2000, P . Roth mettait en scène la démission d’un professeur accusé de propos racistes sur un malentendu – qui s’avérera plus compliqué que cela – et diagnostiquait que « l’indignation, lorsqu’elle atteint ces proportions, est une forme de folie » (8). Dans la récente « Letter on justice and open debate » (9), 153 intellectuels et artistes s’alarment de l’impossibilité de débattre de nos différences dans le climat irrespirable d’intolérance et de conformisme idéologique régnant qui a permis l’accession au pouvoir de Donald Trump et qui menace la démocratie. Illustration de leurs inquiétudes, la réponse cinglante ne s’est pas fait attendre : sont mises en cause, en miroir, des positions qualifiées d’« intolérantes » de plusieurs des signataires, tels que J.-K. Rowling, accusée de « transphobie » pour avoir ironisé sur la circonlocution « personnes qui ont leurs règles », après l’odieux précédent d’avoir osé créer un personnage de serial killer travesti. Jeff Yang, dans « The problem with ‘the letter’ » (10), répond que les auteurs y réclament une liberté d’expression qu’ils ont déjà, ravalant leur « épître » uploads/Philosophie/ lq-909 1 .pdf
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- Publié le Oct 10, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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