Des recensions critiques. SÉRENDIPITÉ fra eng  FLUX RSS  LA LETTRE  CONTACT

Des recensions critiques. SÉRENDIPITÉ fra eng  FLUX RSS  LA LETTRE  CONTACT  LA REVUE o o o o o o  SOUMETTRE UN ARTICLE o o o o  TRAVAUX  LABORATOIRE  LIVRES  OBJETS  DANS L’AIR  TRAVERSES  BIBLIOTHÈQUE RÉFÉRENCE MOTS-CLÉS  individualité  individuation  individualisation  subjectivation  Reste-du-monde RÉSUMÉ BIBLIOGRAPHIE AUTEUR Gérard Martial Amougou  IMPRIMER  TÉLÉCHARGER (PDF)  CITER  PARTAGER : Une approche autre de l’individualité. Emmanuel Lozerand (dir.). 2014. Drôles d’individus. De la singularité individuelle dans le Reste-du-monde. Paris : Klincksieck. Gérard Martial Amougou RECHERCHER Cet ouvrage[1] collectif réunissant 36 auteurs naît du malaise éprouvé par le refus de reconnaissance de l’existence des individus en dehors du sérail occidental. L’objectif poursuivi est d’étudier — à partir d’une perspective comparatiste et pluridisciplinaire — d’autres conceptions de l’individu expérimentées dans le Reste-du-monde, en posant les rapports sociaux comme principe premier d’évaluation de l’individualité, plutôt que de se lancer à la recherche d’un modèle-type d’individu ou de socialité qui, le plus souvent, s’effectue au gré des critères occidentaux d’évaluation. Dès les premières notes introductives (p. 17-58), Emmanuel Lozerand indique clairement que ce refus de reconnaissance de l’individualité ailleurs serait légitimé scientifiquement par le Grand récit sur l’individualisation, profondément structuré par des « concepts vénérables » et non moins « opaques » élaborés par les « pères fondateurs de la sociologie » (p. 26). Une fois le ton lancé, d’autres contributions introductives de sociologues « de l’individu » renforcent les fondements épistémologiques de l’ouvrage. Danilo Martuccelli (p. 59-70) propose ainsi un tableau stimulant de six récits ayant structuré la problématique de l’individualisation au Sud (« Grand Autre », « insuffisances, manques et anomalies », « ni, ni », « différence », « sujet collectif » et le « même ») tout en reconnaissant leur incapacité à rendre compte des spécificités de l’individu « de chair et d’os » (p. 69). Ce qui débouche sur une seconde contribution du même auteur, associé à Kathya Araujo (p. 71-80), qui problématise l’étude des individus au Sud en mettant l’accent sur la nécessité de penser à rebours pour sortir de l’emprise occidentalocentriste. Concrètement, les deux auteurs préconisent de poser l’expérience d’individuation propre à chaque société comme point de départ en vue de laisser la figure du sujet individuel éclore seule à la fin de l’étude, sans a priori. Dans le même sillage, Christian Le Bart (p. 81-91) redistribue les cartes en posant l’articulation de l’individuation (domaine de la différenciation sociale, qui renvoie à une expérience complexe de socialisation) et de l’individualisation (domaine de la réflexivité identitaire, qui s’inscrit dans une dynamique historique — non moins complexe — de subjectivation) comme des programmes de recherches urgentes et indispensables. Enfin, de manière assez « décalée », Philippe Corcuff (p. 93-108) traite directement de « l’individualisme moderne et contemporain » à partir d’un regard neuf découlant du va-et-vient effectué entre classiques et contemporains sur les sociologies de l’individualisme et les anthropologies philosophiques en Occident, de manière à contribuer à l’atténuation de certaines « coupures trop dichotomiques entre sociétés occidentales et sociétés orientales » (p. 96). Après ces différentes contributions introductives, la première grande orientation de l’ouvrage porte sur les « conceptions philosophiques et religieuses de l’individu ». Elle démarre par l’étude de Stéphane Feuillas (p. 111-127) qui, traitant la culture de soi et la subjectivation dans la Chine confucianiste de la fin du 11e siècle, démontre à partir de trois auteurs (Zhang Zai, Cheng Yi et Su Shi) comment la transformation de soi appréhendée comme une constante progression vers la figure du « sage » s’opère par une tentative de liaison de la nature et de la morale en dépit des différentes voies empruntées. Dans sa traque de l’individu « sans-moi » tibétain, Heather Stoddard (p. 129-139) souligne le rôle individualisant du karma au Tibet, qui stimulerait la « pensée de l’Éveil » (bodhicitta) en promouvant la mobilité en dehors du groupe à travers le pèlerinage et le commerce, tout en assurant une certaine continuité et régulation sociale. Soulevant « l’épineuse question du sujet dans la pensée philosophique du Japon moderne », Asari Makoto (p. 141-149) s’inspire de quatre penseurs (Mori, Karatani, Nishida, Watsuji) pour déceler deux appréciations contradictoires du sujet, entre évaluation négative de l’absence de rapprochement au modèle-type occidental (modèle « moderniste » aspirant à se réajuster à l’Occident) et évaluation positive (besoin de « dépassement de la modernité »). Une particularité de l’ouvrage est de s’intéresser aussi aux sociétés dont la proximité avec la culture « pure » occidentale relève de l’ambivalence. Ainsi en est-il des contributions respectives d’Alessandro Guetta (p. 151-165) et de Ron Naiweld (p. 167-176). En soulevant la question de savoir si les Juifs sont Orientaux ou Occidentaux, le premier décèle la formation d’un individu juif intériorisant une identité « orientale » au 19e siècle en préconisant une responsabilité éthique opposée à l’esprit grec de domination du monde, mais aussi au bouddhisme qui chercherait plutôt à détourner l’individu du monde. Il en découlerait ainsi un individu rabbinique dont la spécificité, analysée par le second auteur, se décline à travers une double rupture avec la religion du Temple de la bible hébraïque — en vue d’individualiser « un discours de vérité divine » (p. 176) — et la pensée hellénistique (ce qui en fait un anti-philosophe). La deuxième orientation de l’ouvrage s’intéresse aux « approches anthropologiques et linguistiques » de l’individu en dehors du giron occidental. Elle débute par la contribution de Marie-Caroline Saglio- Yatzimirsky (p. 179-191), qui reprend le rejet a priori par Dumont de la notion d’« individu »[2] pour qualifier l’homme-dans-le-monde indien en vue de mieux souligner son originalité. Cette dernière se découvrirait à travers le système relationnel, qui pousse l’anthropologue français à considérer l’Indien d’abord comme un « homme dans la relation » (p. 190) pouvant en même temps accéder à la pleine individualité. S’intéressant au lien existant entre l’individu et l’individualisme dans l’Afrique « holiste » du 19e siècle, Jean-Luc Ville (p. 193-200) décèle l’existence des « individualités fortement individuées » (p. 193) au sein des communautés africaines (individuation), mais qui resteraient mises au service de la communauté. Peut-être est-ce également dans le but de considérer la stabilité communautaire comme donnée première chez les Swahili de Zanzibar que la notion de « personne » éclipserait pratiquement l’individualité en ostracisant les pulsions, comme semble le démontrer Odile Racine-Issa (p. 201-216). Remontant dans la Chine traditionnelle dépeinte par Fei Xiaotong, Isabelle Rabut (p. 217-223), quant à elle, perçoit un schéma social concentrique d’individuation empreint d’une dualité ambivalente. D’après elle, l’individu abstrait serait dépourvu de sens en dehors des solidarités locales, en même temps que cette allégeance de proximité n’aurait guère de lien avec « un esprit d’abnégation et de soumission à l’intérêt public » (p. 223). De manière assez fluide, Yves Cadot (p. 225-241) propose une analyse stimulante mettant en relief la dialectique corps-esprit chez le fondateur du jûdô, dont l’engagement dans une quête de soi débouche sur une approche originale du relationnel dans une optique d’accroissement du potentiel de créativité individuelle. Ensuite, Jacques Legrand (p. 243-250), traitant de l’individu mongol, entrevoit l’intégration de l’individualité « dans le cadre large des formes et des mécanismes de socialisation » (p. 243). Dans la même foulée, Gilles Delouche (p. 251-261) dresse le tableau évolutif d’une structuration hiérarchique du fait des monarques « classistes » en vue d’ordonnancer (esclave à monarque) les formes de relation à l’autre en siamois (société thaïlandaise), vers une hiérarchisation influencée par la richesse (notamment l’argent). Pour clore cette partie, Cécile Zervudacki (p. 263-276), tout en réfutant l’idée que l’Europe orientale (influencée grandement par l’anachorétisme et le vampirisme) puisse être « occidentale » au regard des différences existant dans leurs approches respectives de l’individu et de l’individualisme, admet pourtant que la conception occidentale de l’individu est non moins redevable à l’Europe orientale, dont le transfert à l’ouest des intellectuels durant la période hellénistique tardive et byzantine du Moyen Âge va jouer un rôle important au sein des innovations philosophiques « occidentales ». La troisième grande articulation de l’ouvrage porte sur le « développement historique de l’individualisme », d’hier à aujourd’hui. Catherine Mayeur-Jaouen (p. 279-301), s’intéressant au rapport entre l’individu et la famille en Islam depuis les conceptions médiévales jusqu’aux réalités contemporaines, y perçoit une poussée d’individuation au sein des familles grâce au rôle crucial de l’éducation qui, bien qu’assurant un certain « conformisme tribal ou islamique » (p. 291), resterait animée par le souci de promouvoir une certaine performativité individuelle. Cette hypothèse serait quelque peu contredite par la contribution de Michel Bozdémir (p. 303-316) sur le développement de l’individualisme en Turquie, articulée autour de l’idée que l’individualisme serait « l’enfant chétif de la modernité turque, coincée entre un positivisme importé et un Islam toujours vivace » (p. 303). Dans une tout autre perspective, Catherine Poujol (p. 317-332) réinterroge le processus de naissance de l’individu en Asie centrale postsoviétique en dressant une réplique miniaturisée du Grand récit de l’évolution (ou involution) de l’individu à partir de sept ruptures historiques uploads/Philosophie/ une-approche-autre-de-l-x27-individualite.pdf

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