Lévy-Bruhl sociologue Author(s): Marcel Mauss Source: Revue Philosophique de la

Lévy-Bruhl sociologue Author(s): Marcel Mauss Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger , MAI-JUIN 1939, T. 127, No. 5/6 (MAI-JUIN 1939), pp. 251-253 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41084492 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Philosophique de la France et de l'Étranger This content downloaded from 205.208.116.24 on Sun, 13 Dec 2020 04:16:41 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Lévy-Bruhl sociologue Voici près de quarante-quatre ans que j'appris à connaître Lucien Lévy-Bruhl. Il était encore professeur de philosophie au lycée Louis-le-Grand. Mais, déjà, son influence sur les « cagneux » était très grande, et ceux qui avaient été ainsi ses élèves en ont toujours gardé le souvenir. Scrupule de tout savoir pour tout enseigner, souci d'une extrême clarté, d'une élégance non artificielle, tels étaient les traits de cet enseignement, qu'il reprit lorsqu'il fut nommé maître de conférences à l'École Normale. Il inspira aux uns le goût de la netteté et des idées générales - ainsi à mon regretté Henri Hubert - aux autres, aux futurs philosophes, le goût des faits bien connus. Son cours sur Auguste Comte, que suivit Simiand {1897), et qui devint son livre fameux (1900), fit sur lui une impres- sion qui ne s'effaça jamais. C'est alors qu'il m'accueillit dans le calme de ce foyer de la rue Montalivet, dont sa femme et lui surent toujours garder le caractère. Il était déjà, depuis longtemps, épris de questions de morale en même temps que de politique et de philosophie. Mais il restait un classique. Sa thèse, Vidée de responsabilité, est encore dialec- tique (1885). De son enseignement à l'École des Sciences politiques étaient sorties ses œuvres - également claires - mais fidèles aux bonnes méthodes, de l'histoire des idées politiques en Allemagne (1890- 1894) : La Philosophie de Jacobi, L'Allemagne depuis Leibniz. Il n'abandonna cet enseignement que pour faire avec élégance place k l'illustre historien si regretté que fut Élie Halévy. C'est eh 1903 qu'apparaît le sociologue. Il l'était devenu par effort personnel, indépendant. Mais cette tendance avait été excitée par l'exemple de Durkheim, devenu son ami (à partir de 1892), et par celui des disciples qui s'étaient agrégés à celui-ci de 1895 à 1900, et dont quelques-uns, Fauconnet, Hubert, Simiand, moi- même, devinrent alors ou étaient restés ses bons amis. This content downloaded from 205.208.116.24 on Sun, 13 Dec 2020 04:16:41 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 252 REVUE PHILOSOPHIQUE De son premier livre, La Morale et la Science notre ami M. Bayet vient de parler. Il y marqu à lui, vis-à-vis de Durkheim, comme il a toujou Puis il chercha une voie où il pût satisfaire à l philosophe, et son besoin de science et de faits. très sûre. Gomme philosophe, il ne voulait pas de la connaissance et de ses formes. Il est resté toute sa vie « menta- liste », étudiant la mentalité humaine, apportant sa pierre à l'édifice de la Critique de la Connaissance, sans vouloir entrer dans les consi- dérations de morphologie et de physiologie sociales. Mais, d'un autre côté, il procéda comme un sociologue consciencieux à des études exclusives de faits rigoureusement sociaux, des coutumes, des mythes, des langages, des formes, des symboles, des rites, reconnus et pratiqués par des groupes et non pas par des individus - décrivant arbitrairement leur pensée ; pensée dont l'auteur extrait ensuite arbitrairement ce qu'il veut pour justifier un sys- tème. Ses préoccupations sont descriptives encore plus que démons- tratives. Il n'est plus à la fin philosophe que de tendance. Ce caractère des livres successifs qu'il a consacrés à la mentalité primitive est allé toujours s'accentuant. Il reste avant tout sur le terrain d'une description générale de cette mentalité, mais multi- pliant les faits qui lui servent, les terrains d' « approche » du même problème : l'hétérogénéité de la mentalité primitive et de la nôtre. De cette série, son premier livre : Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910), eut un grand et populaire succès. La guerre de 1914 ralentit son travail, mais, en 1922, La Mentalité primitive venait enrichir les thèmes principaux de la description, et de quelques principes clairement exprimés. Lucien Lévy-Bruhl est pour tout le monde celui qui a parlé de « prélogique », de « mystique » de cette « mentalité », qui a parlé de « participations », de « consub- stantiation », de « contradictoires », d' « expérience mystique ». Coup sur coup, ce sont ses livres plus spéciaux mais toujours à tendance générale presque exclusive : de 1922 à 1938 : Le surnaturel et le naturel dans la mentalité primitive, où il s'agit de montrer par faits comment l'un et l'autre se mêlent indissolublement dans une même attitude de l'esprit, si contradictoire quelle paraisse. Uâme primitive, dont il faut expliquer comment elle peut être corporelle- ment et matériellement sentie et figurée - en même temps que This content downloaded from 205.208.116.24 on Sun, 13 Dec 2020 04:16:41 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms L. LÉVY-BRUHL SOCIOLOGUE 253 double, étrangère, extérieure au corps, et spécifiqu dante et dépendante à la fois dans la vie et dans la mo gie primitive, L'expérience mystique et les symboles illu les mêmes thèses, mais de nouveaux faits. La notion s'efface un peu, celle d' « expérience mystique » s coup, devient le thème fondamental. Lucien Lévy les notes - déjà bien explicites - un brouillon un ultime chapitre), d'un dernier livre sur L 'expér que l'on pourra publier, dans l'état où il est, et d (onzième) chapitre (sur douze) est daté du 2 février Cette clarté imperturbable, cette constance dans l'a gardée jusqu'à la fin. Mais - je ne sais si j'ai raison - ce qui me touch cette œuvre si grande, commencée seulement en 190 aussi constamment tendu vers les faits. A l'exem anthropologues anglais, il a voulu enrichir ses lecte de renseignements utiles. Il les choisissait de façon to renouvelée constamment. Il les exposait de façon ingénieuse, les résumait si bien, traduisait les texte précision, que même si ses théories devenaient pour moins en vogue, leur répertoire resterait toujours ut d'autre part ses ouvrages de tant de remarques rapprochements sûrs, d'interprétations indispensable toujours pleins d'enseignement. Dans l'activité de Lucien Lévy-Bruhl, il serait pas tenir compte du zèle qu'il mit à propager à l'étr - et les nôtres. Il les professa en Amérique du Nord Japon, presque dans tous les pays d'Europe. Il se on ne voulait pas 1' « utiliser », comme il disait. Il a contribué efficacement à la fondation de l'Institut d'Eth- nologie de l'Université de Paris. Il n'a laissé aucun des jeunes savants sans soutien. Cette aide matérielle et morale à nos sciences valait aussi d'être notée. Marcel Mauss. 1 7 This content downloaded from 205.208.116.24 on Sun, 13 Dec 2020 04:16:41 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms uploads/Philosophie/ mauss-on-levy-bruhl.pdf

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