UNIVERSITE DU Q,UEBEC THESE PRESENI'EE ~ L'UNIVERSITE DU Q,UEBEC ~ TROIS-RIVIER
UNIVERSITE DU Q,UEBEC THESE PRESENI'EE ~ L'UNIVERSITE DU Q,UEBEC ~ TROIS-RIVIERES COMME EXIGENCE PARTIELLE (DE LA MAITRISE ES ARTS (PHILOSOPHIE) PAR ROBER!' CLAVEr B. Sp. PHILOSOPHIE LE SENS DE NOTRE EPOQUE chez NICOLAS BERDIAEFF FEVRIER 1976 Université du Québec à Trois-Rivières Service de la bibliothèque Avertissement L’auteur de ce mémoire ou de cette thèse a autorisé l’Université du Québec à Trois-Rivières à diffuser, à des fins non lucratives, une copie de son mémoire ou de sa thèse. Cette diffusion n’entraîne pas une renonciation de la part de l’auteur à ses droits de propriété intellectuelle, incluant le droit d’auteur, sur ce mémoire ou cette thèse. Notamment, la reproduction ou la publication de la totalité ou d’une partie importante de ce mémoire ou de cette thèse requiert son autorisation. l , ' " l' ,1 " "LE SENS DE ~OTRE EPO~UE CHEZ NICOLAS BE~DIAEFF" (RESm1E) Les catastrophes et les crises historiques sont, pour le philosophe, une tragique invitation à chercher le sens de l'histoire. Nicolas Alexandrovitch Berdiaeff, né en 1874 et mort en 1948, vécut à une époque particulièrement troublée. Il connut trois guerres, dont deux mondiales, les deux révo- lutions russes, "la crise de la civilisation mondiale", le coup d'état en Allemagne et l'occupation en France. Animé par la flamme prophétique, l'auteur du Sens de la Création a pleinement répondu à cette invitation en c~nsacrant plusieurs ouvrages touchant à la philosophie de l'histoire. En tenant comp te d'au moins qua'torze de ces derniers, j'ai tenté de montrer quel est, se~on lui, le sens de notre époque. Pour ce faire, je me suis d'abord attardé au pro- blème de la connaissance historique. J'ai ensuite montré en quoi sa pensée est une philosophie chrétienne. Enfin, une clef fondamentale de la métaphysique berdiaévienne, soit la dialectique existentielle du divin et de l'humain, m'a permis de répondre à cette troublante question. Robert Clavet Alexis Klimov ABREVIATIONS EMPLOYEES pour désigner les oeuvres de N. Berdiaeff. ASNE Au seuil de la nouvelle époque. CME Cinq méditations sur l'existence. DDH De la destination de l'homme. DEDH Dialectique existentielle du divin et de l'humain. DHMA Destin de l'homme dans le monde actuel. EAS Essai d'autobiographie spirituelle. ED L'Esprit de Dostoievski. EL Esprit et liberté. ELH De l'esclavage et de la liberté de l'homme. EME Essai de métaphysique eschatologique. JE Mysterium Magnum de Jacob Boehme, traduit par N. Berdiaeff avec Deux études sur Jacob Boehme. NMA Un nouveau Moyen âge. RERC Royaume de l'esprit et royaume de César. SC Le Sens de la création. SH Le Sens de l'histoire. VR Vérité et révélation. N.B. Seuls les ouvrages cités (de N. Berdiaeff) ont été relevés sur cette page. AVANT - PROPOS Nous découvrons, à travers l'oeuvre de Berdiaeff, une évolution sur le plan de l'expression de sa pensée. J'ai essayé, tout au long de ce mé- moire, de surmonter cette difficulté en glissant d'une période à une autre sans toutefois en avertir le lecteur. Cette façon de faire m'a permis d'éviter certaines excursions ~ui exi- geaient presque toujours un développement laborie~. Ainsi le texte a pu être réduit à une longueur acceptable dans les circonstances. INI'RODUCI' ION Berdiaeff apparatt comme un véritable proph~te qui, au coeur des tén~bres engendrées par une civilisation sénile, a su discerner la vérité des nouveaux facteurs mondiaux et lutter contre ses éléments néfastes. Pour ce faire, il s'est toujours placé sur le plan spirituel 1 sans jamais s' en- traver de principes moraux et légalistes abstraits. Ce "plan spirituel" n'impliquait en aucune façon, chez lui, une défense aveugle et stérile du passé car il considérait l'esprit comme étant essentiellement révolution- naire. Il était le premier à dénoncer les "chrétiens" qui se cachaient der- ri~re des valeurs spirituelles abstraites pour justifier l'exploitation de l'homme par l'homme. Pourtant, sa pensée a toujours été fondamentalement chrétienne. C'est aussi au nom de l'homme qU'il lutta contre le communisme, mais sans jamais lui opposer des idées vieillies et bourgeoises. Il était incidemment d'accord avec sa critique du monde capitaliste et acquis à la vérité du socialisme. Mais il ne pouvait admettre son point de vue philo- sophique qui abaissait l'homme concret, tout autant que le "christianisme historique" et l'individualisme bourgeois. Tout en luttant contre l'obscurantisme, l'examen et l'approfondis- sement des destinées historiques l'avaient persuadé de la réalité et de l'importance des principes irrationnels qui agissent dans l'histoire. "La vieille foi en la raison est imruissante devant les forces irrationnelles de l'histoire. ( ••• ) Dans les destinées histo- riques agissent des principes irrationnels qui, en soi, ne cons- tituent pas le mal, mais peuvent pourtant l'engendrer. Il est impossible de lutter contre ce mal au moyen des seuls principes rationnels, car ils ont perdu toute force. On ne peut lutter que par la foi qui, elle, est suprarationnelle." (ASNE, 7-8) Nous retrouvons chez Berdiaeff cette nature complexe, propre aux grands philosophes, qui lui faisait vivre ces contradictions -inégalement surmontées- propres ~ toute grande pensée tendue vers le dépassement des 2 limitations de "ce monde". Il y avait en lui un fond qui échappe ~ la parole, une conviction fondamentale de n'être pas de "ce monde", d'où une nostalgie permanente, une "nostalgie du transcendant" (EAS, 9). Ontologiquement parlant, il n'existe, selon lui, qu'un monde, qu'un cosmos 2 , qu'une sub- stance divine, mais la chute de l'être l'a fractionné et dédoublé. "La créa- tion du monde est un processus intérieur d'éclatement de l'être divin" (SC, 17.3). Notre monde n'est pas le cosmos. Au contraire, il est un "état de désordre et d'hostilité, d'atomisation et de désagrégation ( ••• )" (SC, .31). Le monde véritable est donc tombé, selon lui, dans une condition morbide où l'être, affaibli, dédoublé, est captif. "L'esprit humain est dans une prison. Et, cette prison, je l'appelle le "monde", la donnée mondiale, la nécessité" (sc, .31). Et plus loin, ""Ce monde" doit être surmonté et vaincu, ce qui ne signifie pas l'hostilité contre ce monde, contre le cosmos, mais seulement l'opposition ~ son affaiblissement et ~ sa maladie" (SC, 188-189). "Ce monde" est donc un défi ~ relever, un mal ~ surmonter, une liberté ~ conquérir. Ce sentiment de n'être pas de "ce monde" ne l'a cependant plongé ni dans l'inaction, ni dans le mutisme; mais sa conception de l'histoire n'en reste pas moins eschatologique. "Aux époques historiques agitées, aux époques de révolutions spirituelles, le philosophe ne peut rester confiné dans son cabinet, au milieu de ses livres, sans prendre part ~ la lutte spirituelle. ( ... ) Ma pensée a toujours été du type de la philosophie existentielle. Les contradictions qu'on peut y relever sont celles qui naissent de la lutte spirituelle; elles sont inhérentes à l'existence elle-même et ne se laissent pas dissimuler sous une apparente unité logique. La véritable unité de la pensée, d'ailleurs in- séparable de l'unité de la personne, est une unité existentielle et non logique. Or, l'existentialité est contradictoire. La personne est l'invariabilité dans la variation. C'est là une des définitions essentielles de la personne. (II .) La pensée philosophique est une formation complexe, et même dans les syst~mes philosophiques les plus logiques et les plus unis il est facile de déceler la présence d'éléments contradic- toires. Loin d'être un mal, c'est là plutôt un bien. Un monisme parfait et définitif de la pensée est irréalisable, et sa réali- sation serait même un mal. (II. ) ••• l'arrêt du développement dialectique, en présence de contra- dictions sans cesse renaissantes, équivaudrait à la fin du monde. Tant que le monde existe, les contradictions sont inévitables. C'est pourquoi la pensée aboutit nécessairement à une perspec- tive eschatologique, qui projette sur elle une ' lumi~re pour ainsi dire rétrospective et éclaire en même temps les paradoxes et les contradictions de la. vie du monde." (ELH, 5-7) Chez Berdiaeff, comme chez tous les philosophes de type prophétique, la parole devient acte et l'acte devient parole. On peut dire de lui ce que Klossowski disait de Nietzsche: un de ces hommes qui est à la fois une sorte de chance et d'occasion pour que l'indicible prenne enfin la parole, pour que ce qui se situe dans la profondeur mystique 3 soit mimé selon la sémiotique gestuelle des ' proph~tes. Il est un de ces hommes appartenant à la fois, par de douloureuses contorsions, aux royaumes de l'Esprit et de César. C'est au plus profond de son être que notre philosophe a fait l'expé- rience de ce qui allait lui révéler le sens de l'activité créatrice de l'homme et imprimer à son oeuvre un dynamisme nouveau que seule la mort a pu stopper. "Je suis passé par une période d'accablement sous la conscience du péché 4. Aucune lumi~re ne surgissait de cette conscience, mais les té- n~bres augmentaient. C ... ) Le sentiment aigu et prolongé de peccabilité m~ne à l'accablement, alors que le but de la vie est de surmonter l'acca- 3 4 blement " (EAS, 263-264). Mais voici que, comme Pascal, au cours d'une nuit mystique, il triomphe de cet état d'accablement et éprouve une exaltation intense. "C'était en été, à la campagne; j'étais au lit et uploads/Philosophie/ these-le-sens-de-notre-epoque-chez-nicolas-berdiaev.pdf
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- Publié le Oct 08, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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