Comité français de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature L'A
Comité français de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature L'AVENIR DU VIVANT nos valeurs pour l'action Préface Pour faire progresser la conservation de la nature, nous renouvelons régulièrement nos approches face à un monde changeant, où de nouveaux enjeux émergent ou deviennent plus prégnants, et de nouvelles possibilités d’action apparaissent. Nos concepts sont revisités et nos pratiques sont améliorées à l’aune des dernières connaissances scientifiques. L’UICN joue un rôle important dans ce domaine grâce à son réseau mondial pour partager l’expertise et échanger sur les solutions afin de protéger, gérer durablement ou restaurer la nature. De la même façon, nous devons revisiter régulièrement notre approche éthique de la conservation de la nature. Souvent pris dans l’immédiateté de l’action pour répondre aux urgences de la dégradation de la nature, nous ne prenons pas le temps de redéfinir les valeurs et la vision que nous portons. Ni de les réaffirmer. Car cette crise d’érosion de la biodiversité que vit actuellement la planète est avant tout une crise du rapport de l'humanité au vivant, dont elle fait pourtant étroitement partie et dont elle est responsable. Dès lors, quelles sont nos valeurs et notre vision et comment peuvent-elles constituer un guide pour l’action ? C’est l’exercice auquel s’est attelé le groupe « éthique en action » animé par Patrick Blandin et Damien Marage, que je remercie chaleureusement. A l’issue de ses travaux, un texte a été proposé et approuvé par le Conseil d’administration du Comité français de l’UICN, qui réunit tous ses membres. Le groupe s’est évidemment appuyé sur les travaux engagés par l’UICN depuis sa création en 1948 à Fontainebleau et sur la proposition du Comité français de l’UICN, approuvée par le Congrès mondial de la nature en 2004, de relancer un travail sur la vision éthique de l’UICN, devenue l’initiative pour une éthique de la biosphère en 2010. Mais depuis lors, la crise s'est amplifiée, et il est devenu plus que jamais urgent d'appeler à des changements profonds : il faut penser autrement nos façons d'interagir avec le monde vivant et donc nos façons d'habiter la Terre. A l’occasion du Congrès mondial de la nature de l’UICN qui se tient en France en 2021, nous tenions à mettre en avant, en plus de nos recommandations sur différents enjeux mondiaux de biodiversité, la vision éthique portée par le Comité français de l’UICN et à la faire connaître aux autres membres de l’UICN dans le monde. Je vous invite ainsi à découvrir notre manifeste « L’avenir du vivant – nos valeurs pour l’action » et à vous en inspirer pour vos stratégies et vos activités. Maud Lelièvre Présidente du Comité français de l’UICN Ce document a été préparé par un groupe de travail animé par Patrick Blandin et Damien Marage, auquel ont participé Michel Barnaud, Gilles Benest, Séverine Carrez, Frédéric Ducarme, Christiane Garnero Morena, Frédéric Gosselin, Barbara Livoreil, Jean-Pierre Rogel et Laurent Simon. « La Nature, dans ses trois règnes, est de toute part menacée par les progrès de l’industrie. L’activité de l’homme gagne des régions jusqu’ici inaccessibles à ses entreprises ; son caprice ou son utilitarisme imprévoyant mettent en péril l’existence d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. […] Tous les amis, tous les défenseurs de la Nature doivent se grouper pour élever la voix, […] et exercer une action protectrice qui sauvegarde pour l’avenir notre patrimoine naturel. » Lettre d’invitation au premier congrès international pour la protection de la nature, Paris, décembre 1922 « L’appauvrissement progressif des ressources naturelles entraîne déjà un abaissement des conditions de vie de l’humanité. Leur renouvellement ne pouvant suivre la cadence des destructions, le moment est venu de convaincre l’homme de l’étroite dépendance dans laquelle il se trouve à leur égard. Si l’on veut arrêter cette évolution redoutable, il faut que l’homme se pénètre de la nécessité de protéger et même de régénérer ces ressources et de ne les consommer qu’avec ménagement, de manière à garantir la prospérité du monde et sa paix future. La Protection de la Nature apparaît désormais d’une importance vitale pour tous les peuples… » Préambule de la Constitution de l’Union Internationale pour la Protection de la Nature Fontainebleau, France, 5 octobre 1948 « L’Union est concernée davantage, dirais-je, par l’éthique que par la science. Car la science devrait être servante, et non pas maîtresse, de l’humanité. Notre stratégie doit s’ancrer fermement dans le pragmatisme, mais il faut aller de l’avant avec une vision. Nous devrions être les architectes d’un changement (appelez-le développement si vous voulez) visant l’accroissement…de la vie bonne » Duncan Poore, Directeur Général par interim de l’UICN, 1976-77 « Les objectifs de l’UICN sont d’influer sur les sociétés du monde entier, de les encourager et de les aider pour qu’elles conservent l’intégrité et la diversité de la nature et veillent à ce que toute utilisation des ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable » Statuts de l’UICN, modifiés en 2016 Préambule L’espèce humaine, ni plus ni moins que les autres espèces, résulte de l’émergence de systèmes vivants transformant eux-mêmes leurs conditions d’existence locales et globales, tout en constituant un réseau d’interdépendances de plus en plus complexe au sein de ce qu’il est convenu d’appeler la biosphère. Nous, les espèces vivantes actuelles, nous sommes interdépendantes et parentes, formées dans l’immense mouvement de l’évolution, une trajectoire commencée il y a quelques milliards d’années. Sur l’échelle des temps géologiques, ce n’est que très tardivement que notre espèce s’est montrée capable de modifier le réseau écologique planétaire, en s’y répandant, mais sans jamais s’en extraire. Elle a modifié de nombreux systèmes écologiques, domestiqué des espèces végétales et animales, créé de nouveaux paysages et, en retour, elle s’est modifiée, diversifiée, biologiquement et culturellement. Toute espèce est « ingénieure », en ce sens qu’elle façonne sa niche écologique par le jeu de ses interactions avec son milieu de vie, physique, chimique et biologique. Certaines le sont plus manifestement que d’autres. Organisant les conditions de son accroissement numérique, l’espèce humaine, en « construisant sa niche », a rapidement réduit les espaces disponibles pour les autres espèces, fait disparaître nombre d’entre elles, a favorisé à l’inverse l’expansion de bien d’autres, modifié la composition de l’atmosphère, inventé et introduit dans les circuits écologiques de nombreuses molécules biocides, encombré de ses déchets tous les milieux. Et elle s’est envahie elle-même, faisant régresser la diversité de ses populations locales, de ses langues, de ses cultures1. La Terre a connu bien des « crises » au cours de son histoire, mais jamais n’avait eu lieu un bouleversement si total, si rapide, provoqué par une seule espèce, au point que certains n’ont pas hésité à considérer qu’il s’agit d’une nouvelle période géologique, l’Anthropocène. Tandis que le nombre des humains s’accroît toujours, la recherche de richesses nouvelles et la course aux profits que captent des minorités se traduisent par un accroissement des inégalités, par une détérioration de plus en plus intense et étendue des systèmes écologiques. La planète est en passe de devenir de moins en moins vivable pour toujours plus d’espèces dites sauvages et pour des humains toujours plus nombreux. Migrations forcées, conflits, diminution de la diversité du monde vivant, en sont les conséquences déjà visibles : violence entre humains et violence envers les 1 C'est ce constat qui a conduit les Nations Unies, en 2007, à proclamer les droits intrinsèques des peuples victimes des multiples préjudices dus en particulier à la colonisation, peuples dits « autochtones ». autres vivants sont indissociables. L’évolution, désormais fortement contrainte par les interactions des humains avec les autres composantes de la biosphère, engage celle-ci sur une trajectoire inquiétante, et l’humanité est tiraillée entre les discours de ceux qui annoncent la fin du monde et de ceux qui se satisfont de la poursuite de leurs affaires. Anticipée dès le XIXe siècle notamment par l’Américain George Perkins Marsh, qui prédisait en 1864 l’appauvrissement des ressources, la dégradation des terres et les excès du climat, une crise globale met aujourd’hui l’humanité tout entière face à ses responsabilités. Le temps ne peut plus être à l’ambiguïté, aux médiocres compromis, aux transitions molles. Les succès des politiques de conservation de la nature sont insuffisants, la communauté internationale en fait rituellement le constat d’une décennie à l’autre. La Terre est bouleversée : cela ne résulte-t-il pas d’une crise de la gouvernance, aussi bien locale que globale ? Et cette crise de la gouvernance, ne s’enracine-t-elle pas dans une crise des valeurs, une crise éthique ? Il y a urgence. *** Née en 1948 avec l’appui de l’UNESCO, au lendemain d’un effroyable conflit mondial, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature était porteuse d’un message de paix. Ce fut une étape majeure dans l’histoire déjà longue de la protection de la nature. Organisation internationale rassemblant des États, des organismes publics, des associations internationales, nationales et locales, organisation s’appuyant en permanence sur des milliers d’experts scientifiques, l’UICN a plus que jamais, en cet angoissant début du XXIe siècle, une immense responsabilité morale. Forte de son histoire, de son expertise en matière d’éthique, de science, de travaux juridiques, elle doit offrir à la uploads/Philosophie/ manifeste-ethique-comite-francais-uicn.pdf
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- Publié le Jui 04, 2022
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