L'année psychologique W. James La théorie de l'émotion Alfred Binet Citer ce do

L'année psychologique W. James La théorie de l'émotion Alfred Binet Citer ce document / Cite this document : Binet Alfred. W. James La théorie de l'émotion. In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 388-401; https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1902_num_9_1_3492 Fichier pdf généré le 14/04/2018 XI ÉMOTIONS, SENTIMENTS MORAUX ET RELIGIEUX .WILLIAM. JAMES. — La théorie de l'émotion (Traduction française, avec une introduction de J. Dumas). — 1 vol. in-18, Paris, Alcan, 1902. La théorie de James sur l'émotion est connue en France par les discussions auxquelles elle a donné lieu et les différents articles de Ribot, Marillier et Dumas sur cette question. Nous avons, dans l 'Année psychologique, analysé les idées du philosophe américain, nous avons aussi exposé plusieurs recherches de laboratoire qui nous paraissent, par leurs résultats, peu compatibles avec la théorie physiologique de l'émotion; Dumas, qui avait déjà publié une traduction de Lange, le physiologiste danois qui avait, presque en même temps que James, publié une théorie du même genre sur l'émotion, a jugé avec raison qu'il rendrait service aux lecteurs français, si peu familiers d'ordinaire avec les langues étrangères, en faisant publier une traduction des articles de James. C'est vraiment dommage que les Principes de Psychologie de cet auteur n'aient pas encore été traduits dans leur intégralité; il existe seulement une traduction italienne, due à la plume de deux médecins psychologues, Tamburini et Ferrari. Il est certain que le jour où l'œuvre si eminente de James paraîtra dans une traduction française, elle exercera sur le mouvement psychologique contemporain une influence profonde. Dumas a fait traduire, de ces Principes de Psychologie, le chapitre xxiv, plus des extraits d'un article du Mind (IX, 1884, What is an Emotion) plus un article de Psychological Review, où James a répondu à quelques critiques (septembre 1894; The physical basis of Emotion) ; ce dernier article est traduit intégralement. Ces traductions de morceaux choisis manquent un peu d'homogénéité: Dumas les a fait précéder d'une introduction fort intéressante, où il résume la théorie de James après l'avoir comparée à celle de Lange ; rien n'est plus instructif que ce parallèle, pour faire saisir les différences de point de vue ; la théorie du physiologiste Lange est plus simple, plus rudimentaire, plus ouverte à bien des objections; elle n'a pas la subtilité et le charme de celle de James, qui est en quelque sorte plus insaisissable. Nous allons reproduire ce parallèle instructif, en coupant de larges extraits dans l'introduction de Dumas. Lange a vu les phénomènes émotionnels comme peut les regarder un physiologiste qui se méfie de l'introspection et ne croit scientifique que ce qu'il peut voir et toucher. C'est ce sentiment un peu naïf, ce ÉMOTIONS, SENTIMENTS MORAUX ET RELIGIEUX 389 me semble, qui l'a conduit à s'occuper des phénomènes physiques qui accompagnent les émotions. •'■■■•« Nous savons tous ce qu'il faut entendre par la joie, nous connaissons tous la tristesse par une expérience quotidienne. Tant qu'on s'en tiendra à ces évocations intimes, on devra, pense-t-il, renoncera une connaissance précise des émotions ; ce qu'il faut chercher, au contraire, ce sont les signes objectifs de l'a tristesse et de la joie, les marques impersonnelles qui nous permeltentde sortir des impressions purement subjectives. La science est toujours à iteprix. L'étude des couleurs ne fut scientifique que le jour où Newton découvrit un caractère objectif, la différence de réfrangibililé des rayons colorés ; faisons de même pour les émotions; renonçons à l'introspection de la conscience pour trouver des caractères objectifs et donnera nos recherches un point de départ scientifique. » Parmi ces caractères objectifs, Lange fait un choix ; il ne s'occupe pas beaucoup des gestes, des attitudes et des expressions, et réduit un peu schématiquement tous les signes des émotions aux modifications subies par les muscles de la vie de relation, les muscles des viscères et les muscles vaso-moteurs. Tous ces systèmes peuvent recevoir une innervation Irop forte, trop faible ou irrégulière, d'où contraction, relâchement, ataxie. D'autre part, Lange n'a point cru nécessaire, pour 1'établissemenl de sa théorie, de passer en revue toutes les émotions possibles avec leurs nuances indéfinies; il a étudié spécialement deux types, la joie et la tristesse ; son dessein n'est pas d'étudier l'émotion sous toutes ses formes, mais d'en définir la nature, et les exemples cités suffisent. Il est arrivé ainsi à dresser un tableau schématique, dans lequel chaque émotion correspond à une certaine combinaison, toujours la même, de phénomènes physiologiques. Du reste, tout cela a été imaginé d'après des souvenirs, à peu près selon une méthode de romancier, qui peint les passions de chic; on ne trouve pas dans son livre d'observations prises d'après nature. Voici son tableau. Diminution de l'innervation volontaire Désappointement. Id. -f- constriction vasculaire .. Tristesse. Id. 4- ' + spasme des muscles organiques Peur. Id. + incoordination Embarras. Augmentation de l'innervation volontaire. spasme des muscles organiques. Impatience. dilatation vasculaire.. Joie. id. + incoordination. Colère. Voilà une schématisation poussée à outrance. Lange va encore plus loin ; il essaye une nouvelle réduction ; il recherche si, parmi ces phénomènes physiologiques, tous ont la même importance, s'ils sont primitifs au même titre. D'après cet auteur, les troubles fonctionnels de l'innervation musculaire ne sont certainement pas la cause des modifications vaso-motrices; il est, au contraire, plus probable que ce sont les changements vasculaires qui déterminent les changements 390 ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES neuro-musculaires. La constriction des artérioles dans la tristesse pourrait produire la fatigue et la parésie des muscles par anémie du système nerveux. La dilatation des mêmes vaisseaux pourrait amener, par un mécanisme inverse, la suractivité motrice qui caractérise la joie. Du reste, Dumas remarque avec raison que l'hypothèse vaso-motrice peut être commode, mais n'est pas indispensable pour la définition de l'émotion. Nous ajouterons deux remarques sur ce point tout spécial : La première, c'est que tous les expérimentateurs sérieux qui ont étudié l'action des vaso-moteurs dans les émotions brusques, comme la surprise ou la peur, ont vu que la réaction vaso-moirice est toujours très lente, bien plus lente que l'émotion; le sujet est déjà très ému, que son système vaso-moteur, au moins dans les parties accessibles à l'enregistrement par la méthode graphique et notamment à la main, est encore pacifique; et, à l'inverse, une émotion brusque peut être terminée, alors que le vaso-moteur agit encore, est encore troublé, et que les petits vaisseaux sont serrés dans une constriction tenace. Ce sont des expériences qui ont élé faites un peu partout. Celles qui me sont personnelles, je les ai faites avec un de mes élèves, Courtier, et elles ont paru dans l'Année psychologique (III), j'y renvoie; on verra que beaucoup de précautions ont été prises pour donner à l'observation autant de précision que possible. Le sujet en expérience devait donner une série de signaux, pour avertir du moment où l'émotion venait, et du moment où il rentrait dans le calme. Nos sujets pouvaient même dessiner approximativement une courbe de leur émolion — dessin tout à fait schématique, bien entendu, qui montrait que l'émotion atteignait rapidement son maximum et déclinait avec lenteur; cette évolution émotionnelle n'avait rien de commun avec la marche du phénomène vaso-moteur. Une autre critique, tout aussi importante, qu'on peut adresser à la théorie de Lange, est qu'il n'est nullement établi que lavaso-dilatation soit le privilège des émotions gaies et la vaso-constriction le privilège des émotions tristes. Bien des recherches expérimentales ont été faites sur ce point, surtout sur des sujets sains, en Allemagne, en Amérique, et aussi en France, dans mon laboratoire, avec l'appareil de Hallion et Comte. Les études faites sur des sujets normaux sont les seules dont je veuille parler; les excitations agréables qu'on peut leur donner sont de degré faible et en nombre restreint. Nous ne sommes pas aussi facilement maîtres delà joie que de la douleur. Je puis affirmer sans hésitalion que toutes les fois qu'on a employé une technique correcte et avec des sujets normaux, on n'a point constaté cette opposition d'effet de la joie et de la tristesse sur les vaso-moteurs — tout ce qu'on a pu obtenir, par des joies, plaisirs, tristesses, douleurs de laboratoire, ce sont des états d'excitation, plus ou moins forts, plus ou moins marqués, dont le caractère variait beaucoup au point de vue physiologique; car ces réactions sont extrêmement complexes; elles sont une combinaison de l'action du cœur, des changements dans la pression du sang, et des changements dans le calibre des artérioles; mais le système vaso-moteur agit tour ÉMOTIONS, SENTIMENTS MORAUX ET RELIGIEUX 391 jours dans ce cas par de la vaso-conslriction. C'est en quelque sorte sa réaction unique. Il résulte de tout ceci qu'au point de vue du temps et au point de vue de sa nature, le phénomène vasculaire ne correspond point, dans les émotions brusques, au phénomène émotionnel. Mais ce n'est là •qu'une correction de détail à apporter à la théorie de Lange, et on »eut sans rien changer d'important à cette théorie donner |a première place à l'activité musculaire. Voyons maintenant comment Dumas juge -celle théorie. Le passage est intéressant, et nous le reproduisons : « Qu'est-ce donc que l'émotion dont nous avons énuméré, uploads/Philosophie/ theorie-des-emotions-de-james-a-binet.pdf

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