PAULRICŒUR SOI-MÊME COMME UN AUTRE ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VF L'
PAULRICŒUR SOI-MÊME COMME UN AUTRE ÉDITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VF L'ORDRE PHILOSOPHIQUE SOUS LA DIRECTION DE FRANÇOIS WAHL ISBN 2-02-011458-5 © Éditions du Seuil, mars 1990, à l'exception des langues anglo-saxonnes. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. A FRANÇOIS WAHL en témoignage de reconnaissance et d'amitié REMERCIEMENTS Mes premiers remerciements vont à l'université d'Edimbourg dans la personne de son Chancelier qui m'a conféré l'honneur de prononcer en 1986 les Gifford Lec- tures sous le titre On Seljhood, the Question of Personal Identity. C'est de ces conférences que sont issues les études ici publiées. J'exprime également ma gratitude au professeur Spae-mann de l'université de Munich, qui m'a permis de donner, la même année, une seconde version des conférences initiales dans le cadre des Schelling Vorlesungen. Je remercie en outre le professeur Bianco de l'univer- sité de Rome « La Sapienza », qui m'a offert l'occasion de développer la partie éthique de mon ouvrage, dans le cadre de l'enseignement qu'il m'a confié en 1987. Je suis reconnaissant à mes amis Jean Greisch et Richard Kearney de m'avoir permis d'esquisser les considérations ontologiques sur lesquelles s'achève mon travail, dans le cadre de la « décade de Cerisy » qu'ils ont organisée et présidée durant l'été 1988. Enfin, je veux dire à François Wahl, des Éditions du Seuil, ma profonde gratitude pour l'aide qu'il m'a appor- tée dans la composition et la rédaction de ce livre. Ce dernier, comme mes précédents travaux édités par lui, est redevable, au-delà de ce que je puis exprimer, à son esprit de rigueur et à son dévouement à l'écriture. PRÉFACE La question de l'ipséité Par le titre Soi-même comme un autre, j'ai voulu désigner le point de convergence entre les trois intentions philosophiques majeures qui ont présidé à l'élaboration des études qui composent cet ouvrage. La première intention est de marquer le primat de la médiation réflexive sur la position immédiate du sujet, telle qu'elle s'exprime à la première personne du singulier: «je pense», «je suis». Cette première intention trouve un appui dans la grammaire des langues naturelles lorsque celle-ci permet d'opposer « soi » à « je ». Cet appui prend des formes différentes selon les particularités grammaticales propres à chaque langue. Au-delà de la corrélation globale entre le français soi, l'anglais self, l'allemand Selbsl, l'italien se, l'espagnol simismo, les grammaires divergent. Mais ces divergences mêmes sont instructives, dans la mesure où chaque particularité grammaticale éclaire une partie du sens fondamental recherché. En ce qui concerne le français, « soi » est défini d'emblée comme pronom réfléchi. Il est vrai que l'usage philosophique qui en est fait tout au long de ces études enfreint une restriction que les grammairiens soulignent, à savoir que « soi » est un pronom réfléchi de la troisième personne (il, elle, eux). Cette restriction toutefois est levée, si on rapproche le terme « soi » du terme « se », lui-même rapporté à des verbes au mode infinitif- on dit : « se présenter », « se nommer ». Cet usage, pour nous exemplaire, vérifie un des enseignements du linguiste G. Guillaume ', selon lequel c'est à l'infinitif, et encore jusqu'à un certain point au participe, que le verbe exprime la plénitude de sa signification, avant de se distribuer entre les temps verbaux et les personnes grammaticales ; le « se » désigne alors le réfléchi de tous les pronoms personnels, et même de pronoms impersonnels, tels que « chacun », « quiconque », « on », auxquels il sera fait fréquemment allusion au cours de nos investigations. Ce détour 1. G. Guillaume, Temps et Verbe, Paris, Champion, 1965. 11 SOI-MÊME COMME UN AUTRE PRÉFACE par le « se » n'est pas vain, dans la mesure où le pronom réfléchi « soi » accède lui aussi à la même amplitude omnitemporelle quand il complète le «se» associé au mode infinitif: «se désigner soi-même » (je laisse provisoirement de côté la signification attachée au « même » dans l'expression « soi-même »). C'est sur ce dernier usage - relevant sans conteste du « bon usage » de la langue française ! - que prend appui notre emploi constant du terme « soi », en contexte philosophique, comme pronom réfléchi de toutes les personnes grammaticales, sans oublier les expressions impersonnelles citées un peu plus haut. C'est, à son tour, cette valeur de réfléchi omnipersonnel qui est préservée dans l'emploi du « soi » dans la fonction de complément de nom : « le souci de soi » - selon le titre magnifique de Michel Foucault. Cette tournure n'a rien d'étonnant, dans la mesure où les noms qui admettent le « soi » à un cas indirect sont eux-mêmes des infinitifs nominalisés, comme l'atteste l'équivalence des deux expressions : « se soucier de soi(-même) » et «le souci de soi ». Le glissement d'une expression à l'autre se recommande de la permission grammaticale selon laquelle n'importe quel élément du langage peut être nominalisé : ne dit-on pas « le boire », « le beau », « le bel aujourd'hui » ? C'est en vertu de la même permission grammaticale que l'on peut dire « le soi », alignant ainsi cette expression sur les formes également nominaiisées des pronoms personnels dans la position de sujet grammatical : « le je », « le tu », « le nous », etc. Cette nominalisation, moins tolérée en français qu'en allemand ou en anglais, ne devient abusive que si l'on oublie la filiation grammaticale à partir du cas indirect consigné dans l'expression « désignation de soi », elle-même dérivée par première nominalisation de l'infinitif réfléchi : « se désigner soi-même ». C'est cette forme que nous tiendrons désormais pour canonique. La seconde intention philosophique, implicitement inscrite dans le titre du présent ouvrage par le biais du terme « même », est de dissocier deux significations majeures de l'identité (dont on va dire dans un moment le rapport avec le terme « même »), selon que l'on entend par identique l'équivalent de Y idem ou de Vipse latin. L'équivocité du terme « identique » sera au cœur de nos réflexions sur l'identité personnelle et l'identité narrative, en rapport avec un caractère majeur du soi, à savoir sa temporalité. L'identité, au sens d'idem, déploie elle-même une hiérarchie de significations que nous expliciterons le moment venu (cinquième et sixième études), et dont la permanence dans le temps constitue le degré le plus élevé, à quoi s'oppose le différent, au sens de 12 changeant, variable. Notre thèse constante sera que l'identité au sens àUpse n'implique aucune assertion concernant un prétendu noyau non changeant de la personnalité. Et cela, quand bien même l'ipséité apporterait des modalités propres d'identité, comme l'analyse de la promesse l'attestera. Or l'équivocité de l'identité concerne notre titre à travers la synonymie partielle, en français du moins, entre « même » et « identique ». Dans ses acceptions variées1, «même» est employé dans le cadre d'une comparaison ; il a pour contraires : autre, contraire, distinct, divers, inégal, inverse. Le poids de cet usage comparatif du terme « même » m'a paru si grand que je tiendrai désormais la mêmeté pour synonyme de l'identité-ù/em et que je lui opposerai l'ipséité par référence à l'identité-/p.se. Jusqu'à quel point l'équivocité du terme « même » se reflète-t-elle dans notre titre Soi-même comme un autre ? Indirectement seulement, dans la mesure où « soi-même » n'est qu'une forme renforcée de « soi », l'expression « même » servant à indiquer qu'il s'agit exactement de l'être ou de la chose en question (c'est pourquoi il n'y a guère de différence entre « le souci de soi » et « le souci de soi-même », sinon l'effet de renforcement qu'on vient de dire). Néanmoins, le fil ténu qui rattache « même », placé après « soi » à l'adjectif « même », au sens d'identique ou de semblable, n'est pas rompu. Renforcer, c'est encore marquer une identité. Ce n'est pas le cas en anglais ou en allemand où same ne peut pas être confondu avec self, der die, dasselbe, ou gleich, avec Selbst, sinon dans des philosophies qui dérivent expressément la seljhood ou la Selbstheit de la mêmeté résultant d'une comparaison. Ici, l'anglais et l'allemand sont moins sources d'équivoque que le français. La troisième intention philosophique, explicitement incluse, celle-ci, dans notre titre, s'enchaîne avec la précédente, en ce sens que Viàenlitè-ipse met en jeu une dialectique complémentaire de celle de l'ipséité et de la mêmeté, à savoir la dialectique du soi et de Vautre que soi. Tant que l'on reste dans le cercle de Pidentité-mêmeté, l'altérité de l'autre que soi ne présente rien d'original : « autre » figure, comme on a pu le remarquer en passant, dans la uploads/Philosophie/ ricoeur-soi-meme-pdf.pdf
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- Publié le Mai 06, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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