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Tous droits réservés © Faculté de théologie de l'Université de Montréal, 1995 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 13 juin 2020 23:55 Théologiques La conception du travail dans la Bible et dans la tradition chrétienne occidentale Aldina Da Silva Crise du travail, crise de civilisation Volume 3, numéro 2, octobre 1995 URI : https://id.erudit.org/iderudit/602426ar DOI : https://doi.org/10.7202/602426ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de théologie de l'Université de Montréal ISSN 1188-7109 (imprimé) 1492-1413 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Da Silva, A. (1995). La conception du travail dans la Bible et dans la tradition chrétienne occidentale. Théologiques, 3 (2), 89–104. https://doi.org/10.7202/602426ar Résumé de l'article Dans la tradition chrétienne occidentale le travail fait parfois l’objet d’une appréciation positive, mais bien plus souvent négative. D’où vient cette vision péjorative attachée à l’image du travail? Pour répondre à cette question, cet article aborde, en premier lieu, la conception du travail dans la Bible à partir d’une étude du vocabulaire et d’une analyse de quelques textes de la Genèse, des Sages, des Prophètes et du Nouveau Testament. En deuxième lieu, nous montrerons comment quelques textes bibliques, souvent isolés de leur contexte, ont influencé les conceptions et pratiques historiques du christianisme à propos du travail. Théologiques 3/2 (1995) 89-104. La conception du travail dans la Bible et dans la tradition chrétienne occidentale Aldina DA SlLVA Faculté de théologie Université de Montréal RÉSUMÉ Dans la tradition chrétienne occidentale le travail fait parfois Vobjet d'une appréciation positive, mais bien plus souvent négative. D'où vient cette vision péjorative attachée à l'image du travail? Pour répondre à cette question, cet article aborde, en premier lieu, la conception du travail dans la Bible à partir d'une étude du vocabulaire et d'une analyse de quelques textes de la Genèse, des Sages, des Prophètes et du Nouveau Testament. En deuxième lieu, nous montrerons comment quelques textes bibliques, souvent isolés de leur contexte, ont influencé les conceptions et pratiques historiques du christianisme à propos du travail. Le verbe « travailler » en latin signifie jusqu'au X V I e siècle « faire souffrir », « tourmenter* ». I l vient du vocable tripalium qui désignait, dans le latin tardif, un appareil à trois pieux permettant d'immobiliser le cheval que l'on voulait ferrer. De là, on est passé au sens plus général de torture. Encore au X V I I I e siècle, le Dictionnaire de VAcadémie française souligne que le travail implique un effort douloureux, souffrant et p é n i b l e 2 . Les gens de travail sont des hommes de peine. Cette même idée * E. H U G U E T , Dictionnaire de la langue française du seizième siècle. Vol. 7, Paris, Didier, 1967, p. 319-320. 2 En 1935, la huitième édition révisée de ce dictionnaire, Paris, Librairie Hachette, définit ainsi le mot travail : « labeur, effort soutenu pour faire quelque 90 ALDÎNA DA SILVA est contenue dans le vocable «labeur» qui provient du mot latin labor, « peine ». I l a donné ensuite làborius, « pénible ». Il est aussi intéressant de remarquer que les mots « peine » et « punir » viennent de la même racine latine. Cette simple histoire des mots illustre la perception pessimiste du travail qui traverse la culture de l'Occident. Pourtant, à côté de cette vision aliénante du travail, une autre vision parcourt la pensée chrétienne : celle du travail comme lieu de libération. Dans la première partie de cette étude nous essaierons donc de montrer comment cette ambivalence à l'égard du travail se retrouve déjà dans les textes bibliques. Pour ce faire, nous étudierons dans un premier temps le vocabulaire biblique concernant le travail. Puis, nous aborderons les conceptions optimiste et pessimiste du travail à partir de l'analyse de quelques textes de la Genèse, des Prophètes, des Sages et du Nouveau Testament. Dans la deuxième partie, nous montrerons comment quelques textes bibliques, souvent isolés de leur contexte, ont influencé les conceptions et pratiques historiques du christianisme à propos du travail. Bien entendu, nos propos concerneront surtout la tradition catholique. En plus, nous ne retiendrons que les aspects principaux de la question et nous ne pourrons pas toujours établir les nuances nécessaires, mais il ne saurait en être autrement lorsqu'on traite un sujet d'une telle ampleur dans un espace aussi restreint. 1. Le travail dans la Bible l.l Le vocabulaire Le vocabulaire hébraïque connaît au moins une dizaine de substantifs pour décrire le travail^. Les mots qui désignent le travail sans connotation chose », et le mot travailler : « tourmenter, soumettre à une gêne, causer de la peine ». Aujourd'hui encore on dit en travail une femme en douleur d'enfantement. ^ Sur le travail dans la Bible, voir : Trabalho et trabalhador, Estudos Biblicos 11, Petrôpolis, Vozes, 1986, 122 p.; C. W E S T E R M A N N , « Travail et œuvre culturelle dans la Bible », Concilium 151 (1980), p. 95-106; N. B. P E R E I R A , « O trabalho e o trabalhador na Biblia », RCB 21 (1978) p. 79-100; P. de S U R G Y et J. G U I L L E T , art. « Travail », Vocabulaire de théologie biblique. Paris, Cerf, 1977, col. 1306-1312; G. A G R E L L , Work, Toil and Sustenance. Verbum, Hakan Ohlssons, 1976, 261 p.; P. B E A U C H A M P , « Travail et non-travail dans la Bible», LumVie 124 (1975) p. 59-70; H. W . W O L F F , Anthropologie de VAncien Testament. Genève, Labor et Fides, 1974, p. 112-116; L. R A M L O T , art. « Trabajo », Enciclopedia de la Biblia. Vol. 6, Barcelona, Ediciones Garriga, 1965, col. 1050-1075; P. B E N O I T , « Le travail selon la Bible », LumVie 20 L A CONCEPTION DU TRAVAIL 91 péjorative sont les suivants : m'sh, « action », « ouvrage », « travail (des champs, artistique) », « fruit du travail », « travail (œuvre de Dieu) »; 'bdh, « travail quotidien » qui peut être celui des champs, de la construction, ou des occupations sacerdotales incluant la liturgie; mVkh, « mission », « travail », « métier », « commerce »; p }l, « travail », « œuvre », « salaire ». Les mots qui désignent le travail à connotation péjorative sont les suivants : 'ml, « travail » dans tout ce qu'il a de plus fatigant et pénible; ygy' englobe le sens de pénalité attachée au « travail », la fatigue des mains; 'sb, « douleur », « peine (du travail) »; ms, « travail obligatoire », « corvée » et sblwt, « corvée ». Les travailleurs sont souvent désignés dans la Bible par leur spécialité. Nous ne citerons ici que quelques termes généraux. Le plus fréquent est (bd, « serviteur », « esclave », mais aussi « sujet du roi », « ministre » ou « haut fonctionnaire »; hr$ qui désigne toute sorte d'artisans, en particulier les métalurgistes, les fabriquants d'idoles et les charpentiers; 'ml, « celui qui se fatigue », ne revient que deux fois avec le sens de travailleur (Jg 5,26; Qo 9,9). Pour désigner les « travailleurs », l'hébreu emploie plutôt des expressions comme 'sh mVkh, « exécuteurs du travail » ou (ns mVkh, « hommes du travail ». En ce qui concerne le vocabulaire grec de la Septante et du Nouveau Testament^, nous avons, sans connotation péjorative, les substantifs suivants : ergon, « action », « œuvre » dans son sens général; poiema, « œuvre » mettant en relief l'aspect créateur de l'action; pragma, praxis, « activité ». Avec une connotation péjorative, signalons pônos, « travail » associé à la fatigue, souffrance, pauvreté et même maladie; kâmatos qui exprime, plus encore que pônos, l'effort lié au travail et kôpos, « peine », « souffrance », « travail pénible ». Ce dernier terme traduit souvent dans (1955) p. 209-222; H. LESÊTRE, art. « Travail », Dictionnaire de la Bible. Vol. 5, Paris, Letouzey et Ané, 1912, col. 2302-2305. Sur le vocabulaire hébraïque du travail on consultera aux articles respectifs les dictionnaires suivants : Theological Dictionary of the Old Testament-, Theologisches Handwôrterbuch zum Alten Testament. Cf. encore L RAMLOT, art. cit., col. 1050-1052 et P. HUMBERT, « L'emploi du verbe pa^al et de ses dérivés substantifs en hébreu biblique », ZeitAltW 65 (1953) p. 35-44. 4 Sur le vocabulaire grec du travail on consultera les articles respectifs dans le dictionnaire suivant : Theological Dictionary of the New Testament. Cf. uploads/Philosophie/ travail-dans-la-bible.pdf

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