TOKYO | Capitale Post-Moderne Tôkyô | Sweets Paradise « Nulle par ailleurs les

TOKYO | Capitale Post-Moderne Tôkyô | Sweets Paradise « Nulle par ailleurs les valeurs foncières n’ont atteint de tels sommets : à Tokyo en 1990, le prix du mètre carré de terrain à usage de bureaux caracolait à 360.000 francs dans les 23 arrondissements de Tôkyô, après avoir triplé en cinq ans. Un niveau tel que, selon ses propres estimations officielles, le Japon pouvait théoriquement s'acheter le territoire des États-Unis en vendant celui de Tôkyô, ou bien s'offrir le Canada avec les seuls terrains du palais Impérial. » Natacha Aveline, La bulle foncière au Japon T okyo, l'une des trois grandes métropoles mondiales de la T riade aux côtés de New York et de Londres, symbolisa les excès frénétiques du grand capital [zaïkaï] post-industriel et financier. Durant plus deux décennies, en tant que deuxième puissance économique mondiale – la Chine aujourd'hui occupe cette place -, T okyo aura été considérée comme La capitale du capitalisme libéral-libertaire alors triomphant, supplantant même New York ; et la japonolâtrie déferla, tel un tsunami intellectuel dans la pensée européenne : le[s] chaos urbain et architectural de T okyo, sublimant la déréglementation des Walfare states, seront érigé comme modèle de mégapole possible ou souhaitable, celle du 21e siècle, plébiscitée par une pléiade d'architectes ayant adapté l'ultra-libéralisme nippon à la ville [privatisation parc social, flexibilité des plans d'urbanisme, partenariat public-privé, urbanisme de la déréglementation et de la dérogation, architecture verticale, marketing urbain et concurrence entre les villes, via la sous-traitance des concours internationaux, star-architecture, etc.]. LES CHAOS de TOKYO | 東京 « La théorie du chaos est pour les mathématiciens une théorie comme une autre, née au 20e siècle. Cependant, il est à craindre que l’intérêt suscité par la théorie du chaos ne soit en partie dû à son nom, et que d’aucuns ne viennent y chercher une théorie du bordel ambiant, ce qui évidemment les exposera à de graves déconvenues, et n’aidera pas au progrès de la science. » Ivar Ekeland, professeur de mathématiques à l’Université de Paris- Dauphine. Nota Bene : malencontreusement, un courant de l'architecture a été nommé par convention « l'architecture post-moderne » ; nous la refusons et notre propre appellation concerne l'ensemble des courants de l'architecte de la période dite post-moderne. Le chaos urbain et architectural théorisé n'est pas une invention de la post-modernité : le chaos agite à chaque époque autant les théories des architectes que les œuvres du monde intellectuel, des Arts et de la Culture. Au siècle des Lumières, les gravures de Piranese, symbolisent le chaos d'un ordre en « décomposition », un « tumulte dans l'ensemble » ; un siècle plus tard, un courant du Romantisme en France, préféra le dédale des ruelles médiévales aux avenues rectilignes de Haussmann ; puis, l'on opposa aux théories rationnelles des architectes « modernes » de l'entre-deux guerre, le charme, le pittoresque, l'hétérogénéité des vieux quartiers. Peu après la seconde-guerre mondiale, les architectes-sociologues s'intéressèrent au chaos des bidonvilles, dans une approche sociale, estimant que l'insalubrité informelle du chaos de ces zones pauvres, était bien plus salubre pour la santé morale que dans les nouveaux quartiers géométriques d'habitat social ; par la suite, les militants de la Nouvelle Gauche aux abords de 68, s'enthousiasmèrent pour ces zones informelles d'habitat auto-construit, autonome, autogéré ; ici, le chaos social apparût – aussi - comme un espace politique, et l'on évoqua entre autres, l'anarchie ou la disparition de l'Etat. Pour les théoriciens de la post-modernité, le chaos urbain et architectural de T okyo, ne sera ni social, ni politique, mais placé sous le signe d'un renouveau économique, le capitalisme libéral- libertaire ; mais aussi des nouvelles recherches scientifiques concernant la théorie du chaos, et d'une philosophie quasi-obscure, [dé] construite par le penseur français Jacques Derrida, inventeur du Déconstructivisme que l'on appliqua à l'architecture ; abstraction de l'esprit post-moderne qui s'opposa vigoureusement à la régularité géométrique de l'architecture moderne, assumant pleinement la rupture avec l'histoire, la société, le site, les traditions techniques et figuratives. L'architecture déconstructive, inflige - encore - aux usagers, des formes chaotiques recherchant l'instabilité, la complexité, la diversité, et le spectaculaire. Ainsi les propos de Ivar Ekelant pourraient s'adresser en particulier aux architectes « post-modernes » convaincus des bienfaits du chaos : chacun puisa dans les théories scientifiques des éléments – les fractales de Mandelbrot par exemple – pour tenter de les retranscrire dans leurs discours, le plus souvent sur le mode de la métaphore ou de la philosophie ou de la poésie. Au contraire du chaos architectural, en partie théorisé sous l'égide de Derrida, le chaos urbain n'a jamais été théorisé de manière convaincante, et demeure une notion floue pouvant être appliquée aussi bien à une mégapole de plusieurs millions d'habitants, qu'à un quartier de ville ; qu'il soit médiéval, post-moderne, périphérique ou bidonvillien. Parmi les définitions les plus convaincantes, la notion de chaos appliquée à l'urbanisme – au sens le plus large du terme – désigne davantage undésordre apparent qui s'applique surtout à des phénomènes pris dans la longue durée et qui peut être le résultat, souvent combiné :  soit d'une multiplicité d'actions en cours, où il est difficile de déceler les ordres affrontés, qui se composent et s'opposent [État, administrations, pouvoir municipal, intérêts privés, promoteur / habitants / usagers, concepteurs, etc.] ;  soit d'un passage difficile à décrire et apparemment inorganisé, comme transition entre deux systèmes [modernisme / post-modernisme]. L'exception du chaos urbain de T okyo est aussi défini par d'autres caractéristiques, qui font son originalité :  il occupe la totalité d'une superficie incroyablement grande de 2200 km² pour la capitale seule, [7800 km² pour l'agglomération du Grand T okyo] ;  il occupe les trois dimensions de l'espace X Y Z : autant urbain qu'architectural : pas de damier urbain « ordonnateur » comme à New York ou Buenos Aires + le chaos architectural de la 3e dimension verticale ;  il ne découle d'aucune théorie d'urbanisme ou de doctrine d'architecture, au contraire des villes en damier [plan Cerda de Barcelone, New York, etc.], des gardens cities anglaises, des villes parc nord-américaines [Washington], des quartiers d'affaires [Manhattan, City de Londres], de l'haussmanisme réglementaire, des villes socialistes soviétiques ou chinoises, de ville-Etat [Monaco, Hong Kong] : mais il s'en inspire et en est la résultante. La première caractéristique, son étendue vertigineuse, son immensité est le plus souvent évoquée pour refuser de définir, et expliquer son chaos : il faut, depuis le centre de la capitale, parcourir en moyenne 80 kilomètres [parfois beaucoup plus selon la direction] pour s'extirper du monde urbain. Le trajet de l'aéroport Narita au centre de T okyo dure en autocar [à une vitesse moyenne de 90 km/h sans embouteillages], une heure et trente minutes : les premières traces urbaines apparaissent dès le premier quart d'heure, pour s’enchaîner en crescendo chaotique, jusqu'à la destination finale. Imaginez-vous Grand Paris n'ayant pas rencontré Haussmann, où les chaos médiéval et industriel se seraient étendu à toute l'agglomération, survolés cependant par un réseau aérien de viaducs d'autoroutes et de lignes TGV, des quartiers autonomes dont les centres seraient bariolés de néons publicitaires et d'écrans géants. Charlotte Pierrand, collaboratrice de Le Corbusier jugeait lors d'un voyage : « Tokyo 1956 : des immeubles modernes, fortins de béton et de glace, abritant des complexes impensables, superposant gare de chemin de fer, station de métro, grands magasins, restaurants, théâtres. A leurs pieds, une ville de 8 millions d'habitants construite de bois et de papier […] Je crois revenir dans un Paris sorti directement du moyen-âge, qui aurait conservé toutes les anciennes habitudes, et s'est embelli de constructions modernes. Imaginez ce qui peut en sortir. » QUELS PROCESSUS ? Quelles sont les conditions et les processus de formation du chaos urbain et du désordre architectural de T okyo ? Pourquoi cet inextricable désordre ? Les travaux de recherches des géographes et des théoriciens de l'urbanisme, s'y étant préoccupé, peuvent se catégoriser en grandes thématiques : la géographie de l'île, les catastrophes naturelles, l'industrialisation, la politique régissant les domaines de l'urbanisme, au sens large du terme, et les discours philosophiques et poétiques, présentant la spatialité nippone comme un élément original de la culture du pays. Pour les géographes, l'essor des villes du Japon tient au fait que les quatre plus grandes îles de l'archipel du Japon sont constituées à 70 % de montagnes, favorisant ainsi le regroupement dans de grandes villes. De ce manque d'espace, dont on réserve la plus grande partie pour l'agriculture destinée à nourrir une population importante, de là naquit une nouvelle armature urbaine, caractérisée par une forte polarisation démographique dans un petit nombre de villes, qui allaient devenir à l’époque suivante les chefs-lieux préfectoraux. Le Japon connût ainsi les premières mégapoles de plus d'un million d'habitants dès le 18e siècle ; le chaos urbain y serait né. Des explications qui sont contestées pour l'époque moderne : les progrès de l'ingénierie ont permis de bâtir sur les pentes les plus fortes, ou bien de gagner des terrains sur la mer. Les historiens de l'urbanisme et de l'architecture expliquent la morphogenèse uploads/Philosophie/ tokyo.pdf

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