1' Cet ouvrage est dédié à Mr Jean Jacques RENAUD Les éditeurs reconnaissants R
1' Cet ouvrage est dédié à Mr Jean Jacques RENAUD Les éditeurs reconnaissants RUDOLF STEINER AUTOBIOGRAPHIE Volume II Traduction française Georges Ducommun Editions Anthroposophiques Romandes 13, rue Verdaine, 1204 Genève/Suisse 1979 L'édition originale porte le titre: MEIN LEBENSGANG 7e édition Bibliographie No 28 © 1979. Tous droits réservés by Editions Anthroposophiques Romandes Traduction autorisée par la Rudolf Steiner Nachlassver- waltung Dornach/Suisse Imprimé en Suisse TABLE DES MATI~RES Chapitre XVII 1892-1894 9 Chapitre XVIII 1894-1896, Weimar 23 Chapitre XIX 1894-1896, Weimar 37 Chapitre XX 1894-1896, Weimar 54 Chapitre XXI 1894-1897, Weimar 72 Chapitre XXII 1897, Weimar 88 Chapitre XXIII Weimar, Berlin 102 Chapitre XXIV 1897-1899, Berlin 109 Chapitre XXV Berlin 120 Chapitre XXVI Berlin 128 Chapitre XXVII Berlin 132 Chapitre XXVIII Berlin 143 Chapitre XXIX Berlin Chapitre XXX 1899-1902, Berlin Chapitre XXXI 1900-1913, Berlin Chapitre XXXII Berlin Chapitre XXXIII Chapitre XXXIV Chapitre XXXV Chapitre XXXVI Chapitre XXXVII Chapitre XXXVIII Ouvrages de Rudolf Steiner disponibles en langue française 149 158 176 184 202 206 209 214 220 230 245 C H A P 1 T R E XVII A cette époque une branche de la « Société pour la culture éthique», d'origine américaine, fut créée en Allemagne. Il semblerait naturel que, en plein matéria- lisme, un courant se proposant d'intensifier la culture des principes de la morale trouvât pleine approbation. Mais la philosophie de ce mouvement éveillait en moi les plus vives réserves. Les dirigeants de cette Société se disaient: il existe actuellement une multitude de conceptions contradic- toires, tant dans le domaine de la connaissance que dans celui de la religion ou de la vie sociale. Il est impossible d'amener les individus à s'entendre. Ce serait une mau- vaise chose de voir les sentiments moraux que les hommes devraient éprouver les uns envers les autres se laisser entraîner dans ces controverses. A quoi peuvent mener les divergences en matière de religion, de sensi- bilité sociale ou de philosophie, sinon à introduire cette contradiction également dans la conduite morale à l'égard de ceux ayant un avis ou des sentiments diffé- rents? Il serait donc nécessaire d'établir les principes d'une éthique purement humaine, indépendante de toute philosophie, acceptable pour chacun, quelle que soit son opinion sur les différents domaines de l'exis- tence. 9 Ce mouvement éthique fit sur moi une profonde im- pression. Il touchait à mes convictions les plus intimes. Je me trouvais en face de l'abîme, creusé par la pensée moderne, entre les phénomènes de la nature et le conte- nu moral et spirituel de l'univers. On est parvenu à une conception de la nature où le devenir de l'univers se trouve privé de tout contenu moral et spirituel. On admet l'hypothèse d'un état pri- mitif, purement matériel du monde. On recherche les lois d'après lesquelles le vivant, l'animé et le spirituel se seraient progressivement développés à partir de cette origine primitive purement matérielle, pour apparaître sous leur forme actuelle. Si l'on tire les con- séquences logiques d'une telle option intellectuelle, me disais-je, alors les forces morales et spirituelles ne peuvent être qu'un résultat de l'action de la nature. On en vient donc à constater l'indifférence des faits de la nature à l'égard des valeurs morales et spirituelles; l'élé- ment moral ne serait qu'un produit secondaire de la nature, laquelle le recouvre immédiatement de son indif- férence. Je pouvais toutefois imaginer que les penseurs pru- dents n'allaient pas tirer une telle conclusion, qu'ils accepteraient simplement comme un fait ce qu'ils croyaient lire dans la nature, tout en pensant devoir prendre les valeurs morales et spirituelles pour ce qu'elles étaient dans le contexte universel. Or cela me semblait sans importance. II m'importait peu que l'on dise: conformément aux manifestations naturelles on peut se servir de pensées ne tenant pas compte des va- leurs morales, - encore qu'il s'agisse dans ce cas sim- plement d'hypothèses; chacun a le droit, en morale, de se former une opinion personnelle. Je me disais: celui qui tend à concevoir ainsi la nature, ne saurait attribuer aux faits spirituels et moraux ni autonomie ni la moindre 10 réalité indépendante. Si la Physique, la Chimie et la Biologie restent ce qu'elles sont, c'est-à-dire inatta- quables en toutes circonstances, ces entités conçues par nous comme réelles finiront par englober la réalité totale; et les valeurs spirituelles et morales ne seraient que l'écume produite par cette réalité-là. Sur ce point j'avais une vue bien différente. Je pen- sais que la réalité était d'essence morale et spirituelle autant que naturelle; ne pas vouloir percer jusqu'à elle me semblait indiquer une défaillance du besoin de con- naissance. Ma conviction spirituelle m'avait conduit à la conclusion suivante: au-delà des faits naturels et des faits moraux et spirituels, il existe une véritable réalité se manifestant moralement, et dont l'action morale a, en même temps, le pouvoir de se transformer en un proces- sus, au mème titre que celui de la nature. L'indifférence de la nature à l'égard des valeurs spirituelles et morales me semblait résulter de ce que la nature avait rompu son lien initial, s'en était détachée, semblable au cadavre de l'homme coupé de sa source vitale et spirituelle. Cela était pour moi une certitude: non seulement je le pensais, mais j'en voyais la vérité dans les données et les entités spirituelles du monde. Les « moralistes » en question me semblaient incarner une mentalité fort peu soucieuse d'une pareille conviction. Plus ou moins inconsciemment ils défendaient le point de vue que tout effort philosophique est vain, et qu'il faut s'efforcer de sauver les principes de la morale, sans chercher à com- prendre leur place dans l'ordonnance de la réalité du monde. Il résulterait de cette attitude caractéristique pour l'époque un désespoir total dans toute quête philo- sophique. Il faudrait être bien frivole et inconscieilt pour affirmer: si nous voulons rendre aux hommes les valeurs morales, ignorons toutes les conceptions du monde. Au cours de nombreuses promenades dans les 11 jardins publics de Weimar avec Hans et Grete Olden je critiquais énergiquement cette légèreté. Celui qui poursuit sa quête jusqu'à la limite du possible, disais-je, a une vision du monde d'où se dégage à la fois la réalité de la morale et celle de la nature. Dans la revue «Avenir» qui venait tout juste d'être fondée, j'écrivis un article violent contre ce que j'appelais une éthique déracinée, sans aucun rapport avec le monde réel, et donc inefficace. Mon article fut assez froidement accueil- li. Cela était inévitable, attendu que ces moralistes se considéraient comme les sauveurs de la civilisation. Pour moi cet incident fut d'une très grande impor- tance. Face à un problème de• poids, je voulais prendre la défense d'une conception du monde capable d'établir des bases sérieuses pour la morale et pour toute autre réalité. Je me sentis donc obligé de combattre une mo- rale dépourvue de tout fondement philosophique. Je quittai Weimar pour Berlin avec l'espoir de parve- nir à défendre mes idées dans des revues. Je rendis visite à Hermann Grimm pour qui j'avais la plus grande vénération. Il me reçut avec une chaleu- reuse amabilité, mais il lui parut singulier de me voir venir uniquement pour lui dire tout l'empressement que je nourrissais pour ma propre cause. Lorsque je lui expo- sai mes intentions à l'égard de ces moralistes, il m'écouta vaguement distrait. J'avais espéré pouvoir l'intéresser à ce qui pour moi revêtait une si haute importance. Je n'y réussis pas le moins du monde. Quand il apprit « que je voulais faire quelque chose » il me dit: « Allez donc voir ces gens, je les connais presque tous; dans l'ensemble ils sont très aimables ». Ce fut pour moi comme une douche froide. Cet homme que j'admirais tant n'avait rien saisi de ce qui m'animait; il pensait que j'allais me faire une raison, une fois convaincu, après 12 une visite chez ces moralistes, qu'il s'agissait au fond de gens bien sympathiques. D'autres personnes contactées ne montrèrent d'ail- leurs pas plus d'intérêt pour cette affaire. Je retrouvais toujours la même situation. Les questions se rapportant à ma contemplation de l'esprit, je devais les solutionner tout seul. Je vivais dans le monde spirituel; personne autour de moi ne m'y suivait. Mon commerce avec autrui était ramené aux excursions que je faisais dans les do- maines des autres. J'aimais d'ailleurs ces excursions. Ma vénération pour Herman Grimm ne fut en rien dimi- nuée. J'apprenais l'art de m'approcher des autres avec amour et compréhension, alors qu'eux-mêmes ne fai- saient pas le moindre effort pour comprendre ce que je portais dans mon âme. . Telle était ma « solitude » à Weimar alors même que j'entretenais de nombreuses relations. Je n'accusais pas les autres de me condamner ainsi à cette solitude. Ils étaient nombreux à exprimer un effort inconscient vers une recherche philosophique susceptible de pénétrer jusqu'aux racines de l'existence. Je me rendais bien compte que sur ces âmes pesait le fardeau d'une pensée qui se manifestait avec d'autant plus d'assurance qu'elle s'appuyait sur les réalités ies plus accessibles, selon le principe: « la nature, c'est le monde dans sa totalité». On uploads/Philosophie/ steiner-autobiographie-volume-2.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2021
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