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3/20/22, 3:45 PM La Vie et les vivants - De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique … https://books.openedition.org/pucl/2751#text 1/33 De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique de la pensée henryenne Michaël Staudigl p. 485-503 TEXTE NOTES AUTEUR TEXTE INTÉGRAL Les hommes abaissés, humiliés, méprisés et se méprisant eux-mêmes ; dressés dès l’école à se mépriser, à se tenir pour rien — pour des particules et de molécules ; admirant tout ce qui est moins qu’eux ; exécrant tout ce qui est plus qu’eux. […] Les hommes détournés de la Vérité de la Vie, se jetant sur tous les leurres, les prodiges ou cette vie est niée, bafouée, singée, simulée — absente. Les hommes livrés à l’insensible, devenus eux-mêmes insensibles, dont l’œil est vide comme celui d’un poisson. Les hommes hébétés, voués aux spectres, aux spectacles qui exposent partout leur propre nullité et leur déchéance […]. Les hommes dont la responsabilité et la dignité n’ont plus aucun site assignable. Les hommes qui, dans l’avilissement général, envieront les animaux. Les hommes voudront mourir — mais non la Vie 1. Le dicton de Paul Ricœur, cité à de nombreuses reprises, selon lequel l’histoire de la phénoménologie serait « l’histoire des hérésies husserliennes » 2 semble correspondre de manière exemplaire à la philosophie de Michel Henry. En effet, dans la reprise henryenne, la 3/20/22, 3:45 PM La Vie et les vivants - De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique … https://books.openedition.org/pucl/2751#text 2/33 phénoménologie prend non seulement une forme tout à fait singulière et critique, mais aussi tout à fait particulière. Comme Bernhard Waldenfels le notait dans son œuvre majeure sur la Phénoménologie en France, l’apport henryen consiste en une poursuite rigoureuse d’une seule intuition de base d’une puissance énorme : la prise de conscience de l’essence affective de la vie pure phénoménologique 3. Je ne vais consacrer les réflexions suivantes ni à un traitement extensif de cette intuition phénoménologique de base, c’est-à-dire du principe de la phénoménologie dans son interprétation par Henry, ni à sa possible critique. Je voudrais montrer, au contraire, quelle force cette intuition prend, au moment de son application aux problèmes que pose la philosophie pratique — et avant tout la critique culturelle et les questionnements de la philosophie politique. Je pense que la valeur de la pensée henryenne ne se limite pas seulement au registre théorique. Il me semble tout au contraire qu’elle puise sa véritable force dans son application pratique. Si pour Henry, au contraire de Husserl et de la phénoménologie classique, il ne s’agit plus de penser la vie à partir du monde (ou de quelque autre horizon transcendantal comme l’être, le temps, la chair, ou l’altérité) mais tout au contraire de penser la puissance originaire de la révélation de la vie elle-même et ainsi de penser le monde à partir de la vie, alors cela indique déjà un changement de paradigme de l’intentionnalité vers la pratique. Faire ressortir l’intelligibilité pratique de la vie en tant que principe de toute phénoménalisation, voilà en quoi consiste pour Henry la tâche de la phénoménologie en tant que « phénoménologie radicale » ou « matérielle » 4. Bien sûr, on peut se demander de quelle phénoménologie il s’agit ! Car, si effectivement, la phénoménologie ne s’interroge sur rien d’autre que 3/20/22, 3:45 PM La Vie et les vivants - De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique … https://books.openedition.org/pucl/2751#text 3/33 I. Le « renversement » de la phénoménologie — de la phénoménologie « intentionnelle » à la phénoménologie « matérielle » le logos de l’apparaître — si, comme chez son fondateur, elle thématise l’intentionnalité ou, comme chez Heidegger, la transcendance comme essence de l’apparition de l’apparaissant — ne se perd-elle pas, chez Henry, dans une « autoréférence immanente » ou bien une « intériorité tautologique » 5 de la vie absolue qui doit avoir « le même sens pour Dieu, pour le Christ et pour l’homme » 6 ? Et cela ne revient-il pas à une démission de la phénoménologie en faveur d’une (crypto-) théologie ? 7 Afin d’affronter ce reproche trop général de manière adéquate et d’en tirer les conséquences pour une pensée de la culture et de la politique, nous devons, avant tout, rappeler l’enjeu de la transformation de la phénoménologie en cette phénoménologie matérielle ou bien radicale que propose Michel Henry. Pour l’anticiper, ce qui est en jeu, c’est l’humanitas transcendantale de l’humain, sa détermination incontournable d’être un soi qui s’est donné soi-même dans sa « chair vivante » 8 sans devoir sa singularité à quelque principe transcendant. Le présupposé commun de la philosophie classique et de la phénoménologie historique consiste pour Henry en l’identification du logos des phénomènes au logos du monde. Pour le dire autrement, il consiste dans le fait que la vie de la conscience doit se réaliser dans l’horizon de l’au-dehors, de la visibilité ou tout simplement du monde, c’est-à-dire dans le cadre de 3/20/22, 3:45 PM La Vie et les vivants - De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique … https://books.openedition.org/pucl/2751#text 4/33 l’intentionnalité. C’est dans le dépassement intentionnel que la vie fait l’expérience qu’elle ne coïncide pas avec elle-même, qu’elle n’a jamais été et qu’elle ne pourra jamais être pure présence à soi, mais qu’elle diffère plutôt d’elle-même. Henry comprend ces acquis de la phénoménologie post-husserlienne, mais quand il s’agit de penser l’essence de la subjectivité, c’est-à-dire son ipséité, ces positions lui semblent tout à fait insuffisantes. Selon lui, elles mènent très vite sur des chemins aporétiques, comme c’est le cas dans la théorie husserlienne bien connue de l’« auto-constitution », selon laquelle la conscience se constitue elle-même de manière intentionnelle dans l’unité temporelle du flux de conscience 9. La question de l’ipséité originaire est toujours restée un problème dans la phénoménologie classique (mais pas seulement ici). Et pour Henry, elle devait rester sans solution puisqu’on avait tenté d’y répondre par le régime de la pensée et de l’imagination sans avoir pris en compte le fondement essentiellement passif et affectif de l’ipséité 10. Sous cette condition, et pour le dire autrement, l’apparaître comme tel est pensée comme une manifestation de l’étant dans un horizon signifiant et c’est la raison pour laquelle ces positions sont incapables d’expliquer comment l’intentionnalité s’autogénère, comment la transcendance peut se transcender elle-même 11. L’idée que « l’intentionnalité [constitue] le véritable […] et seul accès possible à l’être » — soit de l’étant, soit du soi — est donc, selon la formule de Fink, vraiment l’« hypothèse [centrale] de la phénoménologie de Husserl » 12. Cette hypothèse, « la supposition que la conscience originaire entendue de manière intentionnelle est le véritable accès à l’être » 13, crée une situation phénoménologique particulière ; car si le « comment [originaire] de la donation » de la « chose 3/20/22, 3:45 PM La Vie et les vivants - De la phénoménologie matérielle à la critique de la culture et de la politique. Essai sur l’enjeu pratique … https://books.openedition.org/pucl/2751#text 5/33 même » est identifié à l’intentionnalité, alors substitue à l’apparaître pur rien d’autre que l’apparaître de l’étant : Nous avons d’un côté l’apparaître (la conscience), de l’autre le quelque chose, l’étant. L’étant est en soi étranger à l’apparaître, incapable de se phénoménaliser par lui-même. L’apparaître de son côté est tel qu’il est nécessairement l’apparaître d’autre chose, de l’étant. L’apparaître détourne de soi de façon si radicale et si violente qu’il est tout entier tourné vers l’autre que soi, vers le dehors — il est intentionnalité. Parce que l’apparaître, en tant que intentionnalité, se trouve si essentiellement déporté vers ce qu’il fait apparaître, ce n’est plus lui, l’apparaître, qui apparaît, mais ce qu’il fait apparaître en lui : l’étant. L’objet de la phénoménologie, sa “chose même”, est dénaturé de telle façon que cet objet n’est plus l’apparaître mais l’apparaître de l’étant et finalement l’étant lui-même en tant qu’il apparaît 14. Afin de résoudre ce problème, il s’agira de revenir au fondement impensable, ou mieux, irreprésentable (unvordenklich) de l’expérience, où l’intentionnalité se saisit ou plutôt s’éprouve soi-même, selon la formule henryenne. Car c’est uniquement en tant que donnée à elle-même qu’il lui sera possible de se dépasser vers une autre chose. Le retour à l’« immanence pure » et à son apparente « intériorité tautologique » (Janicaud) sont donc les tâches d’une phénoménologie radicale dont le thème est, contrairement au « monisme ontologique », la « duplicité de l’apparaître » 15. À la manifestation intentionnelle — terme utilisé par Henry pour désigner toute apparition transcendante, ekstatique bref : mondaine — il oppose l’apparaître pure ou mieux, l’auto-révélation de la vie. Il convient de voir qu’il ne s’agit pourtant pas d’un affrontement, mais d’un rapport de fondation : selon Henry, l’essence de la manifestation ne prend finalement son fondement que 3/20/22, 3:45 PM uploads/Philosophie/de-la-phenomenologie-materielle-a-la-critique-de-la-culture-et-de-la-politique-essai-sur-l-x27-enjeu-pratique-de-la-pensee-henryenne.pdf
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- Publié le Sep 28, 2021
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