testi e linguaggi 8/2014 189 Traduire un essai sur la photographie. Approche co

testi e linguaggi 8/2014 189 Traduire un essai sur la photographie. Approche contrastive des difficultés lexicales par Sarah Pinto Abstract Based on the analysis of the translation into Italian of an essay of the French historian of photography Clément Chéroux, Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique, the aim of this article is to insist on the importance of a lexical contrastive analysis when translating. An essay on photography belongs as to literature as to specialized texts so that the translation has to be precise towards the words of photography and also to the expressive choices of the author. Through the mistranslations picked out in the Italian edition, we intend to reaffirm the professionality required for any translation and also to minimize our critics stressing the cultural value of translating project. 1 Introduction Il semble acquis aujourd’hui que la traduction interlinguistique, comprise dans son sens tra- ditionnel de traduction non subordonnée, est une opération complexe et totale qui ne porte pas seulement sur la transposition d’un contenu d’une langue vers une autre, mais sur tout ce qui dans la forme du texte fait sens, au niveau lexical, syntagmatique, syntaxique, structurel, rythmique, pragmatique et que la traduction doit également prendre en compte tout ce que cette forme même suppose dans l’énonciation du point de vue culturel de la communauté à laquelle appartiennent idéalement l’auteur et ses lecteurs, qu’il s’agisse de poésie, de sites web ou de guides pour immigrés. Une compétence bilingue ne suffit donc pas à un traduc- teur, qui a besoin d’une conception globale des processus de traduction, comme respect du «vouloir dire original»1 de l’auteur du message, pour reprendre les positions de ce qu’on appelle la «théorie interprétative du sens»2. Cependant, si science de la traduction il y a, elle ne peut, pensons-nous, qu’apparte- nir aux sciences du langage où se trouvent ses fondements scientifiques; un bon traducteur (professionnel ou non, toute personne se trouvant dans la situation de devoir produire une traduction, quel que soit le contexte) ne peut se passer d’une réflexion d’ordre linguistique et contrastive, que cette opération avienne en amont de la traduction ou au moment même de son exécution. Nous voudrions donc revenir à la matière première de la traduction, les mots, en illustrant notre propos à partir de l’analyse des difficultés lexicales que peut poser la traduction d’un essai sur la photographie. Le texte qui servira de base à notre analyse est la traduction italienne d’un essai de Clément Chéroux, historien de la photographie, intitulé testi e linguaggi 8/2014 190 sarah pinto Fautographie. Petite histoire de l’erreur photographique3, parue en 2009 dans sa version ita- lienne aux Éditions Einaudi de Turin, réalisée par un traducteur non professionnel. Cet essai se présente comme un «traité de “ratologie”4 photographique, à l’usage des esthètes et des curieux, [qui] s’attachera à tenter de cerner les lapsus du médium et de comprendre ce qu’ils révèlent»5, postulant sur la valeur de l’erreur comme moyen de connaissance. Fautographie est un texte qui présente une réflexion théorique fondée en partie sur des considérations linguistiques («lapsus révélateur») ainsi qu’une forte identité stylis- tique qui s’affirme dès le titre, et traite d’une discipline, la photographie, qui, sans être une discipline scientifique à proprement parler, possède un statut épistémologique propre. La photographie est en effet une discipline qui se trouve à la croisée de différentes aires cultu- relles. Il s’agit d’une technique de production d’images qui repose sur des connaissances scientifiques précises, empruntant à l’optique et la physique, à la chimie et aujourd’hui, à l’électronique et l’informatique; on peut donc parler d’une discipline technique, disposant de concepts opératoires précis. Mais par ses usages, la photographie rejoint les pratiques sociales, amateurs et professionnelles, et peut susciter des discours sociologiques; d’autre part, en tant que pratique artistique, elle est aussi l’objet de réflexions d’ordre esthétique, et en tant que telle, l’étude de l’histoire de la photographie rejoint l’histoire de l’art mo- derne. La photographie, en tant qu’objet de connaissance, appelle donc des discours et des connaissances variés. Pour cerner les spécificités que comporte la traduction d’un essai sur la photographie, il est utile de définir la typologie textuelle dont il est question. L’essai est un genre discursif relativement libre, aux frontières floues, parfois considéré comme un genre littéraire, dont le fondateur serait Montaigne, ou de façon plus générique comme un texte qui traite d’un aspect de la connaissance; pour reprendre la définition du tlf6, il s’agit d’«ouvrage dont le sujet, sans viser à l’exhaustivité, est traité par approches successives, et généralement selon des méthodes et des points de vue mis à l’épreuve à cette occasion». La particularité d’un essai réside ainsi dans la liberté de style et de composition, où les positions exprimées visent tout de même à une validité scientifique, d’ordre spéculative et théorique. Autrement dit, un essai propose une réflexion, une position, le parcours d’une pensée sur un sujet généralement circonscrit, en l’occurrence ici les spécificités du médium photographique. Si l’on reprend la tripartition textuelle générale proposée par Katharina Reiss7 entre les textes au contenu prédominant, les textes à fonction expressive prédominante et les textes à fonction conative prédominante, un essai sur la photographie se trouverait ainsi à mi-chemin entre la première catégorie, puisqu’il transmet des connaissances précises et la deuxième, puisque l’expression de ces connaissances a son rôle dans la construction du sens; d’un point de vue traductif, la traduction d’un essai relève à la fois de la traduction littéraire et de la traduction spécialisée. Nous partageons ainsi la définition donnée par Johanna Monti, s’appuyant sur la définition de l’essai de J. C. Sagger: Si tratta dunque di una tipologia testuale la cui caratteristica principale è quella di essere un testo “aperto” in cui l’autore esprime in forma prosaica la propria opinione su un argomento specifico che può essere sia di natura letteraria che di natura tecnico-scientifica. Un genere testuale dai contorni non così nettamente individuabili, tant’è che spesso lo si confonde con la trattazione scientifica, in partico- lar modo quando l’argomento del saggio è per l’appunto di tipo scientifico. Tuttavia si differenzia da questo per la formulazione soggettiva di una tesi e per la consapevolezza stilistica dell’autore8. testi e linguaggi 8/2014 191 traduire un essai sur la photographie Pour ce qui concerne les textes de spécialités, l’attention traductive se pose souvent sur les lexèmes spécialisés et les termes au détriment de la dimension textuelle et expressive, qui est en revanche fondamentale dans l’essai. Cependant, comme le rappelle Jacques Lethuillier, «on parle de traduction spécialisée dès que le bagage cognitif partagé par le plus grand nombre ne suffit pas pour mener à bien les opérations de décodage et de transcodage, et qu’un appoint de connaissances s’impose. Ainsi, dans le processus de la traduction spécialisée, l’appoint de connaissances revêt un caractère essentiel»9. Or cet appoint des connaissances passe en grande partie par l’acquisition d’un lexique spécialisé, comme nous allons le voir. Le texte choisi nous semble utile à notre réflexion parce qu’il présente fortement les deux caractéristiques de l’essai dont nous avons parlé plus haut: un style personnel et non académique et un lexique dont la précision est celle d’une langue de spécialité, en l’occur- rence celle de la photographie, notamment dans la dénomination des erreurs techniques, objet central de l’analyse. 1 Difficultés liées à la spécialisation du lexique a. Isomorphismes10 Le vocabulaire technique de la photographie, comme tout vocabulaire scientifique, contient une bonne part de mots composés empruntés au fond gréco-latin, procédé commun à toutes les communautés scientifiques européennes au dix-neuvième siècle11, siècle de l’in- vention de la photographie. On trouve donc un certain nombre de mots isomorphes en l’italien et en français, à commencer par photographie/fotografia formé des composants grecs dont seule la réalisation orthographique diffère entre les deux langues. D’autre part, l’angli- cisation croissante des termes scientifiques et techniques au long du 20e siècle a contribué elle aussi à une certaine homogénéisation lexicale. tableau 1 Exemples d’isomorphismes italien/français dans le vocabulaire de la photographie12 Français Italien Français Italien obturer otturare netteté nitidezza flash flash densité densità synchronisation sincronizzazione contraste contrasto stéréoscopique stereoscopico autochrome autochrome surexposition sovresposizione sous-exposition sottesposizione Comme on peut le voir à travers les quelques exemples du tableau n. 1, aussi bien les mots composés que les termes simples présentent souvent de fortes similitudes entre les deux lan- gues. On trouve aussi dans les deux langues, de façon parallèle, des syntagmes empruntant un ou plusieurs lexèmes au langage courant, comme indiqué dans le tableau n. 2. testi e linguaggi 8/2014 192 sarah pinto tableau 2 Groupes syntagmatiques isomorphes Français Italien couche sensible strato sensibile point de vue punto di vista obturateur à rideaux otturatore a tendine Dans les cas des isomorphismes cités en exemple ici, qui ne peuvent certes se deviner ex nihilo, les encyclopédies, dictionnaires bilingues, glossaires thématiques, banques de données terminologiques, moteurs de recherches sont autant d’outils nécessaires et sou- vent suffisants pour confirmer les équivalences et faciliter le travail du traducteur13. b. Termes non isomorphes De façon assez surprenante, on trouve dans la traduction examinée quelques termes français de la photographie laissés tels quels dans le uploads/Philosophie/ traduire-un-essai-sur-la-photographie.pdf

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