OSCAR BRENIFIER VIKTORIA CHERNENKO Philosopher avec Zhuangzi Zhuangzi était un

OSCAR BRENIFIER VIKTORIA CHERNENKO Philosopher avec Zhuangzi Zhuangzi était un philosophe chinois influent qui a vécu vers le 4e siècle avant Jésus-Christ. On lui attribue l'écriture - au moins en partie - d'un opus qui porte son nom, le Zhuangzi, et qui est l'un des textes fondateurs du taoïsme. Il se compose de nombreuses petites histoires étranges, écrites dans le but de susciter la réflexion du lecteur. Sa fonction première est de nous faire réfléchir aux aspects illusoires et même ridicules de notre vie, en critiquant bien des préoccupations, obligations sociales et morales, qui sont la cause de notre misère psychologique et cognitive. Notre travail consiste en une sélection d'histoires, assorties pour chacune d'une analyse philosophique articulée autour des concepts clés de chaque histoire, et également d’un aperçu de la culture chinoise. Une série de questions est proposée, afin que le lecteur puisse méditer sur le contenu du texte. Oscar Brenifier Oscar est le président de l'Institut de Pratiques Philosophiques à Paris. Il a un doctorat en philosophie. Il promeut la pratique philosophique depuis de nombreuses années dans plus de 50 pays. Il a écrit plus de 30 livres pour enfants et adultes. Ses spécialités sont : la consultation philosophique, la philosophie pour les enfants et la philosophie dans le business. Il a publié de nombreux livres dans ce domaine, y compris la collection "PhiloZenfants" (éditions Nathan), qui ont été publiés dans plus de trente langues. Il a cofondé l' "Institut de pratiques philosophiques" dont il est le président. Il est également l'un des auteurs du rapport de L'Unesco "philosophie, une école de liberté ". http://www.pratiques-philosophiques.fr Viktoria Chernenko Viktoria est la créatrice de la compagnie ITD (Institute of Thinking & Dialogue) et du projet Pocket Philosopher. Elle écrit un doctorat en philosophie, et possède une maitrise de psychologie. Elle promeut la pratique philosophique depuis 10 ans dans 30 pays, à travers des ateliers philosophiques et des consultations individuelles. Ses spécialités sont la consultation philosophique, la philosophie dans le business et l'art de l'évaluation. https://www.facebook.com/viktoria.chernenko.7 ii À PROPOS DES AUTEURS Introduction Impassible comme un coq en bois La grenouille et la tortue Les singes Le Charron Shu, le difforme Chaos Ombre et Pénombre Tableau des concepts Sommaire Illustrations: Sandrine Thevenet et Christophe Bertin Mise en page: Larisa Kurygina Nous remercions pour la traduction de Zhuangzi: Amanda Garcia, Chloé Minjon, Audrey Gers, Isabelle Millon, Marie Hourdin, Leila Millon. 3 Il est fort probable que Zhuangzi ait réellement existé mais nous en savons peu à son sujet. Il semblerait qu’il ait vécu au IVe siècle av. J.-C. et peut être considéré comme le penseur chinois le plus innovant comparé à ses prédécesseurs. Son style particulier et le contenu surprenant de ses textes lui confèrent une place particulière dans la littérature classique. Il occupe une fonction et un statut très particuliers dans sa culture d'origine. Pour l'un, il est un incontournable, un auteur essentiel dans la tradition littéraire et philosophique chinoise. Pourtant la plupart de ses compatriotes modernes ne le lisent pas ou ne l’ont lu qu’à l’école et n’ont donc pas la moindre idée de ce qu’il représente, si ce n’est une idée vague, réductionniste ou déformée. Le « Zhuangzi » est composé de nombreuses petites histoires surprenantes écrites dans le but de faire réfléchir le lecteur. La plupart des Chinois ne peuvent même pas s’en remémorer une, bien que certaines leur semblent familières quand elles leur sont répétées, comme celle du papillon ou des poissons de l'étang, par exemple. De plus, les idées de Zhuangzi, sa façon de penser, son côté critique et provocateur ne correspondent pas au schéma mental, aux mœurs intellectuelles ou à la routine de la plupart des chinois. Ici, il faut comprendre que la bataille d'idées la plus importante de l'histoire de la philosophie chinoise se situe dans l'opposition entre la pensée confucéenne et la pensée taoïste, dont Zhuangzi et Laozi sont les principaux représentants. Nous mettrons de côté la philosophie bouddhiste, qui certes joue également un rôle important, mais n’est pas d’origine chinoise même si ceux-ci ont laissé leur empreinte sur cette importation indienne. De même, nous n'entrerons pas dans un débat savant sur l'unité ou non de la pensée taoïste, le point essentiel étant que dans l'unité de la matrice philosophique chinoise elle représente une fracture fondamentale chargée de nombreuses implications idéologiques. iv Introduction Lorsque nous examinons le chemin commun qui guide les actions et les pensées des citoyens chinois contemporains, force est de constater que le confucianisme est plutôt hégémonique, consciemment ou inconsciemment. Nous pourrions faire une analogie en Occident, où dans l'opposition originelle représentée par Socrate et Platon d'un côté, Aristote de l'autre, ce dernier aurait gagné la bataille historique des idées, puisque notre vision du monde commune est plus encline à une réalité matérielle plutôt qu’à une réalité des idées. La relation est assez similaire dans l’opposition confucianiste / taoïste, même si nous la caractériserions comme une opposition entre des vues humanistes et idéalistes. Prenons quelques exemples. Premièrement, la relation avec le Dao est le concept commun le plus fondamental dans la philosophie chinoise, tout comme « Être » et « Dieu » seraient deux concepts communs fondamentaux ou fondateurs dans la culture occidentale. Pour les penseurs taoïstes, le Dao n’est pas un « nom » pour une « chose » mais l’ordre naturel sous-jacent de l’Univers, dont l’ultime essence est difficile à circonscrire car elle est non conceptuelle bien qu’évidente dans l’être, dans la vie. Il est « éternellement sans nom » et doit être distingué des innombrables choses « nommées » qui sont considérées comme ses manifestations. C'est la réalité de la vie, au-delà de tout exemple concret que nous pourrions prendre. Mais pour les confucéens, le terme Dao désigne plutôt la « Vérité », ou la « Voie », car il définit une approche particulière de la vie, de la politique et de la tradition. C'est un Dao « humaniste », considéré comme nécessaire par rapport à notre moralité et à notre humanité. Confucius parle rarement du « T'ien Dao » (Voie du Ciel). Hsiin Tzu, un des premiers philosophes influant Confucéen, a explicitement noté ce contraste. Bien qu'il reconnaissait l'existence et l'importance cosmique de la Voie du Ciel, il insista sur le fait que le Dao concernait principalement les affaires humaines. Le deuxième exemple découle du premier : il porte sur les critères permettant de déterminer et de juger nos actions. Pour les confucéens, les rituels sont fondamentaux : les coutumes et les traditions doivent être respectées. Ils représentent l'ordre crucial de la société, un facteur important d'harmonie en son sein, régulant nos instincts modestes et individualistes, règle qui a bien sûr des connotations morales. Dans ce cadre, la hiérarchie est cruciale, car elle détermine la place de chaque individu dans la structure de cette harmonie. Pour les taoïstes, ces rituels sont, au mieux superficiels, au pire une illusion ou une hypocrisie car le seul principe auquel il faut se référer et obéir est le Dao, le principe cosmique. Cela laisse évidemment beaucoup de place à l'individualité et représente une critique sévère de la société, de ses règles et de ses obligations. C'est l'une des raisons pour lesquelles les taoïstes sont souvent perçus comme des rebelles, des anarchistes ou des antisociaux. Même les règles morales sont critiquées, accusées de représenter un niveau inférieur d'éthique. Dans le schéma taoïste le principe ultime est le v Dao. Inférieur au Dao, il y a le De (pouvoir) puis la bienveillance en ordre décroissant, et viennent ensuite la morale et enfin les rituels. En confirmant la tendance confucéenne de la société chinoise, on remarquera que lorsqu'un chinois contemporain connaît un récit de Zhuangzi et en explique sa compréhension, celle-ci est souvent déformée et empreinte d’un sens moraliste, interprétation qui est loin de la préoccupation initiale de l’auteur. Le cas du De (que nous traiterons plus loin dans notre travail) qui est souvent traduit comme une vertu au sens de la morale humaine, est un bon exemple pour illustrer cela : à l'origine, il signifie « vertu » dans un sens ontologique, comme on parlerait de la « vertu » d'un médicament, en faisant référence aux effets utiles qu'il peut avoir, son efficacité ou son pouvoir. Bien sûr, les deux traditions partagent parfois des idées similaires sur l'homme, la société, le souverain, le ciel et l'univers ; idées qui n'ont pas été créées par l'une ou l'autre école mais qui découlent d'une tradition antérieure à Confucius ou à Laozi. Ce dernier est généralement considéré comme le fondateur du taoïsme philosophique, qu'il convient de distinguer du taoïsme religieux, une invention plus tardive. Mais le confucianisme a limité son domaine d'intérêt à la création d'un système moral et politique qui a façonné la société et l'Empire chinois, tandis que le taoïsme, dans la même vision du monde, s’attachait davantage aux préoccupations personnelles et métaphysiques. Toutefois dans ce cadre Zhuangzi conserve une perspective et un style singuliers, critiques et même sarcastiques, et peut être comparé aux cyniques grecs, comme Diogène surnommé le « Socrate devenu fou ». uploads/Philosophie/ philosopher-avec-zhuangzi.pdf

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