1 UNIVERSITÉ SAINT-LOUIS – BRUXELLES Philosophie et philosophie morale – Horair

1 UNIVERSITÉ SAINT-LOUIS – BRUXELLES Philosophie et philosophie morale – Horaire décalé (HDDR 1160) Syllabus Premier Quadrimestre (Titulaire : Quentin Landenne) Année académique 2017-2018 2 Philosophie et philosophie morale HDDR 1160 Syllabus Année académique 2017-2018 Premier quadrimestre Chapitre introductif Le cours de « Philosophie et philosophie morale » se présente comme un cours d’introduction générale à la démarche et à l’histoire de la philosophie occidentale. Le présent chapitre introductif a pour but de définir certaines notions, dont le concept de philosophie lui-même, et de cartographier brièvement l’itinéraire que nous allons parcourir au cours du premier quadrimestre. Au premier abord, cette cartographie ne peut qu’apparaître abstraite, tant qu’on n’a pas commencé à cheminer effectivement, de même que les règles d’un nouveau jeu sont difficilement compréhensibles, avant qu’on les ait mises en application, en jouant effectivement. Pour compenser quelque peu cette abstraction nécessaire, nous allons partir d’une situation très concrète – votre situation actuelle d’étudiants fraîchement inscrits en première année de droit ou en sciences politiques – et d’une première question simple qui pourrait vous venir spontanément, portant sur cette situation concrète : Pourquoi un cours de philosophie dans un cursus en droit ou en sciences politiques ? On peut commencer par distinguer et relever diverses interprétations possibles de la question élémentaire « pourquoi ? » : - « D’où vient la présence d’un cours de philosophie dans ces deux cursus ? » Cette première question est de nature historique, elle en appelle à une reconstruction empirique d’un fait institutionnel et social à partir de sa cause historique ou de son motif culturel. Pour y répondre, il faudrait remonter à une tradition pluriséculaire de l’Université depuis le Moyen-Âge, où la philosophie, à côté de la théologie et du droit, figurait parmi les premières facultés et jouissait même à certaines époques d’un prestige 3 spécial et d’une autorité intellectuelle particulière, au point de disputer progressivement à la théologie ou au droit romain le statut de « reine des sciences » ou de « science des sciences ». Mais ce statut ne lui est plus du tout reconnu aujourd’hui au sein même de l’Université, puisque les disciplines scientifiques ont toutes conquis leur indépendance épistémologique1 par rapport à la tutelle philosophique. La philosophie continue certes à jouer un rôle particulier dans la division du travail scientifique – ce qui explique la présence d’un cours de philosophie dans de nombreux cursus de premier cycle à l’Université, presque toutes disciplines confondues – mais elle a indéniablement perdu la centralité à laquelle elle pouvait encore prétendre au 18ème siècle, par exemple. Une justification historique par le prestige d’une tradition académique ne peut donc suffire à répondre à notre première question. Il faut donc proposer une deuxième interprétation : - « Quelle est l’utilité, la fonction de la philosophie pour les disciplines juridiques et politologiques ? » La philosophie a contribué et contribue encore dans la recherche universitaire actuelle, plus ou moins visiblement, à construire ou à façonner certains principes fondamentaux d’où procèdent des applications dans différents domaines des sciences empiriques, y compris les sciences humaines et sociales. Un très grand nombre de concepts, de théories, de méthodes qui sont d’usage dans les sciences juridiques et politiques ont fait l’objet d’élaborations philosophiques qui ont été décisives pour ces sciences. On peut citer, entre autres, les concepts de souveraineté étatique, de démocratie, de sujet, de droits de l’homme, de responsabilité, ou encore les théories du réalisme politique, du contrat social, de l’utilitarisme, comme nous allons le voir dans ce cours. Saisir l’origine philosophique de ces concepts et de ces théories, c’est se donner les moyens de mieux comprendre leurs fonctions au sein même des disciplines juridiques et politologiques et par conséquent de faire un usage plus efficace de certains outils dans les domaines d’expertise scientifique ou professionnelle où ces concepts peuvent avoir une influence plus ou moins directe. Mais cette réponse utilitaire, quoique assez valable, n’est pas non plus pleinement satisfaisante, non seulement parce que l’effet et l’influence de ces concepts philosophiques sont parfois tellement indirects, qu’ils en deviennent presque indiscernables pour les praticiens du droit ou les politologues. Mais, plus fondamentalement, la réponse par l’utilité 1 L’épistémologie est l’étude des sciences et des pratiques scientifiques. L’indépendance épistémologique des sciences vis-à-vis de la philosophie signifie que les sciences sont capables de définir et de fonder par elles- mêmes leurs méthodes de recherche et leurs critères de validité scientifique, sans avoir besoin d’une justification philosophique de ces méthodes et critères. 4 est aussi insatisfaisante que la question utilitaire elle-même. L’utilité fonctionnelle ne peut en effet pas être un critère de justification ultime ou suffisant, puisqu’il ne peut pas s’appliquer à lui-même, comme en atteste l’absurdité de la question : « à quoi sert donc l’utilité ? ». Il faut donc pouvoir justifier ou rendre raison d’une activité, répondre au « pourquoi » de cette activité, au delà de son utilité éventuelle, ce qui nous pousse à relever une troisième interprétation de notre question première, qui ne vise ni l’origine historique, ni l’utilité fonctionnelle pour une expertise scientifique ou professionnelle, mais qui introduise une autre dimension : - « Quel peut être le sens d’une perspective philosophique dans une formation universitaire en droit et en sciences politiques ? » La question du sens d’une activité procède de l’insuffisance de la question de son utilité et de sa justification fonctionnelle. Beaucoup plus ouverte que les deux questions précédentes, la question du sens de la perspective philosophique dans le contexte d’une formation en droit ou sciences politiques, exige au préalable qu’on puisse s’entendre sur ce qu’est la philosophie, sur ce qu’elle fait et sur ce qu’elle ne fait pas. I. Qu’est-ce que la philosophie ? Première approche par la négative : le sens commun La question « qu’est-ce que la philosophie ? » est une question que chaque philosophie a pour tâche de se reposer à nouveaux frais. Elle est par essence une question ouverte. Il n’y a par conséquent pas de définition officielle préétablie ou définitive qui conviendrait à toutes les philosophies à travers les époques ou les systèmes. Définir la philosophie, c’est nécessairement s’engager personnellement dans la pratique philosophique et tenter de rendre compte de cette pratique. On pourrait ainsi multiplier les définitions disponibles dans la tradition, attestant des engagements multiples de ceux qui se sont efforcés de philosopher2, sans pouvoir trouver de plus petit dénominateur commun qui soit sensé et a fortiori intéressant. Il faut pourtant bien tenter d’élucider ce concept, avant même de pouvoir prendre parti pour l’une ou l’autre philosophie et sans supposer une synthèse impossible des conceptions existantes de la philosophie. En première approche, on peut commencer par interroger ce que le sens commun dit le plus souvent de la philosophie, lequel sens commun constitue d’ailleurs pour le philosophe à 2 Pour ne citer que quelques unes des définitions de la philosophie occidentales, parmi les plus fameuses : « amour du savoir » (Platon), « science de la vérité » (Aristote), « philosopher c’est apprendre à mourir » (Montaigne), « étude de la sagesse » (Descartes), « se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher » (Pascal), « système de connaissance rationnelle par concepts » (Kant), etc. 5 la fois un point de départ constant, une matière brute et un adversaire privilégié. Parmi les lieux communs qui circulent sur la philosophie, il y a une série de préjugés défavorables, dont on peut retenir ici trois reproches récurrents : a) le caractère contre-intuitif ou artificiel de ses questions (« se chatouiller pour se faire rire »), b) le caractère autoréférentiel et stérile de ses réflexions (« tourner en rond, reculer pour mieux sauter »), c) le caractère inutilement obscur, abstrait et hermétique de son discours (« faire compliquer quand on peut faire simple »). Cette mauvaise réputation des philosophes est tout sauf neuve ; on en trouve les traces dès les premiers temps de la philosophie ancienne, dans l’Athènes du 5ème siècle avant notre ère, où l’on voit Aristophane dépeindre Socrate de la manière la plus ridicule, comme on peut le lire dans sa comédie intitulée Les Nuées. Ces trois lieux communs péjoratifs sur la philosophie témoignent sans doute de ce qu’on n’est pas encore entré dans la pratique philosophique et qu’on s’en tient à la juger de l’extérieur. Certes, ils disent aussi quelque chose de vrai sur cette pratique, comme nous allons le montrer dans un instant ; mais ils le disent superficiellement et surtout ils le disent en négatif, c’est-à-dire par opposition à autre chose qui n’est pas la philosophie et qu’on prend pour point de comparaison, point de référence sur lequel se basent des attentes plus ou moins explicites. Ce sont ces attentes qui sont déçues quand on reproche à la philosophie d’être inutilement abstraite et compliquée, de parler plus d’elle-même que du monde qui nous entoure et de se construire des questions et des problèmes que personne ne se pose, plutôt que de nous aider à résoudre les problèmes de la vie quotidienne. Or, ces attentes proviennent de modèles qu’on croit pouvoir trouver dans d’autres uploads/Philosophie/ syllabus-2017-18-quadri-1-philosophie.pdf

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