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_________________________________________________________________________________ Actes de parole dans la didactique des langues p. 1 Wilfried Decoo Université d'Anvers (UA) Dépt. de didactique - Didascalia 2610 Wilrijk - Belgique Publié comme DECOO, W., "Actes de paroles dans la didactique des langues: Conceptualisation et structuration", in Rapports - RHBF (University of Amsterdam), 64e jgg, n° 1 (1994), pp. 11- 21. Actes de paroles dans la didactique des langues Conceptualisation et structuration 0. Positionnement du problème 1. Définition des actes de paroles 1.1. Un brin d'histoire 1.2. Les actes de parole dans l'enseignement des langues 2. Choix et organisation des actes de parole 2.1. Choix des actes de parole 2.2. Organisation des actes de parole 3. Structure didactique des actes de parole 3.1. Deux formes: médiates et naturelles 3.2. Trois dimensions: micro-, méso- et macro-actes de parole 4. La valeur didactique des formes de base respectives 4.1. Micro-actes de paroles médiats 4.2. Micro-actes de parole naturels 4.3. Méso-actes de paroles médiats 4.4. Méso-actes de parole naturels 4.5. Macro-actes de paroles médiats 4.6. Macro-actes de parole naturels 5. Conclusion _________________________________________________________________________________ Actes de parole dans la didactique des langues p. 2 0. Positionnement du problème L'approche communicative n'est pas une méthode, mais une approche de principe, qui veut mettre l'accent sur l'apprentissage d'une langue pratique et sur la communication réelle, mais qui n'offre pas de didactique élaborée. La littérature scientifique, d'ailleurs fort étendue, qui s'occupe de l'approche communicative, traite ainsi essentiellement de problèmes de contenu, non de méthodologie. La description d'un processus d'apprentissage cohérent manque dans cette littérature. Comme le dit Philip Riley sur l'approche communicative: To put it bluntly, we may know what we want to teach, but we do not have much idea of how to go about it: the present jumble of simulations, role- plays, games, dramatic techniques, etc. is no substitute for a principled approach to sensitization, presentation, practice, acquisition and use, even if such activities seem, intuitively, to be somehow "more communicative" (Riley, 1982). Il faut en convenir: trop de cours dits "communicatifs" rassemblent, sans équilibre ni cohérence interne, des thèmes et des formes de travail trouvés au gré d'une inspiration souvent limitée. Certes, ces thèmes et ces formes semblent souvent "naturels", mais leur rendement didactique n'est pas toujours prouvé, surtout si l'on évalue l'apport et l'intégration de chaque élément de la langue à enseigner, et cela à long terme. Nous nous concentrons ici sur un aspect souvent cité, celui des "actes de parole". Nous suivons à cet égard un modèle didactique classique: la définition des actes de parole, leur choix et leur organisation, leur structure didactique et leurs valeurs respectives. Vu le temps limité de cette présentation, nous ne traiterons pas ici les deux dernières étapes du modèle, c'est-à-dire les formes de travail possibles et l'évaluation des actes de parole. 1. Définition des actes de paroles 1.1. Un brin d'histoire Le concept d'acte de parole (speech act) a son origine dans la philosophie analytique. Il date de 1962, quand J.L. Austin publie son How to do things with words. Avec son livre Speech acts de 1969, J.R. Searle devient le deuxième grand nom de la conceptualisation scientifique. Les théories originelles se trouvent ensuite citées à grande échelle, développées et appliquées dans divers domaines  la philosophie, l'anthropologie, l'ethnographie, la sociologie. Ensuite le concept trouve sa voie dans la linguistique théorique, dans la socio-linguistique, dans la critique littéraire, dans les études sur le développement du langage chez l'enfant... et enfin, en dernier lieu, dans la didactique des langues étrangères. Dans son essence, l'acte de parole exprime ce que l'on fait avec des mots: le politicien promet par la voie du langage, le médecin conseille son patient, l'inspecteur de police interroge le suspect, la mère console son enfant. Promettre, conseiller, interroger, consoler sont ainsi des actes de parole. _________________________________________________________________________________ Actes de parole dans la didactique des langues p. 3 Il est important de rappeler la différence entre l'acte de parole, comme concept d'action, et l'énoncé, c'est-à-dire la façon dont l'acte de parole est réalisé en paroles. Nous pouvons clarifier cette différence en deux directions: - D'une part un acte de parole particulier engendre des énoncés divers, le plus souvent même sans avoir recours au verbe qui représente cet acte de parole particulier. Ainsi l'acte de parole accepter sera rarement réalisé avec le verbe accepter, mais de bien d'autres façons dans une réplique: Oui / Ça va / D'accord / Bien sûr / OK / Bon, bon / Formidable / Merci... La réalisation de cet acte de parole peut aussi constituer une petite phrase, en fonction de la situation et de la chose qu'on accepte: Ça me ferait plaisir / Je veux bien le faire / Je suis du même avis / Vous pouvez me le donner / Envoyez-le par la poste... On peut aussi accepter sous la forme d'une conditionnelle: Si tu veux / Si ça ne vous dérange pas / Si personne ne s'y oppose... Il existe encore des dizaines d'autres formes de réalisation. - D'autre part un énoncé particulier réalise, dans la plupart des cas, des actes de parole divers, en fonction du ton et du contexte. L'énoncé il fait froid ici peut être comme acte de parole simplement constater (appelé en anglais locutionary speech act), mais très souvent il impliquera aussi et surtout d'autres actes de parole (appelés illocutionary speech acts): se plaindre qu'il fait si froid, ou demander d'allumer le chauffage, ou conseiller de quitter bien vite un local si froid, ou désapprouver que quelqu'un a omis d'allumer le chauffage. Dans la plupart des cas, un énoncé réalise plusieurs actes de parole en même temps. Speech acts are in essence acts, not sentences. Speech acts cannot be equated with utterances either, for we often perform more than one act with a single utterance (Schmidt & Richards, 1980). Ce concept d'acte de parole a inspiré, depuis la fin des années '60, une littérature scientifique assez volumineuse. Beancoup de linguistes, dans pratiquement toutes les branches de la linguistique, ont contribué à son analyse. Nous pourrions résumer le positionnement des problèmes comme suit: - Les actes de parole sont-ils indépendants d'une langue, en d'autres mots "universels"? Si on les présente en effet comme concepts d'action, en termes généraux, alors tous les actes de parole, comme demander, commander, promettre..., restent inchangés dans toutes les langues et dans toutes les cultures (Brown & Levinson, 1978; Fraser, 1978). Cela explique le point de vue qu'on ne peut pas "apprendre" de nouveaux ou d'autres actes de parole dans une langue étrangère: chacun maîtrise la gamme totale des actes de parole depuis sa langue maternelle. Tout autre est la façon dont ces actes de paroles se réalisent dans chaque langue respective, mais alors nous avons affaire à des énoncés. - Comment structurer les actes de parole? La taxonomie la plus connue est sans aucun doute celle de Searle (1976), qui groupe les actes de parole en cinq archétypes selon l'intention du locuteur: les représentatifs, les directifs, les commissifs, les expressifs et les déclaratifs. Mais il existe aussi de nombreuses variantes sur ce groupement ou des structures nettement différentes, à chaque fois soutenues par des masses d'exemples, démontrant la complexité de la langue (Wilkins, 1973; van Ek & Alexander, 1975; Searle, 1976; Martin, 1981; Leech, 1983; Willis, 1983; Arndt & Ryan, 1986...). - Comment définir la relation entre l'acte de parole et l'énoncé? Comment un énoncé est-il en effet formé à partir d'un acte de parole voulu? Comment pétrissons-nous nos énoncés, lexicalement et _________________________________________________________________________________ Actes de parole dans la didactique des langues p. 4 grammaticalement, pour réaliser, de milliers de façons différentes, avec tant de nuances et d'intentions sous-entendues, nos actes de paroles? Car les choses sont complexes. Un acte de parole pourtant fort "simple" comme commander n'est pas réalisé, dans la majeure partie des cas, par un impératif, mais par d'autres canaux: Voudriez-vous... Prière de... Je dois vous demander de... Vous êtes priés de... La règle est que... Est-ce que je dois encore répéter que tu... Même la constatation, dite sur un ton fâché, Les ciseaux ont encore disparu! est un ordre pour chercher les ciseaux ou pour les rendre. Cette problématique de la relation entre acte de parole et énoncé est sans doute une des plus passionnantes, mais aussi une des plus complexes de la Speech Act Theory (Sadock, 1970; Green, 1975; Gordon & Lakoff, 1971; et bien d'autres). 1.2. Les actes de parole dans l'enseignement des langues Au début des années '70, le concept des "actes de parole" a fait son apparition dans les publications sur l'enseignement des langues étrangères. Le terme faisait partie du jargon des nouvelles tendances dites communicatives. Comme l'enseignement "antérieur" devait subir le reproche, à tort ou à raison, d'avoir été trop théorique, non-pratique, le nouveau concept d'acte de parole voulait mettre l'enseignement devant une obligation absolue: les élèves doivent apprendre à faire quelque chose avec la langue. Une des approches les plus connues de ce mouvement est le "fonctionnel-notionnel". On y distingues deux composantes de base: les fonctions et les notions. - Les fonctions sont basées sur le concept des actes uploads/Philosophie/ untitled 7 .pdf

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