Nokoko Institute of African Studies Carleton University (Ottawa, Canada) 2017 (
Nokoko Institute of African Studies Carleton University (Ottawa, Canada) 2017 (6) La methode philosophique de Hebga Jean Bertrand Amougou L’œuvre philosophique de Pierre Meinrad Hebga examine un en- semble de problématiques apparemment inhabituelles dans le plé- rôme des problèmes posés et réflexivement pris en charge dans les itinérances et les polarités de la philosophie notamment africaine moderne. Certes, dans la mesure où la figure de Hebga vérifie une formation polymathique, l’on devrait s’interdire de se méprendre relativement au pré réquisits et autres implications découlant du moule formatif qui préside directement ou indirectement à l’élaboration et au traitement que qu’il réserve aux problématiques spéciales qu’il décide de poser comme l’épine dorsale de son œuvre de pensée. Toutefois, s’il est plus intéressant et plus fécond d’interroger la démarche d’ensemble ou la méthode qui sous-tend les recherches hebgaennes, il est également intéressant de décliner d’abord des faisceaux biographiques susceptibles de contribuer à une meilleure compréhension de l’œuvre de ce penseur, même si selon Pierre Tritignon : « la vie d’un philosophe n’a pas grand intérêt ; mieux vaut lire et méditer ses œuvres ». Précisons donc ce point : Pierre Meinrad Hebga est né le 31 Mars 1928 à Edéa (Région du Littoral—Cameroun), d’une famille très chrétienne. Au terme de ses études primaires et secondaires, il 108 Nokoko 6 2017 entre au grand Séminaire de Yaoundé en 1946 où il suit des cours de Scholastique jusqu’en 1948. De 1948 à 1952, il suit des cours de théologie à l’Université Grégorienne, à Rome et obtient une Maîtrise en Théologie. De 1959 à 1964, il suit parallèlement des cours de Philosophie, de Psychologie à la Sorbonne, Paris IV et de Sciences Sociales à l’Université Catholique de Paris. De 1987 à 1968, en même temps qu’il retourne à la Sorbonne, il est admis à l’Hôpital Sainte Anne pour suivre un stage en psychopathologie. En 1968, il obtient le grade de docteur 3ème Cycle en Philosophie à Rennes. En 1969, il est admis à l’Institut des Sciences et Techniques de Paris, où il suit des cours de Philosophie des Sciences et entraînement à l’Analyse mathématique. En 1973, il suit les cours de Linguistique Bantu à Duquesne University de Pitttsburg aux Etats- Unis et obtient le Certificat de Linguistique Bantu. Enfin, en 1986, il obtient le grade de docteur en Philosophie à la Sorbonne. Sa Thèse porte sur La ra- tionalité d’un discours africain sur les phénomènes paranormaux. Après avoir occupé plusieurs postes de responsabilité, (Vicaire de Paroisses, Supérieur de la Région SJ du Cameroun, Recteur du Collège Liber- mann de Douala), il est tour à tour , Professeur à l’Institut Catho- lique d’Abidjan(1971-1985), à John Caroll University de Cleveland, aux Etats-Unis, à Loyola University de Chicago, à Western College jumelé avec Harvard Divity School, à l’Université Grégorienne de Rome, puis à l’Université Yaoundé(1985- 1993) et à l’Université Ca- tholique d’Afrique Centrale.(1997-2004). Il faut souligner sans am- bages que Pïerre Meinrad Hebga était également un grand exorciste mondialement reconnu, un humanitaire aux cotés des malades et des plus démunis. Aussi laissa-t-il d’importantes œuvres spirituelles et sociales pour la postérité dont l’Association EPHATA en voie de devenir une Congrégation, un orphelinat à Douala et deux Centres spirituels : à Mangèn et à Nkolbisson –Yaoundé. Soucieux de regarder de plus près de quoi il s’agit sous le con- cept central de « méthode » et précisément chez Hebga, il convient de la subsumer par l’ordre des raisons qui permet ainsi par la voie La methode philosophique de Hebga / Jean Bertrand Amougou 109 analytique, de remonter jusqu’aux principes voire aux causes d’une part, ou de déduire les conséquences si d’autre part, l’on opte pour la démarche synthétique. Il y a donc méthode à partir du moment où on met en avant des matrices directionnelles et relationnelles de l’intelligibilité et des successions cohérentes en souscrivant absolu- ment à la rigueur logique qui exige de mettre l’accent aussi bien sur la signification que sur la nécessité. Bien entendu, pour y parvenir, il est indispensable de s’assurer de l’appropriation des procédés y afférents : l’analyse sous tendue par le souci de définition(s), le raisonnement ordonnancé par l’explication ou mise en évidence de la classification, de la compa- raison, de la distinction et finalement de la cause et de la synthèse. En effet, au regard des textes publiés par Hebga et notamment ses œuvres majeures (La rationalité d’un discours africain sur les phé- nomènes paranormaux ; Emancipation d’églises sous tutelle. Essai sur l’ère postcoloniale ; Sorcellerie : chimère dangereuse ; Afrique de la raison, Afrique de la Foi, etc, peut-on parler de méthode(s) philosophique(s) propre(s) chez ce penseur ? Si oui, quelle en sont la nomenclature et la spécificité ? Evidemment au rebours de ces axes interrogatifs, l’on ne saurait faire l’impasse d’une interrogation décisive relativement à la pertinence philosophique/scientifique de son option méthodolo- gique. I. Quête philosophique et problème de méthode(s) La philosophie est indissociable de l’idée de méthode ; car si la sagesse (objet de l’amour philosophique) est indispensablement recherchée comme socle et bassin métaphysique de l’ordre existant dans notre raison, dans le cosmos et horizon du sens même aussi bien de l’existence et de la coexistence que du sens de tout sens, cela suppose qu’elle est capitale c’est-à-dire essentielle (axiologie téléolo- gique) pour le plein accomplissement de la vie. 110 Nokoko 6 2017 Toutefois, son appropriation véritable obéit au principe mé- thode, puisque la vérité, la sagesse ne saurait être à la portée du pre- mier aventurier. Cependant la question majeure à se poser ici est : existe-il une ou des méthodes précises et exclusives pour l’heureuse orchestration de cette quête ? L’histoire de la philosophie se présente à juste titre comme étant le meilleur cadre de sériation et d’ordonnancement non seulement des doctrines ou systèmes de pensées, mais également des démarches heuristiques plurielles qui précisément se présentent comme autant de chemins, de voies d’approches possiblement différentes ou opposées, mais certaine- ment complémentaires surtout relativement à l’objectif commun et exclusif dont se nourrit l’esprit humain : la quête inlassable de la vérité. De toute évidence, la communauté philosophique s’accorde pour (re)dire que la philosophie se distingue de toutes les autres sciences par son pouvoir critique et instaurateur du fondement abso- lu ainsi que de l’horizon ultime. Cette compréhension et cette mise en œuvre de la philosophie est fort vérifiable depuis les grands prêtres savants de l’Egypte antique suivis par les présocratiques qui, les premiers, posent la question de l’essence des choses. Dans cette perspective, se manifeste clairement la récupération de la question sus explicitée, mais orientée dans le philosophème hebgaen en direc- tion du composé humain et non des choses, certes, avec un ton et une originalité tendanciellement contre l’histoire de la philosophie et surtout bien au-delà des certitudes hâtives et autres préjugés éla- borés et promus par ladite histoire notamment au sujet du composé humain. Dès lors, si l’histoire de la philosophie se présente non pas comme un long fleuve, mais plutôt comme l’entrelacement de plu- sieurs fleuves et rivières ressemblant à des cordes ondulatoires, alors l’on peut être tenté de penser soit qu’il n’existe pas une méthode philosophique en tant que telle, soit que la méthode philosophique postulée est diffracte en méthodes plurales, dichotomiques voire La methode philosophique de Hebga / Jean Bertrand Amougou 111 opposées. D’où l’affirmation non pas d’une seule méthode mais plu- tôt d’une pluralité de méthodes en philosophie (Wittgenstein,1982 : $.133). Nous avons déjà esquissé l’idée, sur l’aspect définitionnel de la méthode philosophique, que la pluralité des approches pouvait être la source de l’innovation conceptuelle, théorique et praxéolo- gique. Cela nous semble très indéniable. En effet, du point de vue de son intrication avec la science classique (la scolastique) et mo- derne(le rationalisme) du moins à partir de R. Descartes et F. Bacon, suivi des Lumières(le logico- positivisme et instrumentalisme du logos saisi uniquement comme ratio), le problème de méthode(s) en philosophie est, si nous pouvons synthétiser ainsi, écartelé entre les tendances intuitionnistes, spiritualistes, esthético-artistiques, hermé- neutiques et celles dites hypothético-déductives, empruntées aux sciences mathématiques surtout depuis l’atrophie métaphysique proclamée par E. Kant, dans sa Critique de la raison pure. Néanmoins, au-delà de leurs spécificités respectives, l’on doit éviter de penser que ces diverses méthodes sont absolument oppo- sées ; car toutes relèvent du fonctionnement cérébral dans ses tenta- tives de corréler avec la mouvance permanente du Réel (humain et cosmique), même si ce fonctionnement est loin d’être assurément logique pour toutes. Et à ce titre, toutes ces méthodes méritent d’être reconnues dans le champ épistémique, qui en fait, nous apparaît surtout comme champ immanent où la chair de l’esprit s’extériorise, devient à la fois non seulement médium perceptif et médium ex- pressif, mais également à l’inverse, l’extériorité du monde «afflue» dans l’intériorité subjective (Ullmann, 2002 :236). Dans une telle perspective, le Réel (sa connaissance) objet de la philosophie, se phénoménalise comme un véritable labyrinthe. Dès lors, la notion de méthode se pose ici comme fil d’Ariane possiblement plurivoque ou multiplexe à l’intérieur de ce labyrinthe. Et F. Bacon (1920), par exemple souligne précisément à uploads/Philosophie/ nokoko-6-09-la-methode-philosophique-de-hebga.pdf
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- Publié le Jui 15, 2022
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