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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/44843991 Dossier Évolution et créationnisme : La théorie de l'évolution a-t-elle une structure ? Article in Natures Sciences Sociétés · April 2009 DOI: 10.1051/nss/2009028 CITATIONS 0 READS 175 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Sciences, religion, éducation aux 18e et 19e siècles View project classifications et modélisations View project Olivier Perru Claude Bernard University Lyon 1 176 PUBLICATIONS 44 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Olivier Perru on 18 January 2015. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 La théorie de l’évolution a-t-elle une structure ? 1 Introduction. Stephen Jay Gould, l’initiateur américain de la théorie ponctualiste de l’évolution, est décédé en 2002. L’ouvrage auquel nous nous référons dans la présente étude critique est une traduction française, parue en 2006 de The structure of evolutionary biology, le dernier ouvrage de Gould qui comprend plus de 2000 pages. L’auteur y annonce son intention de réviser la structure de la théorie de l’évolution et donc, de réviser les caractéristiques de la logique darwinienne. Gould pratique une critique historique sans complaisance des apports de Darwin et de la théorie darwinienne ainsi que de « la synthèse moderne en tant que consensus restreint dont il considère qu’elle est un durcissement de la théorie » (p. 697). En deuxième partie de l’ouvrage, Gould propose la révision et l’élargissement de la théorie de l’évolution. Cet élargissement implique une enquête historique sur la « théorie de la sélection hiérarchique » (p. 898) et ses fondements, mais aussi l’apport de la proposition spécifique de Gould, l’équilibre ponctué. Le débat sur l’intérêt de l’hypothèse de l’équilibre ponctué en termes d’alternative dans la théorie de l’évolution est particulièrement intéressant, bien que l’équilibre ponctué ne permette pas de prédire ou de modéliser n’importe quel phénomène évolutif. La fin de la seconde partie examine longuement le rapport dialectique entre contrainte et adaptation, afin de rendre compte de l’histoire évolutive du développement et de l’apparition de formes particulières à partir du potentiel propre aux structures organiques (exaptation, macroévolution, Cf. p. 1648 et p. 1697). La perspective fondamentale de Gould s’avère être une mise en synergie des phénomènes micro-évolutifs et macro-évolutifs. Ce n’est ni une simple réfutation, ni une extension du darwinisme, mais une reconstruction de la structure et de la théorie de l’évolution autour « des relations supposées entre ontogenèse et phylogenèse » (p. 84). De fait, ces relations entre ontogenèse et phylogenèse permettent théoriquement d’envisager la transformation des organes et des espèces à travers l’histoire évolutive. Gould n’est pas très clair à ce propos en voulant sélectionner des « détails illustratifs bien choisis » pour réélaborer une structure théorique. Au commencement de ce procédé de révision, est annoncée plus clairement l’intention de tenir compte des macroévolutions et des extinctions de masse des espèces. Si Gould sélectionne des détails illustratifs et reprend de façon très documentée, l’histoire des sciences de l’évolution afin d’étayer les modèles évolutifs qu’il va proposer, il n’empêche que le noyau dur de cette théorie, posé au point de départ, englobe l’équilibre des micro- et macro-mutations au long des temps évolutifs, et l’extinction/apparition en masse des espèces à une période donnée. C’est une hypothèse novatrice, qui a ses partisans et ses détracteurs dans les pays anglo-saxons comme dans les pays francophones. Il convient donc de l’analyser sous un angle à la fois positif et critique. Gould a beau vouloir faire œuvre de novateur et se défendre de construire son argumentation sur une simple réfutation ou correction du darwinisme, il n’empêche que la critique de Darwin est omniprésente dans cet ouvrage qui vise à infirmer le gradualisme en proposant l’idée d’équilibre entre les espèces, équilibre ponctué au cours des temps évolutifs par le rôle jugé fondamental des macromutations. L’enseignement qu’en tire l’épistémologue est une nouvelle approche des temps de l’évolution, 1 Stephen Jay Gould, 20002, La structure de la théorie de l’évolution, traduit de l’anglais par Marcel Blanc, nrf essais, Gallimard, Paris, 2006, 2033 pages. 2 approche qui semble réintégrer le catastrophisme pour rendre compte des « extinctions catastrophiques de masse » sans pour autant donner un modèle exagérément simplifié de macroévolution » (p. 133). Par rapport à la théorie darwinienne classique, Gould donne une vision dialectique du temps, vision articulée sur la continuité et les ruptures. Le profane peut avoir l’impression que les mécanismes invoqués justifient peu l’immensité des temps évolutifs. Pourquoi de si longues « stases » ? Pénétrons plus avant dans la cathédrale de Gould. Gould et l’histoire des sciences. En fait, non seulement Gould fait l’inventaire de nombreux faits biologiques supposés démontrer les modèles et la théorie qu’il envisage mais il donne aussi toute une enquête historique à travers les textes scientifiques du 19ème et du 20ème siècle. La dimension d’épistémologie et d’histoire des sciences est donc très présente dans cet ouvrage. De façon extrêmement significative, Gould présente l’influence de la « Théologie naturelle » (1802) de William Paley, sur le point de vue de Darwin. « Paley a soutenu que Dieu manifeste son pouvoir créateur par l’exquise conformation des organismes à leurs fonctions immédiates », c'est-à-dire finalement, par leur adaptation (p. 171). En réalité, la « théologie naturelle » de William Paley relève plus de l’apologétique que de la théologie. Paley considérait, selon un point de vue répandu au 19ème siècle, que si les organismes vivant sont beaucoup plus complexes dans leur formation et leur agencement que ne l’est une montre ou n’importe quel produit de l’art humain, c’est qu’ils « ont donc nécessairement été façonnés par une intelligence encore plus grande » (p. 171). En réalité, ce que Gould ne met pas bien en valeur, c’est que Darwin fait exactement du système de Paley ce qu’a fait Lamarck avec la « philosophie naturelle » du 18ème siècle ou, pourrait-on dire, ce qu’ont fait les post-hégéliens avec l’œuvre de Hegel : il y supprime l’essentiel, c'est-à-dire Dieu, en le remplaçant par l’évolution et en conservant l’architecture du système qui devient, du même coup, autonome. C’est le sort fatal des théologies naturelles du 18ème siècle qui avaient en fait oublié la métaphysique et qui donc, reposaient beaucoup plus sur la foi que sur un fondement ontologique. Voir d’emblée Dieu à l’origine de l’ordre du monde, de la complexité et de la finalité qu’on y découvre, cela relève de la foi et pas d’une métaphysique qui, elle, supposerait une progression intelligente dans les interrogations philosophiques, les jugements posés et les types de raisonnements inductifs ou a posteriori que le philosophe peut faire à partir de ce qui existe. Donc Darwin sécularise et inverse la théologie de William Paley. La complexité et l’agencement des organismes se trouvent être le fruit de l’évolution, donc du hasard, de forces impersonnelles ; l’ordre du monde n’a donc plus de sens et l’adaptation que Darwin retient de la théorie de Paley n’a plus rien à voir avec une activité créatrice mais elle correspond à une conséquence de la sélection naturelle et de la lutte pour la vie qui retiennent les individus les plus adaptés. On aboutit donc à l’exact contraire de la pensée de William Paley, à partir pourtant d’une même mise en valeur de l’adaptation comme caractéristique des organismes. Dans le chapitre II de la première partie, Gould décrit assez longuement le rôle de la sélection naturelle, celui de la variation et le rythme du changement évolutif ainsi que son caractère continu. C’est une présentation sobre et systématique du gradualisme darwinien en tant qu’accumulation non orientée de changements de faible ampleur. C’est sur ces bases que Darwin a fondé son programme adaptationniste. Il est intéressant que Gould envisage les théories de l’évolution – la théorie darwinienne, la théorie synthétique et la sienne propre – en tant qu’elles impliquent un noyau fondamental et des conséquences, des modèles qui 3 expriment et défendent ce noyau. Gould écrit à ce sujet : « On peut comprendre la thèse cruciale de Darwin sur la créativité de la sélection naturelle (et les notions en découlant : gradualisme, adaptationnisme et isotropie des variations) comme un système ayant prioritairement pour objectif de défendre cette façon vénérable et puissamment rationnelle d’envisager la nature et le changement…Je suis convaincu que ces dernières [les critiques actuelles du darwinisme] considérées toutes ensemble, vont orienter la théorie de l’évolution en direction d’une structure explicative plus riche, conservant cependant un noyau darwinien » (pp. 228-229). En fait, ce sur quoi Gould fait porter sa critique du darwinisme, ce sont les catastrophes naturelles en tant qu’elles impliquent des phénomènes d’extinction de masse, interprétables en dehors du cadre darwinien. Plus la rapidité de certains changements est responsable de caractéristiques du tableau évolutif, plus celui-ci échapperait à la vision darwinienne générale. Tel est le point de vue de Gould, mais peut-on vraiment opposer catastrophisme et darwinisme ? Les épisodes d’extinction de masse, dus à des catastrophes naturelles ne constitueraient-ils pas qu’une parenthèse dans un processus d’évolution globalement darwinien ? De ce point de vue, il est intéressant de voir le uploads/Philosophie/ stephenjaygould-v2.pdf

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