LA KABBALE par HENRI SÉROUYA HENRI SÉROUYA – La Kabbale 2 « QUE SAIS-JE ? » PRE

LA KABBALE par HENRI SÉROUYA HENRI SÉROUYA – La Kabbale 2 « QUE SAIS-JE ? » PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE Paris, 1967 DEUXIÈME ÉDITION REVUE http://lamelagrana.net/ 3 HENRI SÉROUYA – La Kabbale 4 INTRODUCTION Le présent travail n'est pas un condensé de notre grand ouvrage : La Kabbale, ses origines, sa psychologie mystique, sa métaphysique. Il forme une étude nouvelle sur divers aspects fondamen- taux de la Kabbale et apporte des notions précises sur cette tradition secrète des Hébreux. Les lec- teurs qui désirent approfondir leur connaissance sur cette matière pourront cependant consulter no- tre grand ouvrage sur la question. Ce qui nous a décidé à écrire ce livre pour la collection « Que sais-je ? », ce sont malheureuse- ment les procédés abusifs de certains auteurs qui, ignorant l'hébreu et dépourvus de la compétence philosophique nécessaire, n'ont pas hésité à s'emparer du butin facile qu'offrait notre ouvrage, et n'ont même pas eu la délicatesse de mentionner leur source. Aujourd'hui, le monde savant, qui s'intéresse à la philosophie et à la mystique, a apprécié notre travail et y a reconnu une analyse approfondie des œuvres fondamentales de la Kabbale, et a discer- né l'aspect philosophique que nous en avions dégagé. Certes, la Kabbale, gnose des Hébreux, fut toujours l'objet d'une vive curiosité, qui semble dé- passer la philosophie, en ce qui concerne ses révélations secrètes. Son accès est difficile, parce que les textes en hébreu et en araméen qui nous ont été conservés, sont complexes, obscurs, et échap- pent bien souvent à la compréhension, si l'on n'est pas favorisé par un tempérament intuitif. Nous nous sommes nettement opposé ailleurs à la Kabbale pratique, œuvre suscitée par la souf- france, la persécution, mais fascinante par l'extraordinaire imagination mythique dont elle témoigne. Il importe à nos yeux de mettre en lumière des idées saines. En effet, si du même tronc partent deux sortes de branches, autrement dit, deux tendances, la Kabbale spéculative et la Kabbale pratique, dans le domaine historique, il vaut mieux ne pas s'attarder sur cette dernière, qui nous éloigne de la vérité, et approfondir celle qui tend à une pensée profonde, susceptible d'apaiser les angoisses que nous éprouvons quant à la compréhension adéquate de l'univers. Cette Kabbale qui mérite d'être connue a séduit des hommes de génie, aussi bien dans le domaine philosophique et mystique que dans le domaine artistique et littéraire. Elle ne peut donc, en ce sens, se prêter au jugement péjoratif que le XVIIIe siècle a porté sur elle par la plume, par exemple, de Voltaire, écrivant que c'est « une cabale ». La source de notre documentation générale ressort de la Bibliographie sommaire placée à la fin du présent ouvrage. La place nous étant strictement limitée, nous ne pouvions pas mentionner fréé- quemment les noms des auteurs, ni le titre de leurs œuvres. http://lamelagrana.net/ 5 CHAPITRE PREMIER PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME HEBRAÏQUE I. - Caractère général Le mysticisme, qui vise à dévoiler des vérités extraordinaires dans le domaine profond de l'uni- vers, en rapport avec l'homme, ne semble pas concerner les patriarches, Moïse, voire les prophètes. Ces grands hommes s'efforçaient de s'attacher uniquement à Dieu, sans se préoccuper des choses mystérieuses, insoupçonnées, en marge de Dieu, puisque à leurs yeux tout ce qui existe, visible et invisible, ne peut émaner que de sa puissance créatrice. Autrement dit, pour eux, s'attacher profon- dément, intimement à la Divinité, c'est posséder par la révélation la clef de tout ce qui nous paraît mystérieux, incompréhensible. Vu sous cet aspect, le mysticisme, tel que nous le concevons de nos jours, semble incompatible avec la spiritualité des Hébreux illustres de la haute Antiquité. Il est pourtant d'essence spirituelle, si on le conçoit en dehors de toute considération d'ordre fictif, magique, superstitieux, située sur un plan inférieur, si l'on peut dire, au mysticisme réel. Le mysticisme réel est l'apanage des hommes de génie qui trouvent sans le chercher le mystère de l'être. Il embrasse la haute métaphysique, la struc- ture intime de l'univers, conçu comme un reflet de la Divinité. C'est vers Dieu que le mystique tend, c'est en se concentrant par une profonde méditation pour lui, c'est en l'aimant, qu'il parvient à voir des choses extraordinaires qui les rendent heureux, joyeux, optimiste ici-bas. De ce point de vue, les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, Moïse et les prophètes, à qui Dieu s'est révélé plus d'une fois, peuvent ainsi être considérés comme des mystiques, en tant que leur amour extrême les met en communion intime avec Lui. Le premier philosophe fut Abraham. Il cherche, il médite, il se concentre pour découvrir celui qui régit véritablement l'univers. Les idoles, les dieux qu'il a connus chez ses parents, objets inertes, sont absurdes. Le soleil, la lune, les étoiles ne peuvent être non plus comme dieux, en tant qu'ils sont mus par une force supérieure à eux. Spirituellement, invisiblement, peu à peu il découvre le Dieu véritable, maître de l'univers entier. Moïse jeûne et se recueille durant quarante jours sur le mont Sinal pour avoir le bonheur de connaître Dieu de près. Les grands pro- phètes, quoique exceptionnellement favorisés, ne voient Dieu que dans un état d'extase, comme à peu près plus tard les Esséniens, les grands kabbalistes, ou d'autres saints. La philosophie dans sa spéculation la plus profonde, se mouvant au sein de la logique pure (Phi- lon, ce grand mystique, l'avait déjà remarqué), demeure impuissante à résoudre des problèmes d'or- dre métaphysique, qui se posent à elle comme au mysticisme. Pour les résoudre, elle doit être dou- blée de mysticisme, auquel le rationalisme, son guide indispensable, doit être subordonné, comme ce fut le cas pour Spinoza. Une philosophie ne peut parvenir à la transcendance par le raisonnement rigoureux du logicien, mais par une vue essentiellement mystique et intuitive. C'est pourquoi on considère que le mysticisme dépasse la philosophie. Mais la philosophie, comme nous l'avons montré ailleurs, peut revêtir un caracctère mystique. Il en est ainsi chez Platon, Philon, Plotin, Spinoza, Bergson. II. - Dénominateur commun D'une manière générale, le mysticisme n'est pas la propriété exclusive de tel ou tel peuple. Bien entendu, les grands mystiques dans le domaine religieux du monothéisme pur, qui nous intéresse HENRI SÉROUYA – La Kabbale 6 particulièrement ici, sont d'une extrême rareté. Mais presque tous les peuples sont plus ou moins portés à la tendance mystique, sans qu'elle soit nécessairement transcendante. Dans cette diversité, il n'est pas difficile de constater un dénominateur commun à la base de leur orientation. L'homme primitif, tourmenté, inquiet devant les phénomènes terrifiants, comme la foudre, les tremblements de terre, les tempêtes, les animaux féroces, ou devant des spectacles grandioses, comme l'océan, le ciel, forge dans son imagination des mythes qui lui représentent une force concrète, une pluralité de dieux, de puissances qui agissent à son insu, selon leur propre volonté. Ce n'est que peu à peu, par une rare évolution de l'esprit, que les Hébreux en se dégageant totalement de toute considération matérielle, de tous les dieux compliqués de leurs proches voisins, sont parvenus à une conception transcendante de la Divinité suprême, incorporelle, immatérielle, dont l'essence est incompréhensi- ble. Les penseurs grecs n'ont eu une semblable conception que mille ans après les Hébreux. Un autre indice de caractère de dénominateur commun est visible dans diverses tendances mysti- ques. C'est l'effort qui consiste à se détacher entièrement du monde extérieur, de toute pensée rela- tive à ce monde, à créer en nous le vide total, le néant, en vue d'atteindre la Divinité par une effu- sion amoureuse. Cet effort apparaît sous diverses formes : vie ascétique rigoureuse, jeûnes, médita- tions, prières intenses chez les mystiques supérieurs, mais toujours il a pour but de vider le moi de toute considération matérielle. Ce vide est visible chez les peuples primitifs de nos jours, chez qui il se traduit par une danse rythmique épuisante jusqu'à l'extase, où l'on sent la Divinité. Les yoghi pra- tiquent des exercices physiques pénibles qui vont jusqu'à la suppression quasi totale de la respira- tion en vue d'arriver à faire que le moi n'ait conscience d'aucun objet, ce qui permet d'atteindre le nirvana, qui les plonge dans la vie cosmique. On trouve un stade supérieur chez les mystiques juifs, les kabbalistes qui tendent à un état de néant, si l'on peut dire, existentiel pour se plonger avec in- tensité dans la spiritualité divine. Egalement chez les mystiques chrétiens qui s'efforcent de vider le moi de son attachement au monde pour pouvoir s'unir à Dieu. On le trouve enfin chez les mystiques de l'Islam qui font le même effort de vide, l'annihilation ou fana, dans leur extase divine. III. - Différences Si dans toutes ces tendances mystiques se trouve un facteur commun qui les caractérise, on peut également y remarquer des différences non moins caractéristiques. Les kabbalistes, à côté de leur dévotion, se préoccupent de la métaphysique en vue de saisir la structure de l'univers, les énigmes bouleversantes, secrètes qu'ils appellent sod. Les gnostiques abordent également ces questions mais sans efficacité, parce qu'ils se fourvoient dans une mytholo- gie magique verbeuse. Cette préoccupation est uploads/Philosophie/ sacrouya-henri-la-kabbale.pdf

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