QU'EST-CE QUE LA PENSÉE ? Gérard Vergnaud I.N.S.H.E.A. | « La nouvelle revue de

QU'EST-CE QUE LA PENSÉE ? Gérard Vergnaud I.N.S.H.E.A. | « La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation » 2013/3 N° 63 | pages 277 à 299 ISSN 1957-0341 ISBN 9782366160154 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-revue-de-l-adaptation-et-de-la- scolarisation-2013-3-page-277.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour I.N.S.H.E.A.. © I.N.S.H.E.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Cette étude de la pensée dans sa dimension temporelle est celle que conduit le psychologue et le philosophe, lorsqu’ils s’intéressent aux compétences, conceptions et attitudes qui se forment au cours de l’expérience. Ces conceptions et attitudes se construisent progressivement, dans l’interaction des médiations d’apprentissages proposées par un tiers et des constructions cognitives du sujet. Le médiateur a comme première responsabilité de choisir les situations à offrir à l’apprenant ; puis de clarifier le but de l’activité, de contribuer à l’organisation de cette activité, y compris de la prise d’information et du contrôle, de faciliter les inférences en situation ; enfin, de faire émerger, au moins partiellement, les notions et vérités pertinentes. La mise en mots et en symboles des connaissances et des règles de conduite forme une partie non négligeable de l’activité du médiateur, mais elle n’en constitue qu’une partie. En outre, la communication entre le médiateur et l’apprenant est frappée des mêmes ambiguïtés que toute autre communication : il y a un écart entre, d’une part, les propos tenus par le médiateur et le sens qu’il leur donne en fonction de son propre système d’invariants, d’autre part les propos entendus par l’apprenant, qui leur attribue un sens qui dépend, lui, du système d’invariants de l’apprenant. En résumé, l’appropriation d’une culture par un individu dépend, certes, nécessairement de sa propre activité, y compris de son travail de construction ou de reconstruction des concepts constitutifs de cette culture. Mais elle dépend aussi fortement de l’aide qu’il reçoit de son environnement et donc de la qualité des médiations dont il bénéficie. Mots-clés : Connaissances (acquisition des) - Médiations (dans l’apprentissage) - Pensée (construction de la) - Philosophie (de la connaissance et de l’éducation) - Psychologie - Psychologie des apprentissages psychiques - Temporalité (des apprentissages psychiques). What is thought? Summary: The main idea of this contribution is that in order to understand thought we must analyze it as an activity that takes place and develops in time. This study of thought in its temporal dimension is the study conducted by psychologists and philosophers when they examine skills, conceptions, and attitudes that are formed in the course of experience. These conceptions and attitudes are built progressively, within the interaction between learning mediations proposed by a third party and the cognitive constructs of the subject. The primary responsibility of the mediator is to choose the situations to offer to the learner, then to clarify the purpose of the activity, to help organize it, including the reception of the information and control, to facilitate inferences within the given situation. Lastly, his responsibility is to point out, at least partially, the relevant truths and notions. Moreover, communication between the mediator and the learner is characterized by the same ambiguities as any other type of communication. There is a gap between the statements made by the mediator, which have the meaning the mediator gives them based on his own system of invariants, and the statements as heard by the learner, who gives them a meaning which depends on his particular system of invariants. To summarize, the mastery of a culture by an individual depends, to be sure, on his own activity, including his construction or reconstruction of those concepts that make up that culture. But this mastery is also highly dependent on the help he receives from his environment, and therefore on the quality of the mediations he benefits from. Keywords: Knowledge (acquisition of) - Mediations (in learning) - Philosophy (of knowledge and education) - Psychology - Psychology of psychic learning - Temporality (of psychic learning) - Thought (construction of). Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 195.176.9.225 - 26/03/2019 13h32. © I.N.S.H.E.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 195.176.9.225 - 26/03/2019 13h32. © I.N.S.H.E.A. 278 La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - no 63 • 3e trimestre 2013 L ’idée principale de cette contribution est que, pour comprendre la pensée, il faut l’analyser comme une activité qui se déroule et se développe dans le temps. Il existe beaucoup d’échelles temporelles pertinentes pour étudier cette activité : celle de la seconde, des centièmes et des millièmes de seconde pour l’activité perceptive et certains gestes, celle des secondes et des minutes pour les séquences de l’activité ordinaire, notamment pour de nombreux gestes accomplis dans la vie quotidienne et dans le travail et pour le raisonnement en situation, celle des heures et des semaines pour les activités organisées en vue d’un objectif plus ambitieux, comme l’élaboration d’un projet, celle, enfin, des années et de la décennie pour le développement des compétences qui, au bout du compte, font la réussite professionnelle ou la réussite scolaire. Il n’y a pas véritablement de discontinuité entre les différentes échelles de temps et les différentes activités évoquées ci-dessus ; une prise de conscience en un temps très court (comme l’Euréka d’ Archimède dans sa baignoire ou la découverte par un jeune enfant que le point rouge marqué sur le front du « bébé dans le miroir » se trouve en fait sur son propre visage) a des effets sur le développement à long terme de la pensée. Il est cependant important que cette conscience soit entretenue par une activité qui la met à profit. À l’inverse, ce sont parfois des catégories de pensée formées au cours de longues années d’expérience qui permettent le bon geste, le bon jugement, la bonne décision, dans la seconde ou les quelques secondes où ils sont pertinents. C’est un problème théorique essentiel pour le psychologue, mais aussi le philosophe de l’éducation et le philosophe de la connaissance, que de disposer de concepts intégrateurs qui permettent de couvrir raisonnablement bien toutes les activités de pensée et leurs échelles de temps. Le concept de schème est probablement le plus central de tous. C’est pourquoi il est abondamment évoqué et analysé dans cette contribution. Mais on sait aussi que, dans tous les domaines de la science, ce n’est jamais un concept seul, mais un système de concepts qui permettent de comprendre un ensemble de phénomènes. L ’étude de la pensée ne fait pas exception ; c’est pourquoi nous présentons et développons plus loin d’autres concepts, étroitement associés au concept de schème et qui forment avec lui un cadre théorique articulé et unifié. Une double préoccupation La recherche scientifique a, en général, une double préoccupation : celle de questionner le réel du point de vue le plus abstrait et le plus spéculatif, et celle d’agir sur le réel le plus concrètement possible, en fournissant des instruments d’analyse et d’actions utilisables par les praticiens que sont les ingénieurs, les médecins, les enseignants et les autres acteurs, aujourd’hui de plus en plus nombreux à utiliser les résultats de la recherche. Cette double préoccupation n’est pas partagée par tous les chercheurs, mais au fil de l’histoire, on voit bien que ce sont les résultats les plus profonds et les plus généraux, et les résultats les plus utiles qui restent inscrits dans l’héritage scientifique. Les autres sont souvent oubliés, sauf peut-être par les historiens. Le but de cette contribution est de faire converger les deux préoccupations, spéculative et fonctionnelle. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 195.176.9.225 - 26/03/2019 13h32. © I.N.S.H.E.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 195.176.9.225 - 26/03/2019 13h32. © I.N.S.H.E.A. Pédagogie et psychopédagogie 279 La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - no 63 • 3e trimestre 2013 Qu’est-ce que la matière ? Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la pensée ? On ne peut imaginer questions uploads/Philosophie/2-vergnaud-2013-qu-x27-est-ce-que-la-pense-e.pdf

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