Vocabulaire de SPINOZA Absolu : Adjectif servant à préciser la nature d'un être

Vocabulaire de SPINOZA Absolu : Adjectif servant à préciser la nature d'un être ou d'une relation lorsqu'elle se suffit à elle-même. Est absolu ce qui est donc complet, total et sans restriction. Ainsi Dieu est l'être absolument infini, son infinité ne s'applique pas qu'à un domaine particulier de ce qui est. Nous pouvons aussi avoir des "idées absolues" (E3P4), c'est-à-dire des idées entièrement adéquates à leur objet. S'oppose à ce qui n'est "qu'en son genre", c'est-à-dire dans un domaine particulier, contingent, imparfait, fini, limité et à ce qui relève d'une relation extrinsèque (une relation de détermination entre deux essences différentes). Absurde : à la fois ce qui est logiquement contradictoire et ce qui "sonne faux", ce qui produit un sentiment de vanité. Spinoza use quelques fois dans l'Ethique du raisonnement "par l'absurde" qui consiste à démontrer une proposition en montrant que la proposition opposée (quand une seule est possible) aboutit à des conséquences absurdes ou contradictoires (Ex. 2° dém. de E1P6). Spinoza utilise aussi fréquemment des exemples amusants pour montrer à quoi peut aboutir une mode de pensée dominé par l'imagination : TIE §34 "éléphant passant par le trou d'une aiguille", §38 : "mouche infinie", "âme carrée", M§40 "cadavres qui se promènent", E1P8S2 "hommes pouvant naître de pierres, arbres parlants", E2P42S : "Ma maison s'est envolée dans la poule de mon voisin", TP,IV4 : "tables qui mangent de l'herbe". Action : (actio) "Je dis que nous agissons lorsque nous sommes cause adéquate de ce qui arrive en nous ou hors de nous, c'est-à-dire lorsqu'une chose, en nous ou hors de nous, suit de notre nature et peut se comprendre clairement et distinctement par elle-seule." (E3D2). "Quelque chose" ici désigne plus particulièrement un mouvement ou une pensée et leurs conséquences internes ou externes que notre nature suffit à expliquer. S'oppose à la passion. La "nature" suffisant à expliquer ce fait dont nous sommes cause adéquate est essentiellement la force et l'effort de comprendre. La raison étant conception des rapports communs entre deux corps, il peut, par exemple, y avoir action lorsque je sais nager. En se baignant, le corps que je suis convient à cet autre corps qu'est l'océan parce que ce corps saisit la vague au bon moment, utilise les courants pour se déplacer, se meut selon un ordre commun avec celui de l'océan etc. L'océan et ce corps forment alors un troisième individu : il y a communauté du corps et de l'océan, je peux alors concevoir la notion commune de ce rapport (exemple tiré du cours de Deleuze). A cette compréhension correspond un affect de joie dont je suis cause adéquate, c'est-à-dire une action, ou encore un affect actif. Et les mouvements découlant de cette compréhension (la nage) comme les affects découlant de cette joie (le désir de continuer) seront des actions. Affect : (affectus) Traditionnellement, affectus désigne un état de l'âme, un sentiment. Selon E3D3, il s'agit d'une affection du corps en même temps que du mental (mens) par laquelle ma puissance d'agir est augmentée ou diminuée (une affection me laissant indifférent n'est donc pas un affect). Par ex., lorsqu'un élève perçoit dans le cours de son professeur une idée qui "l'interpelle", il éprouve un affect ? joie du déclic ou tristesse de s'apercevoir qu'il n'avait en fait rien compris. Si au contraire l'élève n'écoute que d'une oreille, sans comprendre, sa perception du cours ne sera qu'une affection de son être le laissant indifférent, il n'y aura pas d'affect en lui. Selon Spinoza, un affect n'est donc pas qu'un sentiment (affection de la mentalité) mais également et en même temps un mouvement (affection du corps), c'est une activité, un acte en même temps qu'une puissance. Un affect peut être actif lorsque notre nature en est cause adéquate ou passif lorsque notre nature ne suffit à l'expliquer clairement et distinctement. Affects fondamentaux : désir, joie, tristesse. Affects dérivés : amour, haine, inclination, aversion, dévotion, moquerie etc. Affects actifs : force d'âme ou courage (fortitudo) ? ardeur ou fermeté (animositas), générosité ou noblesse d'âme (generositas) ? sobriété, présence d'esprit, modestie, clémence etc. ? béatitude, amour intellectuel de la nature. Affects toujours passifs : tristesse, haine, crainte, pitié, espoir, désespoir, indignation etc. Affections qui ne sont pas des affects : admiration, mépris. Adéquat : (adæquatus) ce qui correspond parfaitement à quelque chose, de adæquare, rendre égal. Ex. un habit est "adéquat" à une personne s'il est de même taille que celle-ci, ni trop grand ni trop petit. Cet adjectif caractérise chez Spinoza une idée, une connaissance (TIE § 29), une cause (E3D1) et une propriété (Voir idée adéquate et cause adéquate). Affection : (affectio) Modification, changement se produisant au sein d'un être en raison d'une cause interne ou externe. Ex. : le son du chant d'un oiseau affecte mes oreilles : l'écoute est une affection de mes oreilles. Les affections de la substance sont ses modes, c'est-à-dire tout ce qui se conçoit à partir de la substance : les mentalités, les corps, les idées, les mouvements, les images etc. A distinguer des affects ou sentiments et des passions : tout affect est une affection corps en même temps que l'idée de cette affection, ce qui suppose un changement concernant l'augmentation ou la diminution de ma puissance d'exister (E3D3) mais toute affection du mental ou du corps n'est pas nécessairement un affect : l'image d'une chaise est une affection du cerveau et du mental mais elle peut être en elle-même une affection indifférente à l'augmentation ou la diminution de ma puissance d'agir. C'est ce que produit cette image qui peut éventuellement constituer un affect : l'image et l'idée de l'affect sont une chose, l'amour et la haine de celle-ci en sont une autre. Amour : (amor) "Joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure" (E3P13). Par exemple, un homme éprouve une joie en pensant à une autre personne, il se représente alors cette autre personne comme cause de sa joie, il aime donc cette personne. Le désir de rendre présent l'objet de cet affect, ou en d'autres termes de s'unir à cet objet n'est pas comme le pensait Descartes l'essence de l'amour, mais ce qui en dérive : sa propriété (E3, Déf. 6 des affects). A partir du moment où je pense éprouver une satisfaction à cause de l'objet aimé, il est naturel que je cherche à me le rendre présent autant que possible. Appétit : (appetitus) Beaucoup plus large que le sens ordinaire du mot français "appétit", le terme classique d'appetitus désigne l'acte de se porter vers quelque chose, de chercher à la saisir. Spinoza définit l'appétit comme étant le conatus en tant qu'il se rapporte aussi bien au mental qu'au corps (E3P9, scolie). On pourra alors aussi parler d'appétit pour la bonne chaire, que d'appétit pour le pouvoir, pour l'argent, pour la vérité... Techniquement, l'appétit concerne tout mode de la substance, chaque être s'efforce de persévérer dans son être aussi bien en tant que corps qu'idée de ce corps. Attribut : (attributum) Traditionnellement, c'est ce qu'on attribue à un sujet. Par exemple la couleur blanche est attribuée au lait. Au début, dans les Principes de la philosophie de Descartes, Spinoza, tient encore les termes de propriété, qualité et attribut pour équivalents (PPD I, D5). Avec l'Ethique, un attribut est précisé ainsi : "ce que l'entendement perçoit d'une substance comme constituant son essence" (E1D4). Au début de l'Ethique, nous ne savons pas encore qu'il n'y a qu'une substance. Admettons alors qu'un cheval soit une substance, son essence n'est pas sa couleur, son âge etc. mais ce qui fait qu'il est un cheval, cette configuration physique qui fait de lui un animal capable de trotter, galoper, hennir etc. L'attribut du cheval serait alors l'idée intellectuelle de cette essence, de cette configuration physique. Ce n'est pas quelque chose d'extérieur à cette substance, qui serait rapporté par l'entendement, mais bien ce que l'entendement perçoit de son essence. Ce n'est pas l'essence de la substance, ce n'est pas non plus un simple point de vue particulier et partiel, il y a attribut si et seulement si il y a perception par l'entendement de l'essence de la substance. Mais nous apprendrons par la suite qu'il n'y a qu'une substance : Dieu. L'essence de Dieu étant nécessairement absolument infinie, l'entendement devra pouvoir percevoir une infinité d'attributs pour Dieu. L'entendement humain étant cependant limité, nous ne pouvons connaître adéquatement que deux attributs, qui en tant qu'attributs de Dieu expriment son infinité et son éternité : la Pensée et l'Étendue. (Voir Lettre II à Henri Oldenbourg). Béatitude : (beatitudo) Etat suprême de joie recherché par le philosophe. Tandis que la joie est passage à une perfection supérieure, la béatitude est "possession de la perfection elle-même" (E5P33, dém.). Cette perfection est en même temps liberté, éternité et salut (E5P36, scolie). Mais on aurait tort de considérer une telle perfection comme une sorte d'idéal inaccessible : notre perfection est dans notre réalité même. Seulement, ordinairement, les passions font obstacle à la connaissance adéquate de cette perfection. L'objet de la philosophie est donc de surmonter cet obstacle par la joie de mieux uploads/Philosophie/ vocabulaire-de-spinoza.pdf

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