1 Séquence 1 : la littérature d’idées LA BRUYERE Les caractères, livre 11 « De
1 Séquence 1 : la littérature d’idées LA BRUYERE Les caractères, livre 11 « De l’homme » Parcours « peindre les hommes, examiner la nature humaine » Table des matières Préalable : les fragments liminaires ........................................................................................................ 1 Situation de l’extrait, introduction au passage ....................................................................................... 2 Problématisation ..................................................................................................................................... 2 Mouvement général du texte ................................................................................................................. 3 Mouvements du texte ............................................................................................................................. 3 Détail de l’analyse ................................................................................................................................... 3 Premier mouvement ........................................................................................................................... 3 Deuxième mouvement : frg. 71‐73 modestie/vanité .......................................................................... 4 Troisième mouvement : l’exemple (compliqué) d’Alcippe (frg.74) .................................................... 4 4E et dernier mouvement : le récapitulatif glaçant (frg. 75‐76) .......................................................... 5 Conclusion ............................................................................................................................................... 6 Bilan : de la satire à la philosophie morale .......................................................................................... 6 Ouverture : un extrait original, aux accents pascaliens ? .................................................................... 6 Préalable : les fragments liminaires Fragments 1‐4 incl. Texte des Caractères à succès (nombreuses rééditions), à clefs (galerie de gens, de courtisans à l’époque connus), Texte à la portée générale, cf. titre du chapitre : une catégorie est désignée, « l’homme » (art. défini et substantif générique), 2 Philosophie, préposition « De » sur le modèle de la formulation qu’adoptent les textes antiques pour renvoyer aux argumentations directes come les traités (De clementia de Sénèque, De oratione de Cicéron, De architectura de Vitruve etc.) => gage de sérieux et respect des codes d’écriture et de formulation fixés par les Anciens (La Bruyère dans la Querelle est du côté des Anciens) réf. aux Stoïciens1 Texte difficilement accessible Texte presque humiliant : comparaison avec des êtres parfaits et avec des références culturelles élitistes Texte sérieux, grave (loin de l’image qu’on se fait des portraits de La Bruyère) Qui veut élever, éduquer le lecteur (plein des défauts) : « corriger » Situation de l’extrait, introduction au passage Le chap. XI, que l’on peut voir comme un chapitre de transition, se situe entre la satire de la Cour et des Grands d’une part (plus sociales et politiques), et des considérations sur le jugement et la mode (considérations plus philosophiques et morales). Notre extrait se situe au milieu du chapitre XI : des grands portraits satiriques comme ceux de Ménalque ou Irène ont déjà été livrés, d’autres comme ceux de Gnathon, Cliton et Antagoras sont à venir. Tout le passage porte sur le regard des autres sur soi, de soi sur soi, et de la façon dont nous nous donnons en spectacle aux autres. Problématisation Lot de fragments complexe, qui part de la généralité pour y revenir en passant par le détour du cas particulier d’Alcippe, qui semble critiquer un mondain pour en vérité critiquer toute notre humanité, qui se veut moralisateur & moqueur pour finir très philosophique, qui tire sa cohérence d’une seule et même question : quel statut, quelle place accordons‐nous aux autres ? qui repose sur un arc argumentatif en tension, avec la contradiction telle que nous voulons être au centre ou supérieurs aux autres, tout étant dépendants des autres pour notre validation ; nous négligeons autrui dont nous avons terriblement besoin (= ironie tragique de notre espèce humaine selon La Bruyère ici). 1 Sagesse antique exigeante => discipline de soi, de ses hantises, contrôle de soi et de ses émotions : « abstine ac sustine ». 3 Mouvement général du texte 7 fragments : 70‐76 Point de départ : le constat général « le monde », « les gens », « les autres » = pluriel, noms collectifs (individu a du mal à exister) Appel au lecteur « vous » Phase intermédiaire l’exemple d’Alcippe Fin considération assez subtile : « notre bonheur » + notion implicite « liberté » Les gens => vous (lecteurs) => nous Modestie => regard d’autrui, spectacle de soi => bonheur Mouvements du texte A chaque phase de la démonstration, un biais Frg.70 : Généralités sur notre rapport tortueux aux autres (besoin de se comparer aux autres mais pour les dominer) Frg. 71‐72‐73 : mise en balance perturbante de deux modèles irréconciliables (modestie vs spectacle de soi) Frg. 74 : Exemple d’Alcippe, le mondain‐intrigant, cible de la moquerie Frg.75‐76 Phase récapitulative. Considérations philosophiques (« on », « nous ») sentencieuses & responsabilisation du lecteur => Notre bonheur dépend des autres. Détail de l’analyse Premier mouvement Il cible la malhonnêteté des hommes, tournés vers les autres mais à de mauvaises fins (pour dominer les autres et se faire valoir) (frg.70) Abondance, accumulation de pluriels et de noms collectifs « le monde », « les gens », « les autres », « eux‐mêmes » = poids de la société Critique des comparaisons à de mauvaises fins, qui est spatialisée : d’abord « eux‐ mêmes > les autres » (les autres arrivent en second) et dans la suite de la phrase, les vaniteux ont réussi à évacuer les autres : « leurs propres mérites » (« les autres » ont disparu) 4 Deuxième mouvement : frg. 71‐73 modestie/vanité La BRUYERE oppose deux modèles, chacun comportant son désavantage et s’il finit par réprouver la mondanité, il n’en ignore pas les intérêts. A l’inverse, mise en évidence de la fragilité de la vertu. A ce stade, le lecteur a de quoi être perdu. frg. 71 dilemme entre modestie qui ne rapporte rien vs hypocrisie & spectacle de soi superficielles mais qui ne rapportent rien 71 Vous dites qu’il faut être modeste, les gens bien nés ne demandent pas mieux : faites seulement que les hommes n’empiètent pas sur ceux qui cèdent par modestie, et ne brisent pas ceux qui plient. De même l’on dit : « Il faut avoir des habits modestes. » Les personnes de mérite ne désirent rien davantage ; mais le monde veut de la parure, on lui en donne ; il est avide de la superfluité, on lui en montre. La Bruyère fait semblant de poser un dilemme entre la profondeur & la vertu d’un côté vs la superficialité stratégique de l’autre sauf que la gestion lexicale (les mots dans le texte) indique de manière implicite au bon lecteur ce qu’il faut choisir. « on dit », « on ne refuse pas », « on lui en donne » : généralisation inclusive (on veut persuader et éduquer le lecteur : celui doit se sentir concerné) ; « on » marque aussi l’impersonnalité, l’anonymat, la dilution de celui qui veut plaire aux autres et aux effets de mode, quitte à mentir sur lui‐même, quitte à se travestir ou forcer sa nature jusqu’à perdre sa propre identité. [on : pronom indéfini] « Il y a des endroits où il faut se faire voir » force du cadre contraignant et objectif « il » impersonnel répété + verbe falloir à valeur injonctive (ordre) Hésitation rendue (dilemme) par le « ou …ou… » : « ou vous fait rentrer ou refuser » Frg. 72‐73 o 72 (notre) vanité… modestie : communauté de destin o 73 cette vanité… mérite = parallélisme de construction vanité/modestie ; vanité/mérite : critique du systématisme des relations humaines et des comportements prévisibles (le parallélisme = une même structure de phrase) o « curiosité », « estime », « confiance », « éloge » (accumulation de termes positifs) => [effet de chute] à la fin du frg « mal » + « se moquer » (double critique : et de la cour trompeuse et des courtisans qui se laissent illusionner) = vision pessimiste de l’homme o Passage « penser » => « croire » : perte de certitude au fur et à mesure que La Bruyère fragilise nos préjugés (à la moitié du chap.11, point de bascule pensée/croyance) Troisième mouvement : l’exemple (compliqué) d’Alcippe (frg.74) L’exemple est censé éclairer le lecteur et nous aider à faire le bon choix de conduite. Critique indirecte par un portrait sous forme de récit : exemple 5 ATTENTION « exemple » ‐ Sens premier : valeur de modèle (prescriptif) (sens moral) ‐ Second sens : en rhétorique, le cas pratique qui sert à ancrer le raisonnement abstrait dans une situation concrète => valeur illustrative, pédagogique, aide à comprendre (sens scolaire) A priori, l’exemple facilite la compréhension or ici, tout repose sur la capacité du lecteur 1/ à reconstituer le déroulement de l’histoire dans sa tête, 2/ à déduire à partir d’éléments manquants, ainsi l’incertitude sur l’identité du « grand » (résolue si on s’efforce de retracer les étapes de l’épisode, de visualiser la scène comme LB nous y invite « dans un même fond avec un Grand ». Fragment 74 construit sur le constat d’un paradoxe et le jeu de questions/réponses qu’il entraîne => très bonne façon d’installer le lecteur moins dans la moquerie que dans l’interrogation dynamique. La finalité d’Alcippe est placée en fin de phrase en fin de fragment : côtoyer et être associé à « un grand ». La phrase et même le fragment épousent la logique du mondain, pour nous faire aboutir dans un processus de mise à jour de ses véritables intentions, à la révélation de sa nature uploads/Philosophie/ sequence-1-texte-1-la-bruyere 1 .pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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