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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de Métaphysique et de Morale. http://www.jstor.org Réflexions sur l'hyper-phénoménisme de F. Dagognet Author(s): Alexis Philonenko Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 89e Année, No. 4 (Octobre-Décembre 1984), pp. 515- 530 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40902621 Accessed: 12-01-2016 17:06 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 128.114.34.22 on Tue, 12 Jan 2016 17:06:37 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions ÉTUDES CRITIQUES Réflexions sur l'hyper-phénoménisme de F. Dagognet Dans un ouvrage bref - Faces, surfaces, interfaces l - F. Dagognet a tenté et réussi l'intégration des orientations épistémologiques fondamentales qui caractérisent sa pensée, tandis qu'il définissait avec un rare bonheur les éléments d'une réflexion proprement philosophique dont la fécondité ne peut laisser insensible. L'ouvrage est rédigé en un style incisif et parfois même provoquant, comme si l'auteur avait voulu éprouver la solidité de la « ficelle » qui le guide. On peut définir cet essai comme un travail leibnizien, si l'on consent à entendre par là d'une part un souci de s'immerger dans la réalité en sa profuse prolixité, et d'autre part un effort spéculatif intense pour intégrer dans le plus petit espace un maximum de pensées jusque-là tenues pour discordantes. Cette définition - trop rapide certes - permet de comprendre que jamais F. Dagognet n'a voulu séparer episte- mologie et philosophie. Il croit que l'epistemologie ne cesse de dialoguer avec la philosophie, qu'elles sont moins destinées à se séparer qu'à collaborer - et partant qu'il n'existe pas une vérité épistémologique distincte de la réflexion philosophique et réciproquement. On dira que cette orientation n'est pas neuve, que Descartes, par exemple, ne dissocie pas non plus les deux moments. Il est vrai, comme il est vrai aussi que d'interminables traités de nos jours consacrés à l'epistemologie ne contiennent pas un mot de philo- sophie, ce qui après tout pourrait bien être fort contestable. F. Dagognet rétablit un équilibre trop souvent maltraité, et son œuvre est profondément philosophique sans cesser pour autant de tenir par toutes ses forces à Tépisté- mologie. 1. Faces, surfaces, interfaces, par F. Dagognet, Paris, Vrin, 1982. Nous indiquons les références à cet ouvrage dans notre texte par des nombres entre parenthèses. 515 This content downloaded from 128.114.34.22 on Tue, 12 Jan 2016 17:06:37 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions A. Philonenko 1. F. Dagognet écrit en exergue de son livre : « Mon corps n'est pas autre chose que ma volonté devenue visible ; il est ma volonté même » (7). Nul n'ignore que ces lignes sont de Schopenhauer. Et quiconque a lu Faces, surfaces, interfaces sait très bien que le mot capital pour F. Dagognet est : visible. La Sichtbarkeit, comme visibilité, est un thème fondamental chez Schopenhauer en lequel il réunit Platon - par la méditation sur la Théorie des Idées - , Kant, apôtre des phénomènes, et Goethe, dont les dernières paroles seront « Mehr Licht », davantage de lumière. Or, comme on croit l'avoir montré ailleurs, la visibilité chez Schopenhauer s'appuie sur une métaphysique du nocturne qui s'explicite dans la sévère doctrine de la Volonté comme chose en soi. C'est cette tension, à la vérité injustifiable, que F. Dagognet veut réduire : derrière les phénomènes, il n'y a rien ; seul possède valeur et portée ce qui est devant moi. Aussi se déclare-t-il favorable à l'hyper-phénoménisme le plus décidé (31). Militer pour l*hyper-phénomé- nisme ne signifie pas inciter l'esprit à ne voir que ce qu'il voit, mais l'inviter bien plutôt à élargir sa vision, en usant de toutes ses capacités. Une des significations de l'hyper-phénoménisme réside dans cet effort toujours plus nerveux pour voir ce que nous ne voyons pas, faute de science et d'ardeur. Il y a une visibilité et non pas seulement une vision parce que cet effort est légitime. La visibilité implique en elle-même la possibilité d'une extension de la vision. F. Dagognet cite la conclusion d'une remarque « si pénétrante de Valéry, ce philomorphe passionné » : « Une œuvre d'art devrait toujours nous apprendre que nous n'avions pas vu ce que nous voyons » (20). Une double conclusion s'impose. D'une part cette marche vers la « méta-sensorialité », loin de confiner la science en un pur ciel, comme le voulait Platon - tandis qu'il réfléchissait sur le monde sensible - lui ouvre le large horizon des faces, surfaces et interfaces. La région des phénomènes est bien, comme le disait Kant veríssima et la science ne se dégradera pas à s'y enfoncer chaque jour davan- tage. Mais dans le même temps s'esquisse la politique du savoir préconisée par F. Dagognet et qu'on peut résumer en reprenant une formule de Talleyrand : « Je ne demande pas moins ; je demande plus ! ». De là l'extraordinaire multiplicité d'exemples - touchant à la chimie, à la phy- sique, aux sciences biologiques - avancée par F. Dagognet à l'intérieur d'une démarche cohérente. Le simple historien de la philosophie ne peut qu'être émerveillé par une « dentelle » si soigneuse. D'autre part cette marche vers la « méta-sensorialité » va aux choses elles- mêmes. D'un point de vue métaphysique, cela signifie que Yen soi n'est pas de l'invisible, mais seulement du non-vu que la stratégie générale tend à réduire. Cela signifie aussi - même si l'auteur n'a pas toujours été très ferme dans sa terminologie ; mais c'était bien difficile - qu'il ne s'agit pas, comme le veut un certain idéalisme et en particulier celui de Kant, d'imposer aux choses nos structures, mais bien plutôt de les faire apparaître. Le monde de Dagognet n'est nullement structuré par l'esprit humain - c'est un monde qui, en un certain sens, possède son autonomie structurelle en relation étroite d'interconnexion avec les fonctions. Ainsi la peau avec ses étranges replis et circonvolutions est à la fois une texture (fonction-structure) et un texte (structure-fonction). Il n'est pas de fonction qui ne révèle une struc- ture et vice versa. Notre aveuglement trahit notre impuissance à saisir ces relations qu'on peut bien dire dialectiques. Quelques remarques ne seront pas ici inutiles. F. Dagognet dissocie en suivant le fil conducteur de la visibilité les éternelles apories de la philoso- phie classique. On sait que M. Scheler, puis Heidegger avaient reproché à 516 This content downloaded from 128.114.34.22 on Tue, 12 Jan 2016 17:06:37 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions F. Dagognet Kant d'opposer le dedans et le dehors, l'intérieur et l'extérieur. Mais il faut avouer à la vérité que ces notions sont en relation de corrélation ; qu'est-ce qu'un dehors qui ne répond pas à un dedans ? A lire F. Dagognet l'auteur de ces pages a cru pouvoir discerner un sentiment profond : le dedans est un dehors qui n'est pas encore parvenu à la manifestation visible. Par là se trouve réduit le mythe de l'intériorité. La norme fondamentale de la philo- sophie de F. Dagognet ne consiste qu'en l'idée que toute intériorité doit trouver son essence et sa vérité, dans la visibilité. L'extérieur et l'intérieur doivent moins s'opposer, même à titre de tendances substantielles, que se pénétrer, s'interpénétrer et réciproquement. L'unité de l'homme, de la science et de la philosophie repose sur cet énergique pari. On observera ensuite que le dedans ne coïncide pas dans la philosophie de F. Dagognet avec l'invisible. Il n'est nullement Yan sich du visible, pour la très simple raison qu'on peut, sans aucune métaphysique, procéder à une ouverture de tout dedans. Il est vrai que le dedans correspond aussi au sentiment organique et peut désigner un ensemble de cénesthésies, qui se donne comme inaccessible à la visibilité. Il ne faudrait pas exagérer : le travail obstiné dans l'apparence (49), au contact de la nature, de ses surprises et de sa vanité peut suppléer à une déficience de notre science, dont la vraie devise est : « Tôt ou tard » (42) et nullement : « Ignorabimus », et signifie qu'il n'y a pas de science sans patience. 2. La démarche de F. Dagognet marche vers le visible, va sans hésitations se modeler sur une division des domaines très comparable à celle qu'on trouve chez Schopenhauer. La première section ambitionne la constitution d'une morphologie générale qui mutatis mutandis est l'équivalent de la doctrine de l'Esthétique transcendantale, remaniée par l'auteur du Monde. A la Métaphysique de la Nature schopenhauerienne, édifiée sur ce fonde- ment, répond chez F. Dagognet une seconde partie intitulée : organologie. La troisième partie développée dans le livre de F. Dagognet correspond dans une certaine mesure et au moins par son intention formelle à la Métaphysique du uploads/Philosophie/dagognet-02-pdf.pdf

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