1 PUREN 2002a. « De la méthodologie audiovisuelle première génération à la dida

1 PUREN 2002a. « De la méthodologie audiovisuelle première génération à la didactique complexe des langues-cultures », Études de Linguistique Appliquée n° 126, juil.-sept. 2002, pp. 321-337. Paris : Editions Klincksieck - Didier-Érudition. DE LA MÉTHODOLOGIE AUDIOVISUELLE PREMIÈRE GÉNÉRATION À LA DIDACTIQUE COMPLEXE DES LANGUES-CULTURES Résumé : Afin de mesurer le chemin qu’il a personnellement parcouru en didactique des langues-cultures, l’auteur analyse dans cet article sa perception à l’époque d’un stage de formation à la méthodologie audiovisuelle pour l’enseignement du français langue étran- gère, qu’il a suivi en juillet 1972, juste à la sortie d’une année de stage d’agrégation à la « pédagogie » scolaire de l’espagnol. Et il compare cette perception d’alors avec l’analyse complexe qu’il peut aujourd’hui en faire en utilisant simultanément les trois perspectives – méthodologique, didactique et didactologique – qui sont pour lui constitutives d’une discipline désormais parvenue à sa maturité. Introduction Pour ma collaboration à ce numéro des ÉLA, j’ai choisi non pas de baliser le parcours que j’ai suivi par quelques étapes significatives, mais de « montrer le chemin parcouru » dans le sens courant de cette expression, c’est-à-dire de présenter toute la distance qui me sépare maintenant de mes débuts dans l’enseignement des langues, il y a exactement trente ans. Il se trouve en effet qu’en 1972, quelques semaines après la fin de mon année de stage pratique d’agrégation d’espagnol (septembre 1971-juin 1972), le Ministère des Affaires Étrangères m’a envoyé à Montpellier suivre le stage court du CRÉDIF (juillet 1972), juste avant mon départ en « coopération militaire » comme assistant de français langue étran- gère dans une université latino-américaine. Et il se trouve aussi que ce stage a été pour moi véritablement initiatique, puisqu’il a été à l’origine de toute ma carrière ultérieure de didacticien et de chercheur. D’où mon idée d’opposer ici la perception que j’en ai eue à l’époque avec l’analyse que je suis maintenant capable d’en faire en utilisant les outils conceptuels dont je dispose aujourd’hui. Le premier de ces outils – parce qu’il est le cadre dans lequel viennent se placer tous les autres – est la représentation de notre discipline comme un domaine intégrant trois perspectives interreliées : 1) la perspective méthodologique, 2) la perspective métamé- thodologique (ou « didactique »)1 et 3) la perspective métadidactique (ou « didactologi- que »). Sur cette conception disciplinaire par perspectives « méta », je renvoie à PUREN Ch. 1999a et 2000. Le concept de « didactologie/didactologique » est bien sûr repris de la 1 « Didactique » est utilisé ici dans un sens limité, pour désigner l’une des perspectives internes à la discipline, et non dans le sens général qu’il conserve dans l’expression « didactique des lan- gues » ou « didactique des langues-cultures », qui désigne l’ensemble de la discipline. 2 terminologie de mon ami Robert Galisson. Il désigne pour lui l’ensemble de la discipline, alors qu’il correspond seulement pour moi à l’une des trois perspectives internes d’une discipline pour laquelle je continue à utiliser l’appellation commune de « didactique » parce qu’elle nous a été léguée par notre propre histoire : il se trouve en effet que notre discipline s’est instituée, en français langue étrangère, au moment de l’émergence de la perspective métaméthodologique, au début des années 70 (j’y reviendrai plus avant). Mais il n’y a là entre nous qu’une différence formelle dans le découpage sémantique d’une discipline sur laquelle nous avons par ailleurs une profonde convergence de conception et plus encore de projet. 1. Analyse méthodologique Difficile d’imaginer a priori plus grand « choc méthodologique » (comme on dit un « choc culturel ») que ce passage brutal que j’ai dû effectuer, lors de ce stage CRÉDIF de 1972, entre une formation à la « pédagogie » scolaire de l’espagnol, et une « formation à l’utilisation des méthodes audiovisuelles »2 pour l’enseignement du FLE, telles que l’une et l’autre étaient conçues à l’époque. La « méthodologie SGAV »3, en effet, s’était construite en rupture affichée avec les orien- tations de la méthodologie traditionnelle d’enseignement scolaire, fixées alors pour tou- tes les langues par l’instruction officielle du 1er décembre 19504. Je les oppose sous forme de tableau dans l’Annexe 1, auquel on voudra bien se reporter. Notons au passage – parce que ce « passage » constitue la plus grande partie de mon parcours personnel, pendant lequel, jusqu’à présent, j’ai surtout enseigné ou formé en espagnol langue étrangère – que la méthodologie officielle d’enseignement scolaire de l’espagnol est restée la même jusqu’à aujourd’hui : sous le contrôle étroit et autoritaire de l’inspection, elle a traversé dans un splendide isolement toute la période de la métho- dologie audiovisuelle et celle de l’approche communicative, de sorte qu’elle se retrouve actuellement en complet déphasage tout autant avec le nouveau public scolaire qu’avec le statut actuel de l’espagnol langue de communication internationale. Ce grand « choc méthodologique », créé par la perception simultanée d’autant d’oppositions radicales, m’a complètement occulté pendant ce stage CRÉDIF de Montpel- lier, et pour longtemps, les continuités entre les deux méthodologies, alors que ces continuités étaient tout aussi évidentes, nombreuses et importantes : application de la méthode interrogative aux images, aux dialogues5, aux personnages, au récit et à la thématique ; procédés d’explication directe des mots et expressions inconnus ; procédés de sollicitation de production de paraphrases et de description d’images ; traitement en temps réel des productions langagières des élèves (gestion de la dualité fond/forme, sol- licitations de l’autocorrection, demandes de précisions ou de développement, renvoi de l’idée exprimée à l’ensemble de la classe,…). Cette liste n’est sans doute pas plus ex- haustive que la précédente, et elle n’inclut pas tout ce qui, dans le domaine de la péda- gogie générale, concerne par exemple la « présence physique en classe » (gestuelle, mimiques, regards, déplacements, variations de l’intensité de la voix et de l’intonation,…) et plus généralement la gestion des relations professeur-apprenants. Toutes ces continuités m’auraient pourtant expliqué la relative facilité avec laquelle je m’étais préparé et avais satisfait à l’évaluation finale du stage, qui consistait à présenter 2 Il s’agissait en fait d’une formation à l’utilisation de Voix et Images de France, 1ère édition 1961, cours prototypique de la méthodologie audiovisuelle de première génération. 3 « Structuro-globale audiovisuelle ». 4 Cette instruction sera régulièrement rééditée dans les collections du Centre National de Documen- tation Pédagogique jusqu’à la fin des années 70 : elle sera donc restée théoriquement en vigueur pour toutes les langues pendant trois décennies. 5 Les textes de base de la méthodologie active sont typiquement des récits avec des passages dia- logués. 3 la phase d’explication de cinq répliques d’un dialogue de Voix et Images de France de- vant quelques collègues stagiaires simulant une classe d’apprenants. Il en avait été de même pour tous les autres stagiaires, déjà formés par ailleurs comme moi à l’enseignement d’une langue étrangère et pour la plupart bien plus expérimentés. La ma- jorité d’entre eux, en effet, enseignaient depuis parfois longtemps le français langue étrangère à l’étranger, en particulier avec le Cours de langue et de civilisation françaises (le fameux « Mauger bleu »), avec lequel beaucoup de collègues étrangers avaient eux- mêmes auparavant appris le français. Or ce cours met en œuvre la même méthodologie – dite « active » et née dans les années 1920 d’une combinaison éclectique entre les mé- thodologies traditionnelle et directe – que la méthodologie officielle d’enseignement sco- laire de l’espagnol. 2. Analyse didactique Ces éléments de continuité méthodologique se limitent aussi à ceux qu’il m’aurait été alors possible de constater moi-même empiriquement. Pas plus que les autres stagiaires et sans doute que nos formateurs, je ne disposais à ce moment-là, pour aller plus loin, des concepts plus puissants que l’analyse et la comparaison systématiques des méthodo- logies permet de construire. Je prendrai ici les exemples du concept de « noyau dur mé- thodologique » et celui d’ « intégration didactique ».6 2.1 Le « noyau dur méthodologique » Un noyau dur méthodologique est une articulation et/ou une combinaison de méthodes privilégiées sur lesquelles va se fonder la cohérence d’une méthodologie constituée, et qui, à ce titre, vont être mises en œuvre le plus systématiquement possible tout au long de l’unité didactique. C’est ainsi que le noyau dur de la méthodologie audio-orale améri- caine est constitué d’une combinaison des méthodes répétitive, imitative et orale : en d’autres termes, sont privilégiées toutes les tâches qui amènent les apprenants à repren- dre de manière intensive (méthode répétitive) des modèles donnés (méthode imitative) de langue orale (méthode orale). La méthodologie SGAV emprunte ce noyau dur de la méthodologie audio-orale pour la première partie du traitement du dialogue de base (explication, correction phonétique, mémorisation initiale de ce dialogue)7 et pour l’enseignement de la grammaire (exercices structuraux). Mais toutes les tâches visant dans la suite de la leçon à entraîner les ap- prenants aux combinaisons et variations des formes linguistiques de ce dialogue jusqu’à la dite « expression libre » – description des images, passage au style indirect, passage au récit, commentaires personnels, comparaisons avec la culture des uploads/Philosophie/ puren-2002a-mav1-a-didactique-complexe.pdf

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