42 CONTEXTUALISATION DE LA NOTION DE RELIGION DANS LE CURRICULUM DE PHILOSOPHIE
42 CONTEXTUALISATION DE LA NOTION DE RELIGION DANS LE CURRICULUM DE PHILOSOPHIE AU BURKINA FASO Alain Casimir ZONGO Université Norbert ZONGO zoopi1369@yahoo.fr Boubacar GNISSIEN DREPS des Cascades Résumé Le curriculum de philosophie dans l’enseignement secondaire au Burkina Faso traite de diverses notions dont celle de la religion. La présente réflexion s’interroge sur la contextualisation de l’analyse de cette notion et des enjeux qui lui sont liés. En s’appuyant sur des enquêtes auprès d’élèves, d’enseignants de philosophie, d’encadreurs pédagogiques et sur une analyse du manuel officiel en vigueur, cette étude aboutit aux résultats suivants : l’analyse de la question de la religion n’est pas en adéquation avec les réalités africaines, burkinabè et ne prend pas suffisamment en compte les problèmes actuels. En effet elle ne tient pas compte des besoins des apprenants et n’est pas en congruence avec les réalités locales. Il est alors impérieux de la contextualiser en vue de l’adapter à nos réalités socio-culturelles et de fournir aux apprenants des ressources pour bien comprendre ce qui est en jeu dans la pratique religieuse et dans la foi, de ne pas succomber aux assauts du dogmatisme ou du fanatisme, et surtout de vivre de manière harmonieuse leurs convictions religieuses et leur citoyenneté. Mots clefs : contextualisation, curriculum de philosophie, diversité culturelle, enseignement- apprentissage, religion Abstract The philosophy curriculum in the secondary school in Burkina Faso deals with various notions including that of religion. This reflection wonders about the contextualization of the analysis of this notion and the challenges linked to it. Relying on students, philosophy teachers and pedagogical supervisors surveys and on an analysis of the official manual in use, the study arrived at the following conclusions: the analysis of the issue of religion is not appropriate to the african, burkinabe realities and does not sufficiently take into account the current problems. In fact, it does not take into account the learners’needs and is not congruent with the local realities. It is therefore imperative to contextualize it in order to adapt it to our sociocultural realities and provide learners with resources to well understand what is involved in the religious practice and in faith, not to yield to the assaults of dogmatism and fanaticism and mainly to live their religious convictions and their citizenship harmoniously. Key words: contextualization, cultural diversity, philosophy curriculum, religion, teaching-learning. 43 Introduction L’institution scolaire poursuit les missions essentielles d’instruction, de formation et de préparation à la vie professionnelle. Elle est conçue par Hegel comme une sphère médiane entre la famille et le monde : « Ce qui se réalise par l’école, la formation culturelle des individus, c’est la capacité qu’ils ont d’appartenir à la vie publique. La science, les aptitudes qui sont acquises, n’atteignent leur but essentiel que dans leur application extra- scolaire » (Hegel, 1990 : p. 111). L’école apparaît ainsi comme la première occasion structurée pour les enfants d’acquérir des savoirs, à travers un ensemble de disciplines, leur permettant de s’ouvrir au monde, de mieux s’y orienter et de s’intégrer de manière harmonieuse dans la société. L’enseignement-apprentissage de la philosophie au secondaire voudrait, selon les Instructions officielles de l’enseignement de la philosophie au secondaire au Burkina Faso (2010), concourir à faire des jeunes burkinabè des citoyens responsables, soucieux de liberté et d’épanouissement de l’humanité, ouverts au monde. Mais de manière concrète cet enseignement-apprentissage est-il ancré dans la culture et les réalités quotidiennes des apprenants ? Pour répondre à cette interrogation nous prenons pour champ de réflexion la notion de religion dans le curriculum de philosophie et nous nous posons les questions suivantes : quel est le contenu actuel de l’analyse de la notion de religion dans le curriculum de philosophie au secondaire au Burkina Faso ? Est- il adapté aux réalités du Burkina Faso et aux besoins des élèves ? Si non, quelles suggestions pouvons-nous faire en vue de l’adapter aux exigences de notre société et de notre époque tout en nous prémunissant d’une sorte d’appauvrissement ou de dépérissement ? Ce qui est en jeu dans la problématique c’est la contextualisation de la question de religion. Nous traiterons d’abord du contenu actuel de la question en faisant l’état des lieux de sa mise en œuvre dans le curriculum de philosophie (1). Nous analyserons ensuite les enjeux liés à la contextualisation de la question (2). Nous présenterons les résultats de nos enquêtes en lien avec la question de la religion et nous en discuterons les suggestions (3). 1. Contenu actuel de la question religieuse dans le curriculum de philosophie au Burkina Faso L’état des lieux de la question religieuse dans le curriculum de 44 philosophie est le point fondamental de cette partie. Nous nous proposons cependant de définir le curriculum d’abord puis celui de philosophie ensuite. 1.1. Curriculum et curriculum de philosophie Le terme curriculum renvoie de nos jours à la sphère de l’enseignement et de l’apprentissage. Mais au sens premier il se rapportait à l’idée de déroulement d’une course ou de carrière, à l’endroit où l’on court, à la carrière, à la lice ou hippodrome, voire au char. Si le terme est consacré dans la métaphore curriculum vitae ou vivendi, la carrière chère à Cicéron1 qui « comparait la vie à une course disputée sur la piste d’un hippodrome » (Bouffartigues et Delrieu, 1996 : p. 278), il apparaît aussi dans des expressions telles que curricula mentis, curriculum industriae nostrae2. Le curriculum vitae prend en compte les aspects liés aux études pour ceux qui en ont fait. Pour mettre l’accent sur cette dimension on parle souvent de curriculum vitae et studiorum. Au niveau pédagogique et didactique, le terme curriculum est polysémique. En effet selon Philippe Perrenoud (1994 : p. 61) il est utilisé dans les pays anglo-saxons « pour désigner le parcours éducatif proposé aux apprenants, alors qu’en français on dira plus volontiers plan d’études, programme ou cursus, selon qu’on met plutôt l’accent sur la progression dans les connaissances, les contenus successifs ou la structuration de la carrière scolaire ». De Landsheere définit le curriculum comme « un ensemble d’actions planifiées pour susciter l’instruction : il comprend la définition des objectifs de l’enseignement, les contenus, les méthodes (y compris d’évaluation), les matériels (y compris manuels scolaires) et les dispositions relatives à la formation adéquate des enseignants » (De Landsheere, 1979 : p. 65). Mais pour ce qui nous concerne nous y voyons un ensemble d’éléments qui, articulés entre eux, permet l’opérationnalisation d’un plan d’action au sein d’un système éducatif. Il est la conception, l’organisation et la programmation des activités d’enseignement-apprentissage selon un parcours éducatif ou un ordre de progression. Cela suggère l’idée que le curriculum a une dimension temporelle. On parle de curriculum diachronique qui s’étale dans le temps et couvre tout un cycle d’études et de curriculum synchronique qui ne concerne qu’une année précise, donc 1 Il dit par exemple « exiguum nobis vitæ curriculum natura circumscripsit » : « il est étroit le champ d’existence que nous a tracé la nature » 2La carrière où s’exerce la pensée, le champ de notre activité 45 un niveau d’études donné. Le curriculum doit être aussi envisagé comme un outil qu’il faut constamment adapter aux contextes, aux défis d’insertion sociale et aux besoins d’amélioration de la vie individuelle et sociale. On distingue plusieurs types de curriculum, notamment le curriculum prescrit, le curriculum adopté, le curriculum réel. La première porte sur les objectifs et les contenus de ce qui doit être enseigné. Le deuxième renvoie à ce qui est de manière concrète existe dans les écoles. Le troisième fait référence à ce qui est vécu réellement par les apprenants. Selon McKernan (2008) une analyse de l’histoire de l’éducation met en exergue six modèles ou postures de conception du curriculum. La première posture, dite intellectuelle rationaliste, remonterait à l’époque gréco-romaine et a influencé les premières universités. Elle a pour socle les sept arts libéraux, à savoir le trivium et le quadrivium et met l’accent sur le développement de l’esprit. Dans cette conception, l’élaboration du curriculum nécessite un choix élitaire de ‘’savoirs authentiques’’. La deuxième est religieuse car les principes théologiques y tiennent une centralité. On peut noter cet étalon au niveau des enseignements des prêtres-philosophes de l’Égypte antique, des enseignements des écoles monastiques, des écoles-cathédrales ou des écoles-mosquées durant la période médiévale. À l’époque moderne, l’enseignement dans certaines des treize colonies, puis avec des reliefs de survivances dans quelques États contemporains, en porte aussi l’influence. La troisième posture est socio-romantique. Elle met l’accent sur les besoins et les intérêts de l’enfant. L’enseignant y passe d’expert du savoir à facilitateur, de juge à conseiller. La quatrième est behaviouriste car elle prépare les apprenants au monde du travail. Enseignants et apprenants y sont jugés à partir des résultats de leurs performances. La suivante, dite « d’attention personnelle », est comparable à une sorte de pastoralisme pédagogique. L’enseignant y est, en effet, conçu comme un pasteur soucieux de l’harmonie intérieure, du respect, de la dignité et de la valeur des personnes. Cette idéologie humaniste, de l’avis de J. McKernan (2007 : p. 30), voudrait répondre aux questions suivantes : « uploads/Philosophie/alain-casimir-zongo.pdf
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- Publié le Mar 24, 2022
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