la psychiatrie coloniale au service des théories raciales article de la rubriqu

la psychiatrie coloniale au service des théories raciales article de la rubrique les deux rives de la Méditerranée > les « populations » de l’Algérie coloniale date de publication : mercredi 11 mai 2011 Médecin-chef du Centre neurologique de la 197e Région militaire à partir de 1916 et professeur agrégé de neuropsychiatrie à la faculté de médecine, Antoine Porot est le fondateur de l’école psychiatrique d’Alger. Pendant un demi-siècle, les psychiatres de l’école d’Alger ont défendu la théorie du "primitivisme", plaçant "l’indigène nord-africain" à mi-chemin entre l’homme primitif et l’occidental évolué. Leur thèse était que l’indigène, étant privé de lobe préfrontal, est dépourvu de morale, d’intelligence abstraite et de personnalité. Nous reprenons ci-dessous un texte d’Antoine Porot publié en 1918 dans les Annales Médico-Psychologiques où ce qu’il présente comme une série d’observations cliniques permet de reconstituer le regard du psychiatre colonisateur sur son patient colonisé [1]. On ne manquera pas de rapprocher ce texte de la découverte récente dans un musée parisien de restes mortuaires d’Algériens ayant résisté à la colonisation française. Voir en ligne : le regard colonial de l’École psychiatrique d’Alger Notes de psychiatrie musulmane, par le Dr Porot [Annales médico-psychologiques, 1918, n° 9] Jusqu’à la guerre actuelle, on n’avait vu dans les régiments de tirailleurs qu’une sélection d’engagés, amoureux de l’uniforme et de l’aventure, attirés par des avantages que contre-balançaient à peine des risques minimes. Le type légendaire de l’ancien « turco », brave et candide, farouche et bon enfant, s’est retrouvé à de nombreux exemplaires dans nos troupes d’Afrique. Mais l’importante contribution militaire demandée à l’Afrique du Nord, les levées de classes entières, par appel, nous ont mis en présence de la véritable masse indigène, bloc informe de primitifs profondément ignorants et crédules pour la plupart, très éloignés de notre neutralité et de nos réactions et que n’avaient jamais pénétré le moindre de nos soucis moraux, ni la plus élémentaire de nos préoccupations sociales, économiques et politiques. Aussi peut-on dire que jamais aventure ne fut plus extraordinaire pour un peuple, que cette guerre qui vint arracher à la vie archaïque de leurs douars ces « fellahs » paisibles pour les transporter brusquement devant l’appareil imposant de la vie militaire, les soumettre aux exigences d’une discipline rigide de tous les instants et les jeter dans une vie où les plus scientifiques et les plus infernales inventions se dressaient devant leurs yeux qui ne connaissaient que la calme sérénité des horizons infinis ou l’hypnose de la grande lumière [2]. D’un coup, nous avons pu mesurer toute la résistance morale de certaines âmes simples, la force puissante de certains instincts primitifs comme aussi la misère de certaines indigences mentales et les déviations imprimées par la crédulité et la suggestibilité. Fixer, même à grands traits, la psychologie de l’indigène musulman est malaisé, tant il y a de mobilité et de contradiction dans cette mentalité développée dans un plan si différent du nôtre et que régissent à la fois les instincts les plus rudimentaires et une sorte de métaphysique religieuse et fataliste qui pénètre tous les actes de la vie individuelle et de la vie collective. Retenons simplement quelques lignes de cette complexion psychologique. La vie affective est réduite au minimum et tourne dans le cercle restreint des instincts élémentaires, nécessaires à la vie et à sa conservation, satisfaits avec cet automatisme régulateur que la nature a su placer à la base même de leur accomplissement. Pas ou presque pas d’émotivité. C’est un des faits les plus frappants chez l’indigène. Quelle que soit l’origine du calme et de la sérénité foncières du musulman, il n’est jamais un anxieux. Sa passivité n’est pas le fait d’une résignation réfléchie ; elle est la manifestation spontanée d’un tempérament souvent atone ; il vit dans le présent et le passé, assez insouciant de l’avenir [3], et son esprit constitue l’opposition la plus flagrante en pays africain, avec celui de l’israélite toujours inquiet et préoccupé de l’avenir, essentiellement anxieux. Aussi le musulman, d’une façon générale, n’a-t-il pas été trop troublé par les émotions de la guerre. Hormis le cas où il s’alcoolise et fait de l’anxiété secondaire à des hallucinations toxiques, on ne trouve guère chez lui le syndrome émotif ou anxieux. Les états psychasthéniques sont exceptionnels, si l’on veut bien ne pas s’en laisser imposer par certains états de mutisme et de dépression apparente plus pithiatiques [*] que réels. Mais il n’est pas exempt pour cela de toute réaction psychopathique quand se trouvent assaillis trop brutalement certains de ses instincts ou quand les circonstances extérieures révèlent certaines de ses tares mentales. Quelque désolée et ingrate que soit parfois la terre qui les fait végéter, quelque misérable que soit souvent leur condition matérielle, les indigènes sont profondément attachés à leur sol [4]. Aussi le déclimatement et le dépaysement se sont-ils fait sentir durement pour beaucoup d’entre eux. La vie collective au régiment atténue pour la plupart ce sentiment du déracinement ; un bien-être matériel, que presque tous ignoraient chez eux, endort un peu leurs regrets. Mais la nostalgie reste fréquente, soit au moment de l’incorporation, soit après quelque temps de campagne, surtout dans la vie douillette de l’hôpital. Il faut faire la part de la débilité mentale assez répandue dans ces masses ignorantes qui ne trouvent dans la vie de leur « bled » aucune sollicitation à l’éveil intellectuel. Quelques-unes de ces débilités sont foncières et rédhibitoires, mais beaucoup ne sont que relatives ; l’éducation et la vie militaire auront grandement favorisé le développement de ces esprits primitifs ; mais il leur est arrivé souvent d’emprunter à notre civilisation autre chose que ses qualités et de prendre vite nos défauts ou nos vices. Ces réactions nostalgiques se font sous forme de syndromes de stupeur et d’inhibition assez divers, dont quelques-uns rappellent un peu la mélancolie, par l’inertie profonde, le refus d’alimentation, mais dont la plupart s’entremêlent de phénomènes pithiatiques fort singuliers. Ce fut en effet une des surprises psychologiques de cette guerre que de nous révéler chez ces hommes primitifs la fréquence et la facilité des accidents et des réactions pithiatiques. Les manifestations consécutives à l’incorporation sont fréquentes : crises hystériques violentes et brutales, surdi-mutités, astasies-abasies arrivent en grand nombre au Centre neurologique après l’appel de chaque classe. Appliquée aux traumatismes de guerres, cette disposition d’esprit a des conséquences incalculables et crée des légions d’exagérateurs et de persévérateurs. L’indigène musulman a une propension remarquable à la vie passive ; chez lui, comme on l’a dit, la personnalité statique étouffe la personnalité dynamique. Son esprit assez fruste et peu distrait s’applique de toute sa masse inerte au traumatisme initial et aux impotences fonctionnelles immédiates qui en sont la conséquence. Incapable de supputer les améliorations et les suppléances possibles, l’image de ce déficit total et brutal s’ancre vite dans son esprit ; une fois installée, elle y végète et s’y enracine profondément. Le temps n’est rien pour ces persévérateurs indéfinis et l’on comprend, en les voyant, toute la vérité et la force du proverbe arabe : « Ce qu’il y a de meilleur dans le temps, c’est qu’il dure. » Leur insouciance habituelle de l’avenir, leur absence bien connue de prévoyance, qui les stérilise au point de vue social dans la voie du progrès collectif, se manifeste ici individuellement pour les laisser dans une stagnation pathologique malheureuse. D’une façon générale, l’esprit de l’indigène est crédule et suggestible à l’extrême. Pétri de soumission et de docilité religieuse, il est, de plus, la victime de toutes les superstitions qui représentent les formes frustes de la religiosité chez les simples. Mais cette suggestibilité et cette crédulité ne s’exercent, en général, que dans un sens déterminé par les intérêts, les instincts ou les croyances essentielles ; la résistance intellectuelle se fait sous forme d’un entêtement tenace et insurmontable, bien différent de la psycho-plasticité mobile et polymorphe, parfois riche, du civilisé et de l’Européen. Aussi aboutit-elle à la production de formules grossières, véritable hystérie de sauvage, crises violentes et brutales, rythmies de la tête et du cou, persévération indéfinie d’attitudes caricaturales, faisant penser à la simulation, le tout entremêlé d’idées de possession (par les esprits, par les d’jenouns), sans véritable concept délirant. Le pithiatisme chez les indigènes complète sa ressemblance avec nos anciennes hystéries médiévales par le coefficient collectif fréquent et la tendance facile à la généralisation par contagion. Il faut souligner aussi, chez ce peuple, l’importance dans la vie journalière et courante, de la mimique, des gestes, des convenances [5]. Cette importance énorme des gestes et des idées de superstition et de protection dans la vie normale explique bien quelle prépondérance prennent dans leurs manifestations mentales pathologiques les troubles de la mimique ainsi que les idées, gestes ou attitudes de protection à base superstitieuse. Ces troubles de la mimique, l’étonnement et la gaucherie en milieu européen, l’ignorance de nos habitudes donnent facilement à de tels sujets un aspect « discordant ». Il n’en faut pas plus pour que des confrères non familiarisés avec leurs moeurs aient pu se méprendre sur la signification exacte de cet état psychique, de ces troubles mimiques et uploads/Philosophie/ primitivisme-arabe.pdf

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