1 Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 École Doctorale Montaigne Humanités
1 Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480) THÈSE DE DOCTORAT EN « PHILOSOPHIE » La dialectique de la reconnaissance La renaissance d’un thème hégélien dans le discours philosophique du XXème Siècle Présentée et soutenue publiquement le 16 février 2012 par Hammadi ABID Sous la direction de Christophe Bouton Membres du jury : Christophe BOUTON, Professeur, Université Bordeaux 3 Franck FISCHBACH, Professeur, Université Nice Guillaume LE BLANC, Professeur, Université Bordeaux 3 Philippe SABOT, Maître de conférences HDR, Université Lille 3 tel-00738254, version 1 - 3 Oct 2012 2 Les mots clés : Hegel, Kojève, Lacan, Honneth, lutte pour la reconnaissance, dialectique du maître et de lřesclave, altérité, fin de lřhistoire. Résumé : Cette thèse étudie la réception plurielle de Hegel dans le discours philosophique du XXème siècle. En prenant comme fil rouge la dialectique hégélienne de la reconnaissance, cette thèse soumet à lřexamen ses réappropriations successives chez Kojève, Lacan et Honneth. La première réception de Hegel fût une théorie de lřanthropogenèse qui mettait lřaccent sur la lutte pour la reconnaissance et sur la fameuse dialectique du maître et de lřesclave. La reconnaissance de soi atteinte par lřesclave et sa victoire imaginaire ouvrant sur la terre promise de la reconnaissance correspondent à la fin du Temps Historique. Mais à la suite de Kojève, cřest cette version de lřanthropologie hégélienne qui a inspiré la psychanalyse lacanienne. Celle-ci constitue une critique de la conscience de soi considérée comme synonyme dřaliénation imaginaire. Bien quřindispensable pour la constitution dřun soi et dřun monde stables, la reconnaissance spéculaire de soi est forcément méconnaissance. Contrairement à Kojève et à sa reprise par Lacan, la théorie de la reconnaissance dřHonneth constitue lřenvers de la domination puisquřelle autorise le passage de la tyrannie de lřinconscient et du déni résiduel à une lutte pour la reconnaissance. Son entreprise consiste à renouer avec Hegel, mais celui-ci nřest pas lu comme une pensée de lřhistoricité, mais celle de la constitution intersubjective de lřautonomie du sujet. Ainsi, lřhorizon de la vie éthique ne procède plus dřune dialectique du développement historique, il est inscrit plutôt dans la formation psycho-sociologique de lřidentité. Keywords: Hegel, Kojève, Lacan, Honneth, struggle for recognition, dialectic of master and slave, alterity, end of history. Abstract: The question, which is at the core of this dissertation is the plural reception of Hegel in the philosophical discourse in the 20th century. The guiding line in this study is the Hegelian dialectics of recognition, I then examined in this dissertation its successive reappropriations in Kojève, Lacan and Honneth. The first reception of Hegel was a theory of anthropogenesis, which focused on the struggle for recognition and on the well known dialectic of master and slave. The self-recognition achieved by the slave and by his/her imaginary victory opening onto the promised land of recognition, corresponds to the end of Historical Time. However, after Kojève, it was that version of Hegelian anthropology that inspired Lacanian psychoanalysis. The Lacanian psychoanalysis is a critique of self- consciousness, which is considered as synonymous with imaginary alienation. The specular recognition of oneself, while essential for the formation of a stable self and world, is necessarily misrecognition. Unlike Kojève and his resumption by Lacan, Honnethřs theory of recognition is considered as the opposite of domination since it allows the transition from the tyranny of unconscious and residual denial to a struggle for recognition. Honnethřs gesture consists in returning to Hegel, but the latter is not represented as a thought of historicity, but as the intersubjective constitution of the autonomy of the subject. Thus, the horizon of ethical life is no longer a matter of historical development dialectics but rather a question, which stemmed from the formation of psycho-sociological identity. tel-00738254, version 1 - 3 Oct 2012 3 Remerciements Je tiens à remercier très vivement Monsieur Christophe Bouton dřavoir accepté de diriger cette thèse et de lřavoir encadrée par ses conseils si précieux. Je le remercie pour le temps quřil mřa très généreusement consacré durant lřaccomplissement de ce travail. Le soutien, les discussions et lřinitiation à la recherche quřil mřa apportés me sont dřune valeur inestimable et mřont été indispensables à lřaccomplissement de cette recherche. Je le remercie pour avoir été cordialement à lřécoute et pour sřêtre rendu toujours disponible. Ce travail nřaurait pu être effectué sans le soutien de plusieurs personnes. Jřexprime ma plus vive gratitude à François-Xavier Meyer, pour son soutien constant, sa présence et sa patience. Je nřoublierai certainement pas Batoul Kazwini, Nelly Carruette, Mahmoud Rekik et Habib Ouni. Je ne terminerai pas sans adresser un immense merci à ceux qui je dois tout, à mes parents pour leurs prières, à mes frères et sœurs pour leurs souhaits. tel-00738254, version 1 - 3 Oct 2012 4 Introduction « En tant que ce sens commun invoque le sentiment, son oracle intestin, il en a fini face à quiconque nřest pas dřaccord ; il lui faut déclarer quřil nřa rien de plus à dire à celui qui ne trouve pas et ne sent pas en lui-même la même chose ; - en dřautres termes, il foule aux pieds la racine de lřhumanité. Car la nature de celle-ci consiste à faire pression en direction de lřaccord avec dřautres, et son existence ne se rencontre que dans lřavoir-en-commun réalisé des consciences. Lřinhumain, le bestial, consiste à en rester au sentiment et à ne pouvoir se communiquer que par celui-ci. » Hegel, Phénoménologie de l’esprit 1. Le chapitre IV de la Phénoménologie intitulé « La vérité de la certitude de soi- même », compte parmi les pages à la fois les plus étranges et les plus célèbres quřait écrites Hegel. Le philosophe décrivait ici le passage de la conscience dřobjet à la conscience de soi, cřest-à-dire le moment où elle se prend elle-même pour objet, mais ce texte dérive très vite vers une mise en valeur spectaculaire de la place de lřintersubjectivité dans la co-constitution du sujet. Finalement, par lřaffirmation du primat de la vie et du désir dans la conscience même, par ses analyses sur « la lutte pour la reconnaissance » et la « lutte à mort » censée y conduire, Hegel a mis en place dans ces pages toute une série de thèses anthropologiques qui nřont cessé dřinformer la pensée philosophique au XXème siècle. Hegel a été introduit en France, dans les années 1930 via Kojève, et sa réception était centrée sur la célèbre dialectique du maître et de lřesclave de la Phénoménologie de l’esprit. Le motif hégélien a pris aussitôt, non sans quelques tonalités mélancoliques, la forme dřune réflexion sur la fin de lřhistoire. Celle-ci signe aussi bien la disparition de lřhomme ; non pas le règne de la satisfaction, mais celui de lřabsence de désir, voire du désœuvrement. Nous nous pencherons tout dřabord sur la lecture kojèvienne de Hegel, puis sur sa reprise notamment par Lacan, et mesurerons les inflexions quřelles font subir à la dialectique hégélienne. 1 Phénoménologie de l’esprit, « Préface », trad. de Bernard Bourgeois, Paris, Vrin, 2006, p. 110. tel-00738254, version 1 - 3 Oct 2012 5 En mettant lřaccent sur lřhomme en tant que négativité-négatrice, Kojève oriente le négatif vers lřextérieur comme désir anthropogène violent. Il se focalise sur Hegel en tant que penseur de lřhistoricité radicale et particulièrement sur la bataille dřIéna et la période napoléonienne en tant quřelle inaugure la fin de lřhistoire. En conséquence, il accentue la dialectique du maître et de lřesclave afin de rétablir la négativité à lřintérieur de lřanthropologie. Comme lřavait remarqué Judith Butler, Kojève maintient « une ontologie dualiste qui coupe les êtres humains en deux dimensions, naturelle et sociale.2 » Sur cette base, il transforme la négation en « une action dřorigine humaine qui sřapplique de lřextérieur au domaine du non-humain » de façon à transformer le naturel en social. Kojève suit, en fait, la division kantienne entre lřanthropologie « pragmatique » et celle dite « physiologique ». Lř« anthropologie physiologique », selon Kant, étudie le processus de la transformation de lřHomme par la nature, tandis que lř« anthropologie pragmatique » sřoccupe du processus de transformation de lřHomme par lui-même comme être libre, agissant en tant que tel et déterminant sur cette base ce quřil doit faire et ce quřil devrait faire. Lř« anthropologie pragmatique » est utilisée comme fondement de la société afin de protéger la liberté humaine contre le domaine de ce qui est baptisé par la suite lř« impensé ». Hyppolite admet aussi la formulation hégélienne selon laquelle « les êtres humains sont ce quřils ne sont pas et ne sont pas ce quřils sont.3 » Cependant, alors que Kojève « infère de cette non-coïncidence un monde dualiste » dans lequel la négation est une puissance créatrice exercée par le sujet libre sur un objet extérieur, Hyppolite Ŕ et Sartre aussi dans L’Être et le Néant Ŕ intériorise la négation de façon à « faire de la dualité (négation interne) le principe dřun moniste ontologique.4 » Lřinsistance dřHyppolite sur la conscience malheureuse plutôt que sur la dialectique du maître et de lřesclave témoigne de cette différence radicale uploads/Philosophie/ these-abid.pdf
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- Publié le Jui 29, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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